dimanche 17 janvier 2010

Le principe Minimis non curat lex est un moyen de défense recevable contre une accusation de voie de fait en droit criminel canadien

R. c. Guimont, 2009 QCCQ 9881 (CanLII)

[41] Il est reconnu que la maxime, le principe minimis non curat lex est un moyen de défense recevable contre une accusation de voie de fait en droit criminel canadien. L'honorable juge Arbour, dissidente dans Canadian Foundation faisait ainsi valoir ce moyen de défense comme un palliatif à l'inconstitutionnalité de l'article 43 C.cr. qu'elle aurait décidé. La juge Arbour formulait ainsi son opinion :

200 Le Juge en chef refuse, à juste titre, de s’en remettre uniquement au pouvoir discrétionnaire de la poursuite pour écarter les affaires ne justifiant pas des poursuites et des sanctions. En matière de droit criminel, le poursuivant doit faire montre de discernement lorsqu’il s’agit d’écarter des affaires sans importance, mais ce n’est pas suffisant. La loi doit empêcher les déclarations de culpabilité relatives à un comportement qui ne mérite pas d’être puni, et c’est ce qu’elle fait. Si le système judiciaire n’est pas confronté à une multitude de poursuites insignifiantes pour des comportements qui ne font que remplir les conditions théoriques nécessaires pour qu’il y ait « crime » (par exemple, le vol d’un sou), c’est grâce à l’efficacité du pouvoir discrétionnaire de la poursuite et parce que les juges peuvent appliquer le moyen de défense de common law fondé sur le principe de minimis non curat lex (la loi ne se soucie pas des petites choses sans importance).

[…]

203 Certes, la jurisprudence relative à l’application du moyen de défense est limitée. L’application rare du moyen de défense fondé sur le principe de minimis par les tribunaux peut s’expliquer par le fait que les policiers et les poursuivants passent au crible toutes les accusations criminelles de sorte que seules celles qui le méritent donnent lieu à un procès. Le principe de minimis peut, malgré tout, être invoqué en tant que moyen de défense de common law maintenu par le par. 8(3) du Code, et il appartient aux tribunaux de l’appliquer et de le développer à leur guise (J. Hétu, « Droit judiciaire : De minimis non curat praetor : une maxime qui a toute son importance! » (1990), 50 R. du B. 1065, p. 1065-1076). En fait, ce moyen de défense veut seulement que l’actus reus ait été [traduction] « pour ainsi dire » accompli et que [traduction] « le comportement en cause correspond à la définition d’une infraction, mais qu’il soit trop anodin pour être compris parmi les actes fautifs que cette définition est censée viser » (E. Colvin, Principles of Criminal Law (2e éd. 1991), p. 100). Le moyen de défense* fondé sur le principe de minimis ne signifie pas que l’acte en cause est justifié, cet acte reste illégal, mais en raison de son caractère anodin, il ne sera pas puni (S. A. Strauss, « Book Review of South African Criminal Law and Procedure par E. M. Burchell, J. S. Wylie et P. M. A. Hunt » (1970), 87 So. Afr. L.J. 471, p. 483).

204 Les raisons données pour justifier l’excuse « de minimis » sont généralement les suivantes : (1) le droit criminel ne doit s’appliquer qu’à l’inconduite grave (2) l’accusé doit échapper au stigmate d’une déclaration de culpabilité criminelle et à l’infliction d’une peine sévère pour un comportement relativement anodin, et (3) les tribunaux ne doivent pas se retrouver ensevelis sous un nombre considérable de dossiers sans importance (K. R. Hamilton, « De Minimis Non Curat Lex » (décembre 1991), document de travail mentionné dans le rapport du groupe de travail sur la nouvelle codification du droit pénal de l’Association du Barreau canadien, Principes de responsabilité pénale : Proposition de nouvelles dispositions générales du Code criminel du Canada (1992), p. 206. Le principe repose en partie sur l’idée que le mal que la disposition créant l’infraction vise à prévenir n’a pas vraiment été fait. Cela est compatible avec le double principe fondamental de justice pénale selon lequel il ne saurait y avoir de culpabilité pour un comportement inoffensif et irrépréhensible (voir mes motifs dans l’arrêt R. c. Malmo-Levine, 2003 CSC 74 (CanLII), [2003] 3 R.C.S. 571, 2003 CSC 74, par. 234-235 et 244).

[42] Au nom de la majorité, le juge en chef McLachlin s'exprimait ainsi dans Canadian Foundation:

44 […] Quant au moyen de défense fondé sur le principe de minimis, il est aussi, sinon plus, imprécis et difficile à appliquer que le moyen de défense fondé sur le caractère raisonnable que prévoit l’article 43.

[43] Nous retenons, malgré le peu d'exemples d'application par la jurisprudence, que cette défense s'applique aux voies de fait qui revêtent un caractère anodin, sans signification ou inoffensif. Ce moyen de défense s'applique-t-il en l'espèce? Comparant la conduite de l'accusée avec celles étudiées dans certaines décisions, la pression qu'a mise l'accusée sur l'épaule de X n'avait rien d'une plaisanterie, d'un contact affectueux mal interprété ou d'un mouvement fait pour se dégager. Il ne s'agissait pas non plus d'avoir légèrement tassé une personne afin d'avoir accès à une porte.)

[44] Ce geste a été posé dans un contexte scolaire et sans doute pour démontrer une autorité avec plus de fermeté qu'avec la parole. Quoique limite et d'une gravité mineure, cette voie de fait, mise dans son contexte, ne permet pas cette défense. Son application en l'espèce ouvrirait un tort individuel et social. On ne peut s'attendre à ce que pour se faire entendre ou pour réagir à une inconduite, il soit banalisé de presser une partie du corps d'une personne.

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