lundi 7 septembre 2009

Le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy

R. c. Côté, 2008 QCCS 3749 (CanLII)

[146] La poursuite estime que le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy justifiait l'entrée des policiers sur le terrain et dans la résidence de Mme Côté afin de valider l'appel 911 et de vérifier ce qui s'était passé.

[147] Un élément préoccupant de l'intervention policière est celui de l'heure à laquelle on y procède. Bien entendu, si les pouvoirs reconnus dans Godoy s'appliquent, cette question est sans objet car la nature de l'intervention autorisée par l'arrêt Godoy est telle que ces pouvoirs s'appliquent quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.

[148] Il est évident que les policiers procédaient à une enquête criminelle et qu'ils ne peuvent prétendre qu'ils répondaient un appel 911 placé à 20 h 51. La source de ce pouvoir était épuisée depuis belle lurette. Dans ces circonstances, l'omission de révéler à Mme Côté toute l'information en leur possession à l'égard de la nature de la blessure de M. Hogue est éloquente.

[149] Dans Godoy, le juge Lamer énonce l'autorisation «donnée aux agents de police de se trouver dans une propriété privée pour répondre à un appel au 911» en ces termes:

Par conséquent, j’estime que l’importance du devoir qu’ont les agents de police de protéger la vie justifie qu’ils entrent par la force dans une maison afin de s’assurer de la santé et de la sécurité de la personne qui a composé le 911. L’intérêt que présente pour le public le maintien d’un système d’intervention d’urgence efficace est évident et est suffisamment important pour que puisse être commise une atteinte au droit à la vie privée de l’occupant. Cependant, j’insiste sur le fait que l’atteinte doit se limiter à la protection de la vie et de la sécurité. Les agents de police ont le pouvoir d’enquêter sur les appels au 911 et notamment d’en trouver l’auteur pour déterminer les raisons de l’appel et apporter l’aide nécessaire. L’autorisation donnée aux agents de police de se trouver dans une propriété privée pour répondre à un appel au 911 s’arrête là. Ils ne sont pas autorisés en plus à fouiller les lieux ni à s’immiscer autrement dans la vie privée ou la propriété de l’occupant. Dans l’arrêt Dedman, précité, à la p. 35, le juge Le Dain a déclaré que l’atteinte à la liberté doit être nécessaire à l’accomplissement du devoir de la police et elle doit être raisonnable. Dans le cas d’une demande d’aide indéterminée, l’atteinte raisonnable consisterait à trouver la personne qui a signalé le 911 dans la maison. Si cela peut se faire sans entrer dans la maison par la force, c’est évidemment de cette façon qu’il faut procéder. Chaque affaire est un cas d’espèce et doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances qui entourent l’événement. (Je m’abstiens en particulier de statuer sur la question de savoir si l’entrée effectuée en vue de répondre à un appel au 911 a une incidence sur l’applicabilité de la théorie des «objets bien en vue» car la question ne se pose pas compte tenu des faits de la présente affaire.)

[150] Le juge Lamer formule ses conclusions sur le cas d'espèce de cette manière:

