jeudi 17 septembre 2009

La preuve circonstancielle

R. c. Pasquin, 2009 QCCQ 1916 (CanLII)

[267] La règle dans l'arrêt Hodge relativement à la preuve circonstancielle qui établit que le maître des faits pour conclure à la culpabilité de l'accusé face à une telle preuve, doit être convaincu que celle-ci est compatible avec la culpabilité, mais incompatible avec toute autre solution logique, n'est en fait, qu'une illustration du principe de la présomption d’innocence

[268] Il va de soi que même en matière de preuve circonstancielle, la couronne a le fardeau de présenter une preuve hors de tout doute raisonnable. Cependant, chacun des éléments pris isolément qui la composent n'est pas soumis à ce standard de preuve. De plus, les inférences de fait tirées de celle-ci doivent l'être en regard de l'ensemble de la preuve. Ces inférences ne sont pas davantage soumises à la norme de preuve hors de tout doute raisonnable.

[269] La définition de la preuve circonstancielle retenue par la Cour suprême du Canada est celle énoncée dans l'arrêt Cinous, c'est-à-dire une « Preuve qui tend à prouver un fait en établissant l'existence d'autres faits ou circonstances dont le fait en cause peut raisonnablement être inféré ». (Merriam – Webster's Dictionary of Law (1996), p. 172).

[270] Une conclusion logique de culpabilité doit être distinguée d'une inférence de culpabilité basée sur des conjonctures et spéculations.

[271] Comme l’indiquent les auteurs du traité de preuve pénale McWilliam ‘s :

An inference is a “factual conclusion drawn as a result of a process of logical reasoning". The fact or proposition sought to be established is deduced or inferred as a logical (rational) consequence from other facts, or a state of facts, already proved or admitted.

[272] En s'appuyant sur l'arrêt Morrissey de la Cour d'appel de l'Ontario. ils signalent :

Thus, a trier of fact is entitled to draw factual inferences from evidence tendered at trial. The factual inferences are, generally, drawn from "primary findings of fact" made by the trier of fact in respect of individual items of evidence. However, the inferences drawn must be safe inferences in the sense that they reasonably and logically follow from an item or items of evidence accepted as validly proven only after the trier of fact has weighed all the evidence as a whole.

[273] Alors que la conjecture équivaut à de la spéculation, l'inférence sera une déduction rationnelle à partir de la preuve. Cette dernière servira de lien entre les faits observés et prouvés et le résultat de la déduction finale.

[274] Ainsi, comme le signalait la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Stevens:

An accused cannot be convicted upon suspicion, Nor upon a thousand suspicions (R. v. McDonald (1951), 101 C.C.C. 78 at 82, 13 C.R. 349, 4 W.W.R. (N.S.) 14. No person is required to explain or deny suspicious circumstances, but where a prima facie case is made out, that is, a case upon which the jury will be warranted in convicting, although they are not required to convict, the accused risks conviction if he does introduce evidence to explain or contradict the prima facie case.

[275] On constate ainsi que l'effet cumulatif de différents types de preuve circonstancielle pourrait conduire à une culpabilité en l'absence d'une preuve contraire de l'accusé.

[276] Toutefois, selon l’auteur Louise Viau :

Cette assertion ne veut pas dire que l'accusé doit automatiquement témoigner, mais plutôt qu'il devra soit à l'intérieur de la preuve de la poursuite, soit dans la présentation de sa défense, suggérer une autre conclusion logique que la culpabilité.

[277] C’est ce qui faisait dire aux juges de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt Sangha :

While it is true that the persuasive burden of proof rests on the prosecution throughout the trial, there comes a time when, circumstantial evidence having enveloped an accused in a strong and cogent network of inculpatory facts, the accused is bound to make some contradiction or explanation or stand condemned and face the risk of conviction. In short, it is the risk that an accused faces when a prima facie case has been established by direct or circumstantial evidence or otherwise.

[278] Cependant, il ne saurait être question d'utiliser le silence de l'accusé pour décider de sa culpabilité. Ce silence ne peut être considéré comme un fait qui ajoute du poids à la preuve du ministère public. Néanmoins, c'est un élément qui peut être pris en compte lorsque la preuve établit clairement la culpabilité de l'accusé. Dans l'arrêt Noble, la Cour suprême a réitéré et tenté de clarifier le droit à cet égard :

[…] afin que, comme l'exige la Charte, le fardeau de la preuve continue d'incomber au ministère public, le silence de l'accusé ne devrait pas être utilisé contre lui pour établir sa culpabilité. La conviction hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité doit reposer sur les témoignages et les éléments de preuve matérielle admis durant le procès.

Il est possible que certaines mentions du silence de l'accusé ne portent pas atteinte aux principes de la Charte examinés précédemment : ainsi, si le juge qui siège sans jury est convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé, le silence de l'accusé peut être mentionné comme preuve de l'absence d'explication susceptible de soulever un doute raisonnable. Si le ministère public a apporté une preuve hors de tout doute raisonnable, l'accusé n'a pas à témoigner, mais s'il ne le fait pas, la preuve du ministère public sera retenue et l'accusé sera déclaré coupable. C'est seulement dans ce sens que l'accusé a « besoin de répondre », une fois que le ministère public a présenté une preuve hors de tout doute raisonnable.

[279] Somme toute, même si l'absence de témoignage de l'accusé n'ajoute pas au poids de la preuve de la couronne, il peut arriver des situations lorsqu’une preuve « prima facie » forte ne reçoit aucune explication, qu'un juge des faits ne puisse en arriver à d'autres conclusions que la culpabilité.

[280] Comme le souligne l'auteur EWASCHUK :

Once the Crown has established a prima facie case, a trial judge is entitled to draw an "adverse inference" in the limited sense that the failure of the accused to offer any explanation entitles the judge to infer guilt beyond a reasonable doubt from the totality of the "uncontradicted evidence" tendered at trial. Thus, the failure of the accused to testify may provide no basis to "conclude otherwise" than that the Crown has proven guilt beyond a reasonable doubt.

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