R. c. Cioffi, 2009 QCCQ 4833 (CanLII)
*** Attention - voir note en bas de ce post ***
[1] À la suite d'un procès qui s'est tenu en février 2008, l'accusée Josie Cioffi a été déclarée coupable de diverses accusations de fraudes, de complots ainsi que de fabrications et utilisations de faux documents à l'endroit de son employeur, la Banque Royale du Canada ( RBC).
[8] Le montant de la fraude se chiffre à plus de 4,000,000.00 $ et la perte encourue est de l'ordre de 3,500,000.00 $; il s'agit de plusieurs évènements s'échelonnant sur une période de 4 ans. Force est de convenir que nous sommes en présence d'une fraude ayant entraîné une substantielle perte pécuniaire.
[9] La préméditation ne fait aucun doute dans le présent dossier même si la fraude était d'une simplicité déroutante; par un simple jeu d'écriture, l'accusée créait des comptes fictifs par lesquels elle faisait transiter des sommes d'argent au profit et au bénéfice de Lorrain Théroux, le grand organisateur de cette mise en scène.
[58] La poursuite justifie sa demande d'une peine d'incarcération de l'ordre de 6 ans de pénitencier en référant le Tribunal aux arrêts suivants : Belle-Isle c. R, R.v. Bertram et R.v.Spiller.
[59] Dans l'arrêt Belle-Isle de notre Cour d'appel, le jugement qui maintenait une sentence de 5 ans fut rendu le 4 novembre 1991; dans l'arrêt Bertram, la Cour d'appel d'Ontario modifiait une sentence de 6 ans pour la diminuer à 4 ans et 3 mois en tenant compte de la période de détention préventive de 17 mois (cette décision fut rendue le 18 octobre 1990) et finalement, dans l'arrêt Spiller, le 17 mars 1969 la Cour d'appel de la Colombie-Britannique augmentait de 3 ans à 6 ans une sentence imposée en première instance.
[60] C'est à dessein que j'ai indiqué les dates où ces arrêts ont été rendus; il n'est pas de mon intention de remettre en question la justesse des motifs à l'appui de chacune de ces décisions. Je conviens que ces sentences sont sévères, mais à l'époque où elles ont été imposées, elles ne dépassaient pas les paramètres habituels fixés en matière de sentences par la Cour d'appel du Québec et les cours d'appel des autres provinces.
[61] Dans des arrêts plus récents, notre Cour d'appel ainsi que celle de l'Alberta, ont eu l'occasion de se pencher sur le sujet et elles ont examiné le droit au sursis, à l'incarcération, selon les termes de l'article 742.1 du code criminel, pour des infractions de cette nature.
[62] S'inspirant de l'arrêt Proulx de la Cour suprême, l'honorable juge Gendreau se prononce ainsi au par. [18] de la décision de R.c. Alain:
" Cela m'amène inéluctablement à examiner le droit au sursis à l'incarcération en application de l'article 742.1 C.cr. puisqu’aucune infraction n'est exclue du champ d'application de cette disposition sauf si une peine minimale d'emprisonnement est prévue."
[63] Par contre, l'effet dissuasif demeure un objectif important dans les fraudes de grandes ampleurs; le message que doivent lancer les tribunaux à ceux qui seraient tentés de commettre de tels crimes doit être clair et sans équivoque; c'est d'ailleurs ainsi que se prononce le juge Gendreau de la Cour d'appel dans l'arrêt Alain :
" Après l'examen de la responsabilité personnelle ou intrinsèque du contrevenant, reste celui de la fonction dissuasive de la peine. Les fraudes importantes qui nécessitent habituellement la mise en place et l'utilisation d'un système sophistiqué entraînent des peines d'emprisonnement. Les tribunaux ont généralement voulu souligner la gravité de ces fraudes…sans doute, pour qu'il soit bien compris que les "criminels à col blanc " peuvent, et en réalité, causent un préjudice sérieux aux victimes spécialement lorsqu'elles sont de petits épargnants, et qu'il y a lieu de décourager ces agissements, causes de dommages sociaux. "
[64] Tout en gardant à l'esprit que de telles fraudes nécessitent habituellement des peines d'emprisonnement, il ne faut pas pour autant considérer que de telles infractions sont exclues du champ d'application de la disposition qui prévoit l'octroi d'un emprisonnement avec sursis.
[65] Pour accéder à la suggestion de la poursuite, le tribunal devrait ignorer la réhabilitation et privilégier uniquement les aspects de dénonciation et de dissuasion de la peine.
*** Attention - cette décision a été cassée en appel le 14 janvier 2010 R. c. Cioffi - 2010 QCCA 69 - 500-10-004396-097; l'accusée a été condamné à une peine d’emprisonnement de 35 mois, de ce jour***
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