En l’espèce, l’entrée par la force chez l’appelant était justifiée compte tenu de l’ensemble des circonstances. Les agents de police intervenaient à la suite d’une demande d’aide indéterminée. Ils n’avaient aucun indice sur la nature du problème signalé au 911. Ils ne savaient pas si l’appel avait été motivé par la commission d’un acte criminel ou non. Ils avaient le devoir en common law (codifié par le par. 42(3) de la Loi) d’agir en vue de protéger la vie et la sécurité. Par conséquent, leur devoir leur imposait de répondre à l’appel au 911. Une fois rendus à l’appartement de l’appelant, les agents de police avaient le devoir de vérifier les raisons de l’appel. S’ils avaient accepté la simple affirmation de l’appelant qu’il n’y avait «pas de problème», ils auraient manqué à leur devoir. Les agents de police étaient autorisés, en raison des pouvoirs qui leur sont conférés en common law pour s’acquitter de ce devoir, à entrer dans l’appartement pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un cas d’urgence. Le fait que l’appelant ait tenté de fermer la porte au nez des agents de police renforce également la légitimité de leur réaction, qui a été d’entrer par la force. Comme je l’ai déjà dit, le droit au respect de la vie privée de la personne qui ouvre doit s’incliner devant l’intérêt de quiconque se trouve à l’intérieur. La menace pesant sur la vie ou l’intégrité physique intéresse plus directement la dignité, l’intégrité et l’autonomie qui sont les valeurs sous-tendant le droit à la vie privée que le droit d’être à l’abri de l’intrusion minimale de l’État que constitue l’entrée des agents de police dans l’appartement pour enquêter sur un cas d’urgence potentiel. Une fois à l’intérieur de l’appartement, les agents de police ont entendu la conjointe de l’appelant pleurer. Ils avaient le devoir de fouiller l’appartement pour la trouver. À mon avis, le juge Finlayson de la Cour d’appel a eu raison de conclure que les agents de police avaient exercé leurs pouvoirs de façon justifiée.

[151] Bien entendu, comme le souligne le juge Lamer, «[c]haque affaire est un cas d’espèce et doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances qui entourent l’événement» et à la lumière des principes suivants:

1) Les policiers ont le pouvoir:

a. D'enquêter sur un appel 911;

b. D'en trouver l'auteur;

c. De déterminer les raisons de l'appel et;

d. D'apporter l'aide nécessaire.

2) L'atteinte doit se limiter à la protection de la vie et de la sécurité;

3) L'autorisation ne s'étend pas à la fouille des lieux ni à s'immiscer autrement dans la vie privée ou la propriété de l'occupant.

[152] En l'espèce, l'auteur de l'appel était connu, la raison de son appel aussi et on avait apporté l'aide nécessaire à M. Hogue. Les limites posées par le juge Lamer sont si claires et si limpides qu'il est difficile d'imaginer quelque confusion que ce soit.

[153] Certes, on ne doit pas imposer «à la police l'obligation d'interpréter instantanément les décisions judiciaires». On ne peut «pas s'attendre que les policiers connaissent dans ses menus détails le droit en matière de mandats de perquisition, [mais] ils devraient néanmoins être au courant des exigences que les tribunaux ont jugées essentielles».

[154] Il y a peu à interpréter dans les paramètres énoncés par le juge Lamer dans l'arrêt Godoy. De toute façon, la preuve présentée n'établit pas que c'est une incertitude quant à l'étendue des pouvoirs qui est à la source de quelque méprise policière.

[155] Le plus désolant, c'est là, la seule conclusion raisonnable selon la preuve présentée, c'est que les limites contenues dans l'arrêt Godoy n'étaient tout simplement pas connues. Les policiers semblent avoir conclu qu'un appel au 911 était la source d'un pouvoir illimité qui n'est pas encadré par quelques limites que ce soient, l'urgence étant perçue comme la source d'un pouvoir d'intervention sans limites.

[156] Or, le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy était épuisé et ne pouvait justifier l'intervention policière [à l’adresse A].

[157] Même si on tient pour acquis que les paramètres énoncés dans Godoy ont été respectés lors de l'intervention policière, on doit se rappeler les limites posées par le juge Lamer à l'intervention policière suite à un appel 911:

L’autorisation donnée aux agents de police de se trouver dans une propriété privée pour répondre à un appel au 911 s’arrête là. Ils ne sont pas autorisés en plus à fouiller les lieux ni à s’immiscer autrement dans la vie privée ou la propriété de l’occupant.

[158] Il faut conclure que les fouilles sur le terrain [de l’adresse A] et celle de la maison n'étaient pas autorisées par le pouvoir reconnu dans l'arrêt Godoy.

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