R. c. Aoun, 2008 QCCA 440 (CanLII)
[19] Il est bien établi qu’un tribunal d'appel doit faire preuve de retenue à l'endroit d'un jugement portant sur la détermination de la peine. Sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d’appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée que si elle n’est manifestement pas indiquée.
[20] Les peines peuvent être consécutives s'il s'agit de transactions criminelles distinctes ou s'il existe un élément aggravant qui justifie une peine consécutive. Inversement, lorsque les infractions présentent un lien étroit, découlant du même incident ou font partie d’une même opération criminelle, les tribunaux infligent des peines concurrentes les unes aux autres.
[21] Lorsque chaque infraction est passible d’une peine d’emprisonnement, la méthode adéquate peut consister à imposer pour chacune d’elles une peine appropriée et consécutive, à moins que le résultat soit excessif :
[27] En effet, si le juge qui impose des peines d'emprisonnement pour plusieurs infractions est d'avis que la personne doit, dans l'intérêt de la société, être incarcérée pour une période donnée, il verra, à l'intérieur des limites permises par la loi, à aménager les sentences de façon à atteindre ce qu'il considère comme un résultat juste et équitable. Il le fera par le biais du cumul des sentences si la loi le lui permet. S'il ne peut le faire en raison de ce qu'il pourrait, à juste titre, considérer comme une lacune de la loi due à des raisons purement techniques, il imposera cette non moins juste et souhaitable période d'incarcération par d'autres moyens tout aussi légaux. Compte tenu de la grande sévérité des sentences inscrites au Code, tout ce qu'il a alors à faire est d'imposer, relativement à la dernière déclaration de culpabilité, une sentence dont la durée correspondra au temps que l'accusé devrait, à son avis, purger pour ses infractions. Ne pouvant remplir ce qu'il considère à juste titre comme son devoir en imposant des sentences consécutives, pour des raisons qu'il considère comme purement techniques (et avec raison selon moi), c'est ainsi qu'il va procéder. Ce faisant, toutefois, le juge se trouvera à imposer pour la dernière infraction, en vue d'atteindre le résultat global juste et souhaitable, une sentence beaucoup plus sévère, même à ses yeux, que ce que mérite l'infraction prise isolément. Cela n'est pas souhaitable car chaque infraction devrait au départ être sanctionnée d'une manière individuelle et en fonction de sa gravité. Si chaque infraction commande sa propre période d'incarcération, la méthode appropriée pour atteindre ce résultat lorsqu'on impose en même temps les peines à un accusé n'est pas de sanctionner une des infractions d'une manière disproportionnée à sa gravité, mais plutôt d'imposer des sentences consécutives.
[22] C’est ce que le juge Proulx exprime, au nom de la Cour, dans l’arrêt R. c. Bélanger:
Aux termes de l'article 717(4)c)ii) C.cr., un juge peut rendre des sentences d'emprisonnement consécutives lorsqu'une personne (1) est déclarée coupable de plus d'une infraction devant le même tribunal, et (2) que des périodes d'emprisonnement sont imposées pour les infractions respectives: c'était le cas en l'espèce.
La jurisprudence a apporté deux tempéraments à cette règle, soit que (1) les peines devraient être concurrentes si les délits résultent d'un événement unique ou s'il s'agit d'actes criminels continus, sauf les cas où la loi prescrit que la sentence doit être consécutive ou encore, si le tribunal estime que l'une des infractions formant partie de l'événement unique comporte un élément aggravant qui justifie une peine consécutive, et (2) que l'effet cumulatif de la série des sanctions imposées ne doit pas résulter en une sentence disproportionnée par rapport à la culpabilité générale du délinquant. C'est le principe de la totalité des sentences qui assure une proportionnalité raisonnable aux infractions commises. (Références omises)
[23] Il semble que le juge a voulu mettre l’accent sur la gradation des peines. Il a tenu compte du fait que l’intimé ne s’était jamais, jusque-là, vu imposer de peines de prison plus lourdes que 60 jours de prison pour possession d'une carte de crédit criminellement obtenue. C’est pour cette raison qu’il a écarté l’idée d’une peine de pénitencier et qu’il a imposé des peines de moins de deux ans chacune, qu’il rend concurrentes.
*** Voir au même effet Beaulieu c. R., 2007 QCCA 403 (CanLII) ***
Aucun commentaire:
Publier un commentaire