mardi 17 février 2009

Arrestation sans mandat dans un domicile / perquisition accessoire à une arrestation

R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13

Résumé des faits
Au cours d’une enquête sur un meurtre en 1991, les policiers sont entrés sans permission chez l’accusé qui demeurait dans une remorque d’entreposage. Ne recevant pas de réponse, ils sont entrés, ont réveillé l’accusé, lui ont touché la jambe et lui ont ordonné de se lever, puis l’ont amené à l’avant de la remorque où il y avait plus de lumière. Les policiers l’ont arrêté après avoir vu du sang sur sa chemise.

Après avoir informé l’accusé de son droit à l’assistance d’un avocat, mais non de son droit de consulter immédiatement un avocat, les policiers lui ont posé quelques questions auxquelles il a répondu. Sa chemise a été saisie et il a été amené au détachement de la police où d’autres déclarations et ses empreintes digitales ont été recueillies avant qu’il ait consulté un avocat.

Les policiers ont saisi de l’argent, des cigarettes et des chaussures en vertu d’un mandat obtenu sur la foi de la perquisition initiale dans la remorque (la chemise et les chaussures), de l’interrogatoire initial (les chaussures) et de l’interrogatoire effectué par la suite au détachement (l’argent sous le matelas).

Analyse
Le critère objectif est de savoir si une personne raisonnable, mise à la place du policier, aurait cru à l’existence de motifs raisonnables et probables d’effectuer une arrestation. Toute conclusion qu’on ne satisfait pas au critère subjectif implique généralement qu’on ne satisfait pas au critère objectif, sauf si l’on juge que la norme appliquée par le policier est excessivement élevée.

En général, le droit à la vie privée l’emporte désormais sur le droit de la police et les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont interdites.

En général, un mandat est requis pour effectuer une arrestation dans une maison d’habitation. Il y a des exceptions en ce qui concerne le caractère abusif des perquisitions sans mandat visant à trouver des choses. Une perquisition sans mandat respecte l’art. 8 si elle est autorisée par la loi, et si la loi et la manière dont la perquisition est effectuée sont raisonnables. Dans le cas d’une prise en chasse, le droit à la vie privée doit céder le pas à l’intérêt qu’a la société à garantir une protection policière suffisante.

Les droits à la vie privée garantis par la Charte exigent que la police obtienne généralement une autorisation judiciaire préalable d’entrer dans une maison d’habitation pour y arrêter la personne recherchée.

La création d’une procédure d’obtention d’une telle autorisation préalable permet de dissiper la crainte qu’un suspect puisse se réfugier de façon permanente dans une maison d’habitation.

Les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont généralement interdites. Avant de procéder à une telle arrestation, le policier doit obtenir l’autorisation judiciaire de l’effectuer au moyen d’un mandat l’autorisant à entrer, à cette fin, dans la maison d’habitation. Un tel mandat ne sera décerné que s’il existe des motifs raisonnables d’effectuer une arrestation et des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l’adresse indiquée, assurant ainsi aux droits à la vie privée du particulier, en cas d’arrestation, la protection requise par notre Cour à l’égard des fouilles, perquisitions et saisies.

Le mandat n’est pas la seule condition pour assurer la protection de la vie privée; l’entrée par la force dans une maison d’habitation, pour y effectuer une arrestation en vertu d’un mandat relatif à un acte criminel, doit être précédée d’une annonce régulière. Il y a exception dans le cas d’une prise en chasse.

L’exigence qu’une personne soit informée des droits que lui garantit l’al. 10b) s’applique dès sa mise en détention ou en état d’arrestation. Il y a détention au sens de l’art. 10 de la Charte lorsqu’un agent de la paix restreint la liberté d’action d’une personne au moyen d’une sommation ou d’un ordre.

La police a découvert l’existence de la somme d’argent, des cigarettes et des chaussures par suite de la violation de l’art. 8 et de l’al. 10b) de la Charte, et, sans ces violations, elle n’aurait eu aucune raison d’obtenir un mandat l’autorisant à procéder à la seconde perquisition.

Il a été jugé que la prise d’empreintes digitales accessoire à une arrestation légale ne viole pas la Charte. En l’espèce, toutefois, l’arrestation était illégale et comportait diverses violations de la Charte. Obliger l’accusé à fournir des empreintes digitales dans le présent contexte violait l’art. 8 de la Charte, du fait que cela impliquait une fouille et une saisie relatives au corps de l’accusé, à l’égard duquel, tout au moins quand l’arrestation n’est pas légale, les attentes en matière de vie privée sont nettement élevées. Les procédures accessoires et consécutives à une arrestation illégale, qui empiètent sur les attentes raisonnables en matière de vie privée qu’a la personne arrêtée, violent l’art. 8.

Le fait que la violation de la Charte a été commise sans autorisation légale est un indice de mauvaise foi.

Nous reproduisons ci-dessous l'analyse trouvée dans le CONDENSÉ DE JURISPRUDENCE VISANT LA POLICE de la GRC de cet arrêt
La Cour a établi le critère suivant pour l'obtention d'un mandat autorisant à procéder à une arrestation dans une maison d'habitation : il doit y avoir des motifs raisonnables et probables non seulement pour effectuer l'arrestation, mais également des motifs raisonnables de croire que la personne sera à l'adresse indiquée. La Cour a ajouté que, même avec un mandat, l'entrée doit être précédée d'une annonce régulière.

La Cour a également conclu que les droits de l'accusé garantis par l'alinéa 10b) avaient été violés, parce que a) l'accusé n'a pas été informé de ses droits assez rapidement, la Cour étant d'avis que la détention avait commencé dès que le policier lui avait touché la jambe et lui avait ordonné de sortir du lit; b) l'accusé n'a pas été bien informé de son droit à l'assistance d'un avocat; c) la police a entrepris de le questionner et l'a forcé à faire des déclarations incriminantes avant de lui avoir donné la possibilité de consulter un avocat.

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