[69] L’appelant a soumis plusieurs affaires dans lesquelles, quoiqu'il ne soit pas questions de voies de fait graves ou de voies de fait causant des lésions corporelles, les faits sont similaires en ce qu'ils mettent en cause l'usage d'un véhicule automobile en vue ou avec la conséquence d'infliger à une personne des lésions corporelles ou la mort. Ainsi :
- R. c. Gilbert, 2007 QCCA 1607, J.E. 2007-2268 : conduite dangereuse ayant causé la mort et des lésions corporelles ainsi que délit de fuite — geste accidentel — antécédents judiciaires non précisés mais vraisemblablement inexistants — infliction d'une peine de 24 mois d'emprisonnement ferme moins une portion du sursis déjà purgé, pour un total de 18 mois.
- R. v. Balcha, 2004 CanLII 396 (ON CA), [2004] O.J. No. 1217 (Ont. C.A.) (QL) : conduite dangereuse causant des lésions corporelles et délit de fuite — acte délibéré consécutif à une dispute dans le cadre de laquelle Balcha a été attaqué et blessé — absence d'antécédents judiciaires — confirmation d'un emprisonnement ferme de 2 ans, mais réduction de la durée d'une interdiction de conduire (de 5 ans à 1 an).
- Pichette c. La Reine, J.E. 2003-289 (C.A.) : négligence criminelle causant la mort et délit de fuite — ébriété — absence d'antécédents judiciaires — confirmation d'une peine d'emprisonnement de 3 ans.
- R. v. Stone, 2001 BCCA 728, [2001] B.C.J. No. 2660 (QL) : conduite dangereuse causant des lésions corporelles — acte délibéré à la suite d'une dispute entre automobilistes — antécédents judiciaires mineurs — 22 mois d'emprisonnement avec sursis en remplacement d'une peine de 2 ans d'emprisonnement ferme.
- R. v. Scott [1992] M. J. No. 538 (Man. C.A.) (QL) : conduite dangereuse causant des lésions corporelles — acte commis à la suite d'une dispute avec son ancienne amie de cœur — absence d'antécédents judiciaires — jeunesse de l'accusé — réduction à 5 mois d'une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois.
- R. c. Girard, 1990 CanLII 3096 (QC CA), [1990] R.J.Q. 2077 (C.A.) : négligence criminelle causant des lésions corporelles — acte délibéré — absence d'antécédents judiciaires — la sentence appropriée aurait été de 2 ans d'emprisonnement mais une peine de 1 an d'emprisonnement est imposée, considérant que le délinquant a déjà purgé les deux tiers de la peine discontinue que lui avait infligée le juge de première instance.
- R. v. Barnes, [1984] N.S.J. No. 56 (N.S. C.A.) (QL) : conduite avec facultés affaiblies et négligence criminelle dans la conduite d'un véhicule automobile — acte délibéré — absence d'antécédents judiciaires — peine de 9 mois d'emprisonnement substituée à une peine de 90 jours d'emprisonnement à purger de façon discontinue.
- R. c Mohan, [1983] B.C.J. No. 463 (B.C. C.A.) (QL) : négligence criminelle causant des lésions corporelles et délit de fuite — acte délibéré — absence d'antécédents judiciaires — emprisonnement de 2 ans moins 1 jour réduit à 1 an.
- R. c. Bilodeau, C.A.M. 500-10-000225-845, 7 novembre 1984 (jj. Montgomery, Dubé et Mayrand) : négligence criminelle causant des lésions corporelles — acte délibéré commis par jalousie et sous l'emprise de la colère — alcoolisme et jalousie pathologique — confirmation d'une peine de 2 mois de prison assortie d'une ordonnance de probation de 2 ans.
[70] Bien que les comparaisons interinfractions ne soient pas bannies[9], elles doivent tout de même être modulées en fonction de leurs caractéristiques particulières, notamment en termes de peines maximales. C'est le cas ici, l'infraction de voies de fait graves étant passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans (article 268(2) C.cr.), alors que l'infraction de négligence criminelle causant des lésions corporelles (article 221 C.cr.) et celle de conduite dangereuse causant des lésions corporelles (article 249(3) C.cr.) sont passibles d'un emprisonnement maximal de 10 ans.
[71] Par ailleurs, en matière de voies de fait graves, l’appelant soumet les arrêts suivants, impliquant également l'usage d'une automobile :
- R. c. Bassenden, 1989 CanLII 420 (QC CA), J.E. 89-549; (1990) 23 Q.A.C. 306; [1989] R.L. 80 (C.A.) : voies de fait graves — acte délibéré — nombreux antécédents judiciaires (aucun emprisonnement) — emprisonnement de 3 ans substitué à une sentence suspendue assortie d'une ordonnance de probation de 3 ans accompagnée de travaux communautaires.
- R. c. Flibotte, SOQUIJ AZ-88012034, C.A.P. 88C-345, 1988 CanLII 1053 (C.A.) : voies de fait graves et délit de fuite — acte délibéré — détention provisoire de 6 mois — antécédents judiciaires — pour les voies de fait graves, substitution d'une peine de 4 ans d'emprisonnement à une peine de 2 ans (compte tenu de la détention provisoire de 6 mois, la peine totale équivaut à un emprisonnement de 5 ans).
[72] À cette liste, on peut ajouter les arrêts suivants :
- Kelly c. R., J.E. 97-1570 (C.A.) : conduite dangereuse causant la mort — accident — antécédents judiciaires — récidive en cours d'instance — confirmation d'une peine de 6 ans d'emprisonnement. Cet arrêt est particulièrement intéressant en ce qu'il fait la revue de la jurisprudence en matière de conduite dangereuse causant la mort. Selon cette jurisprudence, la fourchette applicable irait de la sentence suspendue à 5 ans d'emprisonnement, avec une moyenne (qui est somme toute peu révélatrice) tournant autour de 18 mois à 3 ans.
