R. c. Angers, 2004 CanLII 65 (QC CQ)
Lien vers la décision
[10] Les jugements de principe en matière de conflit d'intérêt sont les arrêts Succession Mac Donald c Martin 1990 CanLII 32 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1235 et R. c Neil 2002 CSC 70 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 631; 168 C.C.c. (3d) 321.
[11] De ces arrêts on peut retenir les règles suivantes:
1. Pour résoudre la question de l'inhabilité d'un avocat à agir dans une affaire, la Cour doit prendre en considération les trois valeurs suivantes: le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité du système judiciaire; le droit d'un justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix et la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession.
2. Il y a à travers les divers codes de déontologie concernant l'exercice de la profession d'avocat au Canada une volonté d'imposer une norme très stricte qui régit la conduite des avocats dans une situation où des renseignements confidentiels pourraient être utilisés contre un ancien client.
3. Le critère fondamental pour résoudre la question de savoir s'il existe un conflit d'intérêt entraînant une inhabilité est la possibilité d'un préjudice réel c'est-à-dire la simple possibilité d'un mauvais usage de renseignements confidentiels par un avocat au détriment d'un ancien client. Ce critère de la possibilité d'un préjudice réel participe du précepte qui veut que la justice soit non seulement rendue mais qu'il soit évident qu'elle est rendue.
4. L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver sans révéler les renseignements confidentiels que l'on cherche justement à protéger: on ne peut résoudre ce dilemme sans faire perdre tout son sens à la requête.
5. Conséquemment, le critère retenu doit tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels.
6. Le tribunal saisi d'une requête en déclaration d'inhabilité doit décider deux questions:
a) l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante?
b) Y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?
7. Dès que le requérant a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué en s'acquittant d'un fardeau de preuve lourd et difficile.
8. Même en l'absence de connexité, le devoir de la faute envers les clients actuels englobe un principe de portée beaucoup plus large de prévention des conflits d'intérêts qui peut mettre en cause, ou non, l'utilisation de renseignements confidentiels. Le devoir de fiduciaire envers ses clients interdit à un avocat de représenter un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d'un autre client, même si les deux mandats n'ont aucun rapport entre eux.
9. La seconde question reçoit une réponse automatique. Un avocat qui a appris des fait confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client. Il sera automatiquement déclaré inhabile à agir.
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