Corriveau c. R., 2003 CanLII 32937 (QC C.A.)
[46] La juge cite, en l'approuvant, une décision du juge Jean-François Gosselin de la Cour du Québec qui, après analyse de la jurisprudence québécoise portant sur les détournements de fonds commis par des avocats, notaires ou gestionnaires fait ressortir que les peines varient entre 23 mois et 5 ans.
[47] Le juge Gosselin résume ainsi la jurisprudence jugée pertinente:
R. c. Plourde, [1975] C.A. 34: la Cour d'appel du Québec confirme une sentence de 23 mois d'emprisonnement imposée à un avocat qui a fraudé ses clients pour une somme de 21 000,00 $;
Ste-Marie c. R., 500-10-000091-791, 1980-08-15: La Cour d'appel du Québec confirme une peine de 23 mois d'emprisonnement infligée à un avocat qui s'est approprié 112 000,00 $ appartenant à ses clients;
R. c. Zaor, C.S.P. St-François 450-01-002455-835: la Cour des sessions de la paix condamne un avocat à quatre ans de pénitencier pour 18 fraudes totalisant 515 000 $ (requête en appel rejetée le 4 septembre 1985);
R. c. Drapeau, C.Q. Longueuil 505-01-001123-880, 1989-01-23: la Cour du Québec condamne un notaire qui s'est approprié 100 000,00 $ appartenant à ses clients à deux ans moins un jour de détention;
R. c. Trudeau, C.Q. Longueuil 505-01-001415-880, 1988-09-23: la Cour du Québec condamne un notaire qui s'est approprié 132 000 $, appartenant à ses clients à 30 mois de pénitencier;
R. c. Cardin, C.Q. Longueuil 505-01-001755-939, 1994-03-01: la Cour du Québec condamne à trois ans de pénitencier un notaire de 47 ans qui a volé 387 650,79 $ à même les comptes en fidéicommis de dix clients pour maintenir son haut niveau de vie;
R. c. Desmarais, C.Q. Joliette 705-01-009977-960, 1998-06-26: la Cour du Québec condamne un juriste à trois ans de pénitencier pour fraude;
R. c. Champagne, C.Q. Chicoutimi 150-01-001630-947, 1999-11-11: la Cour du Québec condamne un notaire à trois ans de pénitencier pour plusieurs fraudes totalisant 300 000,00 $ commises sur une période de 18 mois, alors que le contrevenant n'exprimait aucun remords;
R. c. Bergeron, J.E. 99-483 (C.Q.): la Cour du Québec condamne un avocat à 23 mois d'emprisonnement pour un détournement de fonds à ses fins personnelles à partir de son compte en fiducie;
R. c. Durand, (1992) A.Q. 692: la Cour d'appel du Québec confirme une sentence de cinq ans de pénitencier imposée au directeur des finances de l'Université du Québec à Trois-Rivières qui, pour sauver ses propres entreprises, avait falsifié des chèques et volé des obligations pour une somme totalisant approximativement un million de dollars;
R. c. Lacombe, C.Q. Montréal 500-01-065202-985, 2001-05-17: la Cour du Québec condamne le directeur des services financiers de l'École des Hautes Études Commerciales (H.E.C.) à trois ans de pénitencier pour une fraude totalisant 1 113 000, 00 $ et la perception de commissions secrètes de 603 000$.
[48] Il me paraît opportun de signaler quelques décisions qui ont sans doute échappé à l'attention du juge Gosselin, et une autre qui a été rendue depuis l'imposition de la peine en l'espèce et qui modifient légèrement l'éventail des peines rapportées dans l'affaire Bolduc.
[49] Le 15 septembre 1992, dans le dossier C.Q. Montréal No 500-01-013263-899, l'avocat Lafleur a été condamné à un an d'emprisonnement pour une fraude de 5 100 $.
[50] Le 3 juillet 1997, dans le dossier C.Q. Montréal No 500-01-019870-937, l'avocat Salomon a été condamné à un an d'emprisonnement pour une fraude de 50 000 $.
[51] Le 29 septembre 2000, l'avocat Cantin ayant plaidé coupable à sept chefs d'accusation dont quatre de fraude totalisant près de cent millions de dollars avec bénéfice personnel de cinq millions de dollars a été condamné dans les dossiers C.Q. Québec 200-01-048540-995, 200-01-057145-009 et 200-01-057153-003, à 65 mois d'emprisonnement après deux semaines de détention préventive.
[52] Il y a lieu de signaler que dans l'affaire Cantin, le juge a entériné, à quelques mois près, une suggestion commune du ministère public et de la défense.
[53] Le juge a retenu, à titre de facteurs atténuants, les suivants:
- L'accusé a plaidé coupable, évitant ainsi à l'État un long et coûteux procès;
- L'accusé semble regretter les crimes qu'il a commis;
- Qualifié de «témoin repenti» par le ministère public, l'accusé a accepté de témoigner contre ses complices dans des procédures criminelles;
- L'accusé a accepté de collaborer avec la police afin de faciliter l'aboutissement des procédures civiles.
[54] Le 3 juin 2002, après un plaidoyer de culpabilité à 18 chefs d'accusation portant sur des transactions frauduleuses totalisant 615 000 $, mais sans apparence de bénéfice personnel, l'avocat Desnoyers a été condamné dans les dossiers C.Q. Longueuil No 505-01-034576-013 et 505-01-034577-011, à 6 mois de prison, décision confirmée par notre Cour le 19 juillet 2002, J.E. 2002-1494.
[55] Après avoir référé à cette décision Bolduc, précitée, la juge a cité l'opinion du juge Bastarache dans Bunn, précité, aux p. 202 et 203, selon laquelle il est bien établi que la sanction du crime d'abus de confiance vise d'abord et avant tout les objectifs de dénonciation et de dénonciation générale.
[56] La juge résume ainsi, au par. 74 de sa décision, les considérations immédiates qui motivent sa décision d'imposer à l'appelant une peine de quatre ans d'emprisonnement sur chacun des chefs:
Tenant compte de la gravité objective et subjective des infractions, des peines habituellement imposées en semblables matières, du montant élevé du détournement de fonds dans le cas de la succession Mercier, des circonstances particulièrement dramatiques vécues par les héritiers qui ont dû subir les fausses représentations de l'accusé, du fait que Nancy Mercier n'a pas été remboursée intégralement des sommes qui lui revenaient, du fait que le remboursement effectué dans le cas de la succession Mercier n'est pas l'œuvre de l'accusé, du fait que la façon d'agir de l'accusé dénote une absence totale de scrupules, du fait que cette façon d'agir a été répétée à trois reprises, du fait que rien dans le dossier ne permet de conclure à la présence de remords sincères chez ce dernier, le Tribunal est d'avis que seule une peine d'emprisonnement dans un pénitencier est susceptible de rencontrer les principes de détermination de la peine adoptés par le législateur tels qu'appliqués par nos tribunaux supérieurs.
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