vendredi 28 août 2009

La prostitution ne constitue pas en soi une infraction criminelle

R. c. Abate (Re), 2001 CanLII 27058 (QC C.M.)

La prostitution ne constitue pas en soi une infraction criminelle. Aussi elle se veut un sujet d’incrimination dans un contexte de la maison de débauche, de la sollicitation du proxénétisme. D’aucune façon le Code criminel n’en suggère une définition.

A partir de la jurisprudence abondante et simplifiée à la limite, les actes de prostitution seraient synonymes de services sexuels rendus en contrepartie d’un paiement.

Dans Le Renvoi Relatif au Code criminel (Man.), 1990 CanLII 105 (C.S.C.), (1990) 1 R.C.S. 1123, le plus haut Tribunal affirma que la prostitution se veut une expression d’usage commun que l’on peut définir comme étant : A la page 1159,

… l’offre par une personne de ses services sexuels en échange de paiement par une autre.

Dans l’arrêt R. c. Tremblay, (1991) R.J.P.Q. 2766, notre Cour d’appel, sous la plume du juge Brossard, après avoir discuté de la notion de prostitution, énonce : A la page 2780,

On peut conclure que le simple fait de s’offrir comme participant dans des actes d’indécence pour la gratification sexuelle de l’autre, suffit pour conclure à la prostitution.

Et le juge Proulx nous donne cette approche : A la page 2781,

Cette notion a évolué au fil des temps. Si jadis on ne considérait la prostitution qu’en regard des relations sexuelles, même non rémunérées, il faut bien admettre qu’aujourd’hui la prostitution est de nature intrinsèquement commerciale, qu’elle vise des actes sexuels entre personnes de même ou de sexes différents et la gratification sexuelle du client, qui ne s’obtient pas nécessairement par des relations sexuelles complètes.

La Cour suprême renversa cette dernière décision uniquement sur la question de l’indécence (R. c. Tremblay, 1993 CanLII 115 (C.S.C.), (1993) 2 R.C.S. 932). Le juge Gonthier présente la notion de prostitution ainsi : A la page 946,

En fait, l’arrêt R. c. Lantay, précité auquel envoie le premier arrêt, s’appuie sur l’arrêt anglais R. c. De Munck, (1918) 1 K.B. 635, dans lequel on a décidé, aux pp.637 et 638, que (Traduction) « la prostitution est établie s’il est démontré qu’une femme offre son corps couramment pour des fins lubriques contre paiement », les rapports sexuels n’étant pas une condition. Le droit n’a jamais requis que la forme ou la variété la plus lubrique d’une activité qui n’est pas tolérée par la société se produise pour qu’une telle activité soit considérée comme indécente.

De façon plus contemporaine la Cour d’appel s’est penchée sur cette notion dans Tremblay c. R., J.E. 98-628. On apporta la définition suivante : A la page 5,

La prostitution est le fait d’offrir son corps pour des fins lascives, à tout venant, contre rémunération.

Le Juge Kerans parlant du but ciblé par le nouvel article (213) écrivait dans R. c. Jahelka, 1987 CanLII 151 (AB C.A.), (1987) 36, C.C.C. (3d) 105, à la page 109 :

The purpose of this legislation is acknowledged. It is not to prohibit talk about prostitution. It is to proscribe street-hawking by prostitutes and their customers. In my view, the proper interpretation of this criminal statute is that it applies only to communication from a common prostitute to a member of the public with a view to her of his prostitution or, alternatively, by a member of the public to another, whom he or she thinks to be a common prostitute, for the purpose of engaging his or her sexual services.

Aussi faut-il dire qu’il doit y avoir un but à la communication elle-même sinon à quoi servirait la communication. Il s’agit d’un commerce : donner son corps contre une rémunération ou donner une gratification sexuelle à une autre personne contre une somme d’argent.

L’intention de l’accusé s’infère des circonstances, du lieu, de ou des conversations, du contexte, de l’attitude et des intentions.

Quant au soussigné, l’article 213 (1) du Code criminel est clair et précis et il faut éviter d’en éluder la lettre, sous prétexte de vouloir atteindre son esprit. La clarté est une propriété d’une impression que le texte produit dans l’esprit de celui qui doit l’interpréter.

Il doit s’agir plus qu’une simple conversation, il ne faudrait pas croire que la tenue vestimentaire, les danses contacts et l’endroit peuvent suffire à conclure qu’il y a prostitution.

Le juge Foisy au nom de la Cour d’appel de l’Alberta apporta les commentaires suivants dans l’affaire R. c. Pake, 103 C.C.C. (3d) 524 : Aux pages 529-530,

While there can be no doubt that street prostitution and the nuisance created by it is a significant problem, the Crown’s suggestion as to the lengths that Parliament has gone in response to this problem is, in my view, incorrect. To give s. 213(1) of the Code the interpretation suggested by the Crown would be to ignore the wording chosen by Parliament itself when creating this section.

It is trite law to say that the rules of statutory interpretation require the words of a statute to be given some meaning. In the case the question is, what meaning should be given to the words « for the purpose of engaging the sexual services of a prostitute… »? I think the meaning is clear. Without an intention to engage the sexual services, there is no offence. The Crown has argued that communication about prostitution should be caught by the section, but nowhere has Parliament seen fit to include the words « about engaging the sexual services of a prostitute ».

This views is supported by numerous cases in which it has been expressed that something more than mere communication is required to make out the offence.

Il n’est nullement nécessaire que la conversation soit suivie d’actes ou de contacts sexuels pour consommer l’infraction. La Cour d’appel du Québec l’a clairement énoncé dans R. c. Tremblay, 1991 CanLII 3166 (QC C.A.), (1991) R.J.Q. 2766. Déclarant mal fondée la proposition selon laquelle on ne peut parler de « prostitution » en l’absence d’une relation sexuelle complète, de fellation et de masturbation, la Cour a repris à son compte la définition proposée par la Cour suprême dans le Renvoi relatif au Code criminel (Man.) (précité), en affirmant que « la prostitution est le fait d’offrir son corps pour des fins lascives, à tout venant, contre rémunération ».

C’est dans le même sens qu’a conclu la Cour d’Appel d’Ontario R. c. Mara, (1996) 46 C.R. (4ième) 167 p.176. L’importante liste des arrêts qui a suivi ne déroge aucunement à cette interprétation, bien au contraire.

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