R. c. Bernshaw, [1995] 1 R.C.S. 254
Lien vers la décision
Résumé des faits
Un policier a intercepté le véhicule de l'accusé après avoir remarqué qu'il circulait à une vitesse excessive et avoir vu la voiture aller du fond de l'accotement jusqu'au centre de la route, et les feux de freinage s'allumer et s'éteindre. Il a décelé une odeur d'alcool exhalée par l'accusé, qui avait les yeux rouges et vitreux. L'accusé a répondu par l'affirmative au policier qui lui a demandé s'il avait consommé de l'alcool. Le policier lui a alors ordonné de se soumettre à un test ALERT conformément au par. 254(2) du Code criminel, qui permet à un policier qui soupçonne la présence d'alcool dans l'organisme d'un conducteur d'ordonner à celui‑ci de lui fournir «immédiatement» un échantillon d'haleine. L'accusé a obtempéré et l'appareil de détection a enregistré un «échec». Le policier a indiqué que c'est à ce moment qu'il s'est fait l'opinion que la capacité de l'accusé de conduire un véhicule à moteur était affaiblie par l'effet de l'alcool. Il lui a lu l'ordre type de se soumettre à un alcootest et l'a conduit au poste de police, où il a fourni deux échantillons d'haleine, qui ont tous deux indiqué un alcoolémie dépassant de beaucoup la limite prévue de ,08
Analyse
Lorsqu'un policier a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction à l'art. 253 du Code, il peut lui ordonner de se soumettre à un alcootest. L'existence de motifs raisonnables comporte un élément objectif et un élément subjectif. En vertu du par. 254(3) du Code, le policier doit subjectivement croire sincèrement que le suspect a commis l'infraction et, objectivement, cette croyance doit être fondée sur des motifs raisonnables.
Le législateur a établi un régime législatif qui permet au policier de faire subir un test de détection lorsqu'il a simplement des raisons de soupçonner la présence d'alcool dans l'organisme d'une personne. Ce test vise de toute évidence à aider le policier à fournir les motifs raisonnables le justifiant d'ordonner un alcootest. Le policier peut tenir compte d'un «échec» ainsi que de tout autre signe d'ébriété pour déterminer qu'il a des motifs raisonnables d'ordonner un alcootest. En temps normal, lorsqu'un test de détection routier bien effectué donne lieu à un «échec», ce résultat suffira à donner au policier les motifs requis
Toutefois, un «échec» peut ne pas fournir en soi des motifs raisonnables. Lorsqu'il existe une preuve que le policier savait que le suspect avait récemment consommé de l'alcool et que la preuve d'expert démontre que l'on ne peut se fier au test de détection à cause de la présence d'alcool dans la bouche, on ne peut, en droit, affirmer que les critères subjectif et objectif ont été respectés. L'article 8 exige que les motifs raisonnables existent dans les faits et non que l'on puisse en présumer l'existence nonobstant la preuve
L'exigence prévue au par. 254(3) du Code criminel, selon laquelle il doit exister des motifs raisonnables et probables pour qu’on puisse obliger une personne à fournir un échantillon d’haleine, est non seulement une exigence légale, mais aussi constitutionnelle, qu'il faut respecter, en vertu de l'art. 8 de la Charte, à titre de condition préalable à une fouille, saisie ou perquisition légitime.
L'article 8 exige que les motifs raisonnables et probables existent dans les faits et non que l'on puisse en présumer l'existence nonobstant la preuve. Par conséquent, un test positif mais non fiable ordonné en application du par. 254(2) ne peut constituer le fondement juridique nécessaire d'un ordre subséquent de se soumettre à un alcootest en vertu du par. 254(3).
Bien que le test de détection doive être administré dès que possible, le fait qu'il faut tenir compte du délai de deux heures imparti pour l'analyse laisse entendre qu'un délai de 15 minutes n'irait pas à l'encontre du régime prévu à l'art. 254 du Code ni de son objet. Les dispositions législatives doivent accorder suffisamment de temps pour procéder à un test valable.
Le paragraphe 254(2) prévoit expressément qu'un policier a le droit d'ordonner à une personne de lui fournir l'échantillon d'haleine nécessaire à l'analyse. Le paragraphe 254(2) du Code permet d'attendre 15 minutes si cela est conforme aux exigences d'utilisation de l'appareil.
Dans le cas où l'appareil de détection utilisé a été approuvé en vertu du régime législatif, le policier peut se fier à l'exactitude de cet appareil, sauf s'il existe une preuve crédible à l'effet contraire.
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