- St-Laurent c. R., 2008 QCCA 781, B.E. 2008BE-595 : conduite dangereuse causant la mort et conduite dangereuse causant des lésions corporelles (dépassement interdit et collision frontale avec un autre véhicule) — quelques antécédents judiciaires en d'autres matières — nombreuses infractions au Code de la sécurité routière — confirmation d'une peine globale de 3 ans d'emprisonnement (3 ans pour conduite dangereuse causant la mort et 18 mois, concurremment, pour conduite dangereuse causant des lésions corporelles), seul le point de départ de l'interdiction de conduire étant modifié par la Cour.
[73] La peine de cinq ans pour des voies de fait graves paraît donc sévère au regard de l'ensemble de cette jurisprudence, encore qu'elle soit semblable à celle qui fut infligée dans l'arrêt Flibotte, où l'on avait toutefois affaire à un appelant possédant plusieurs antécédents judiciaires, ce qui n'est pas le cas de l'espèce. On voit aussi que, dans les deux affaires où il est question de voies de fait graves (Flibotte et Bassenden), plutôt que de conduite dangereuse ou de négligence criminelle causant des lésions corporelles, les peines sont plus sévères, ce qui reflète le fait que la peine maximale est plus sévère elle aussi, entraînant un rajustement corrélatif à la hausse dans la moyenne des peines.
[74] En matière de voies de fait graves, sans usage d'une automobile, la fourchette des peines, qui va là encore de la sentence suspendue à l'incarcération, est assez vaste mais la jurisprudence n'est pas avare d'affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées. Par exemple :
- Dupont c. R., 2008 QCCA 662 : voies de fait graves (entre autres) — l'appelant a assené des coups de barre aux victimes alors qu'elles se trouvaient dans le métro — attaque apparemment impulsive — antécédents judiciaires pour crimes sans violence — risque de récidive — milieu de vie criminogène — confirmation d'une peine d'emprisonnement de 3 ans.
- Rioux c. R., 2008 QCCA 33 : voies de fait graves — séquelles importantes à la victime — acte impulsif posé sans préméditation — absence d'antécédents judiciaires en semblable matière — substitution d'une peine totale de 5 ans et 4 mois à une peine de 7 ans d'emprisonnement.
- Boulay c. R., 2007 QCCA 1663, J.E. 2008-31 : voies de fait graves — l'appelant a tiré trois fois sur son père avec une arme à feu, lors d'un exercice de tir sur cible — antécédents judiciaires non précisés — confirmation d'une peine de 6 ans d'emprisonnement, une détention provisoire de 16 mois n'ayant pas été comptée en double, d'où une peine totale équivalant à 7 ans et 4 mois d'emprisonnement.
- R. c. Jackson, 2007 QCCA 1225; J.E. 2007-1845 : voies de fait graves — bagarre à la sortie d'un bar et usage d'un couteau — nombreux antécédents judiciaires — confirmation d'une peine de 5 ans d'emprisonnement, peine considérée comme clémente, cependant, vu les antécédents judiciaires de l'intimé.
- R. c. Richards, 2007 QCCQ 408, B.E. 2008BE-321 : accusé trouvé coupable de voies de fait graves contre un touriste, de vol qualifié sur la personne de cette même victime et d'un de ses compagnons, de voies de fait contre un troisième touriste, menaces de mort contre deux de ces personnes — caractère gratuit de l'agression (commise avec des complices contre un groupe de 5 touristes) — nombreux antécédents judiciaires — séquelles importantes chez la victime de voies de fait graves — peine de 7 ans d'emprisonnement, dont sera déduit une période de détention provisoire de 11 mois (soit 5 mois comptés en double).
- Allard c. R., J.E. 90-1212, (1991) 36 Q.A.C. 137 : voies de fait graves (deux chefs) — geste délibéré mais non prémédité — appelant âgé de 18 ans lors de la commission des crimes — absence d'antécédents judiciaires — ébriété — séquelles importantes chez l'une des victimes — substitution d'une peine de 5 ans d'emprisonnement (tenant compte d'une détention provisoire d'une année), sur chaque chef, à une peine de 9 ans, à être purgée concurremment.
[75] Par contraste, pour des peines plus clémentes, on pourra citer :
- Pinto c. R., 2006 QCCA 303, J.E. 2006-571 : voies de fait graves — coup de poing dans le cadre d'une dispute dans un bar — caractère impulsif et non prémédité de l'agression — lourdes conséquences pour la victime — absence d'antécédents judiciaires — thérapie entreprise afin de contrôler impulsivité et agressivité — confirmation d'une peine de 18 mois d'emprisonnement à purger dans la collectivité et d'une probation d'une année.
- Seyfeddin-Salemi c. R., J.E. 95-1050 (C.A.) : voies de fait graves — usage d'un couteau — acte délibéré mais non prémédité — querelle au sortir d'un bar — antécédents judiciaires en matière de fraude — confirmation d'une peine de 32 mois d'emprisonnement. Dans cette même affaire, la Cour confirme par ailleurs la peine de 20 mois d'emprisonnement infligée à l'autre appelant, âgé de 19 ans, frère du premier, sans antécédents judiciaires, coupable de voies de fait causant des lésions corporelles.
[76] L’appelant n'a utilisé ici ni couteau ni arme à feu, mais le juge de première instance n'a pas tort d'affirmer qu'il s'est servi de son véhicule automobile comme d'une arme, infligeant des blessures graves à l'une des victimes, et, en ce sens, la comparaison est appropriée entre sa situation et celles qui sont en cause dans les affaires où l'on utilise un autre type d'arme[10].