Astudillo c. R. , 2008 QCCS 4542 (CanLII)
[60] À travers le corpus doctrinal et jurisprudentiel, plusieurs règles viennent assurer le respect du précédent, un élément important de sécurité juridique et essentiel à une bonne administration de la justice. Il en va de la prévisibilité et de la stabilité du droit.
[61] Les règles du stare decisis, de l'issue estopel, de la res judicata, de la préclusion et de la remise en cause en sont des exemples.
[62] Éviter de rendre des jugements contradictoires est essentiel à la bonne administration de la justice. Comme l'énonçait l'honorable Rinfret de la Cour suprême du Canada en 1951:
«It is fundamental to the due administration of justice that the authority of decisions be scrupulously respected by all courts upon which they are binding. Without this uniform and consistent adherence the administration of justice becomes disordered, the law becomes uncertain, and the confidence of the public in it undermined. »
[63] Le professeur Albert Mayrand est du même avis:
«Les contradictions judiciaires simultanées ou rapprochées, quoique peu fréquentes, risquent de discréditer l'administration de la justice en mettant en évidence l'incertitude du droit.»
[64] Le stare decisis et l'importance d'éviter les jugements contradictoires font également partie du souci de restreindre la multiplicité et le coût des procès.
[65] Qu’en est-il de l’application de cette règle aux décisions d’un même tribunal?
[66] En common law, les juges ont tendance à suivre les précédents de leur cour à moins de circonstances particulières qui permettent alors de distinguer la décision antérieure du cas examiné. Comme l'explique le juge Goodfellow de la Cour suprême de Nouvelle-Écosse:
«Generally one is bound by the decision of another Justice of the Court when the subject-matter is substantially indistinguishable. I am not bound by any statute or provision in the Judicature Act […]; however, in the interests of predictability and certainty, one should usually follow the decision of another Justice unless one is convinced that the judgment is wrong or there exists strong reason to the contrary. Strong reason to the contrary might be something that indicates the prior decision was given without consideration of a statute or some authority that ought to have been followed, and not simply a strongly held contrary view by the second Justice. One obvious consideration for not being bound by a fellow Justice's decision is subsequent direction, comment or overruling of that decision by appellate courts.»
[67] Au sujet des circonstances permettant à un juge de ne pas se sentir lié par une décision antérieure de sa cour, le juge Wilson de la Cour suprême de Colombie-Britannique énonce:
«I will only go against a judgment of another Judge of this Court if:
a) Subsequent decisions have affected the validity of the impugned judgment;
b) It is demonstrated that some binding authority in case law, or some relevant statute was not considered;
c) The judgment was unconsidered, a nisi prius judgment given in circumstances familiar to all trial Judges, where the exigencies of the trial require an immediate decision without opportunity to fully consult authority.
If none of these situations exist I think a trial Judge should follow the decisions of his brother Judges.»
[68] En common law, les juges préfèrent laisser aux cours d'appel le soin de corriger la jurisprudence plutôt que de contredire un jugement rendu par leur collègue du même tribunal. Le juge Baynton de la Cour du Banc de la Reine de Saskatchewan explique ainsi la raison d'être de cette pratique:
«It is undesirable that a judge sit on appeal from a decision of a judge of co-ordinate authority. To permit such a practice would foster inconsistency and uncertainty respecting decisions made by the same court. As stated by Wimmer J. in Wolverine v. R., reflex, [1987] 3 W.W.R. 475 at p. 477 […]:
It is true that the doctrine of stare decisis does not absolutely bind a judge of first instance to follow a prior decision of another judge of the same court, but a failure to do so is a disservice to litigants, lawyers and inferior courts who are entitled to see the law as reasonably settled and certain. It is for courts of appeal, not individual judges of equal jurisdiction, to correct judicial errors.
[…]»
[69] Au Québec, comme se côtoient le régime de droit civil et celui de common law, il est difficile de parler d'une même politique judiciaire. Les cours de première instance divergent d'opinion relativement à l'autorité des précédents. Bien qu'au Québec, le juge de première instance se sente moins lié par les décisions de ses collègues, en pratique, il se conforme le plus souvent à la jurisprudence établie par le tribunal, et ce, «par courtoisie ou par solidarité professionnelle, mais surtout par souci d'une meilleure administration de la justice».
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