R. c. Dang, 2009 QCCQ 11881 (CanLII)
[45] "Plain smell" n'équivaut pas à "plain view", car le sens de l'odorat est moins précis que le sens visuel. De nature subjective, l’odeur a été assimilée à une pure intuition. À cet égard, il a été clairement établi qu’une simple intuition des policiers n’est pas suffisante, même si elle se révèle subséquemment exacte, pour servir de base à une détention.
[46] À cause de la nature subjective du sens de l'odorat, elle ne peut constituer—à elle seule—le fondement d'une arrestation légitime. Dans la cause de Polashek, le juge Rosenberg de la Cour d'Appel de l'Ontario explique les dangers d'une arrestation fondée uniquement sur le sens de l'odorat :
The sense of smell is highly subjective and to authorize an arrest solely on that basis puts an unreviewable discretion in the hands of the officer. By their nature, smells are transitory and thus largely incapable of objective verification. A smell will often leave no trace. As Doherty J.A. observed in R. v. Simpson, smells at page 202: "subjectively based assessments can too easily mask discriminatory based on such irrelevant factors as the detainee's sex, colour, age, ethnic origin or sexual orientation". (par. 13)
[47] Toutefois, plusieurs décisions précisent que la conjonction d’autres facteurs peut fournir les motifs raisonnables de croire à l’implication dans un crime donné. L’expérience de l’agent, le comportement de l’accusé, l’endroit et le lieu de l’interception ont été jugés être de tels facteurs. À cet effet, notons ci-après, l'opinion du juge Rosenberg dans la cause de Polashek :
[I] would not go so far as was urged by the appellant that the presence of the smell of marijuana can never provide the requisite reasonable and probable grounds for an arrest. The circumstances under which the olfactory observation was made will determine the matter. It may be that some officers through experience or training can convince the trial judge that they possess sufficient expertise that their opinion of present possession can be relied upon. (par. 14)
[48] Notons, également, les propos du juge Huddart de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans la cause de Dubois:
It cannot be said that the evidence of odour alone is insufficient in all circumstances to found an objective belief that a crime has been or is about to be committed. (par. 9)
[49] Dans la cause de Sewell, le juge Bayda de la Cour d'appel de la Saskatchewan explique que l'expérience olfactive d'un policier - lui permettant de détecter la présence de marijuana dans une auto en se fiant uniquement à son sens de l'odorat - peut être aussi fiable que le sens de la vue :
If, through experience, a person’s sense of smell for marijuana is as highly developed as his sense of sight for marijuana, it undermines logic to discount or discard the knowledge acquired through his sense of smell but accept the knowledge acquired through his sense of sight. Knowledge is knowledge, whether acquired through one sense, more than one sense, or all the senses. In the present case, it is fair and reasonable to infer from the officer’s testimony—testimony that was not disputed—that he had knowledge of the presence of marijuana in the vehicle, as a result of his smelling the marijuana in question, without having seen it.
[50] Lors de l'interrogatoire en chef, aucune question ne fut posée à l'agent Bolduc quant à sa capacité de déceler la présence de marijuana en se fiant uniquement à son sens de l'odorat. Cependant, lors du contre-interrogatoire de l'agent, on apprend qu'il est un officier expérimenté et que dans le cours de ses fonctions, il a effectué plusieurs interventions reliées à la marijuana. Également, son expérience comme membre de la Sûreté lui a permis de faire la distinction entre les feuilles de marijuana et le résidu de feuilles de marijuana. L'avocate de la Défense n'a pas poussé son contre-interrogatoire plus loin pour savoir si l'expérience du policier lui permettait de détecter la présence de marijuana en se basant uniquement sur l'odeur que cette substance dégage.
[51] Certes, la preuve sur voir-dire n'a pas exploré pleinement les capacités olfactives de l'agent Bolduc pour déceler la présence de marijuana dans un lieu. Cependant, cette preuve établit, tout au moins, qu'il possède une expérience considérable en ce qui a trait à la marijuana. Dans ces circonstances, n'est-il pas raisonnable de présumer que ce constable – à cause de son expérience – pouvait raisonnablement s'attendre à trouver de la marijuana dans l'auto en se fiant uniquement à son sens olfactif? Sur voir-dire, il ne manquait que la formalité d'une question précise pour permettre à l'agent Bolduc d'expliquer comment son expérience ou formation lui a permis de croire que la marijuana se trouvait dans le véhicule de l'accusé.
[52] Il y a lieu de rappeler, également, les actions promptes et décisives de l'agent une fois qu'il a détecté l'odeur de la marijuana émanant du véhicule de l'accusé. De toute évidence, l'agent était convaincu de trouver la substance illicite dans l'auto conduite par l'accusé.
[53] Par ailleurs, il importe d’effectuer une distinction entre l’odeur de marijuana brûlée et l’odeur de marijuana fraîche. Alors que l’odeur de marijuana brûlée ne permet pas de déceler le moment exact où l’individu a été en possession de stupéfiants, tel n’est pas le cas de la marijuana fraîche qui dénote une présence actuelle. En ce sens, il a été reconnu que l’odeur de marijuana fraîche, très importante et récente, contrairement à l’odeur de marijuana brûlée pouvait donner à l’agent les motifs raisonnables.
[54] En l’espèce, il apparaît clairement qu’il ne s’agissait pas de l’odeur à elle seule. En effet, bien que le comportement et le physique de l’accusé ne pouvaient aucunement être le fondement de la détention, l’odeur de marijuana fraîche, la présence de nombreux sacs ainsi que l’expérience du policier en matière de stupéfiants octroyaient à ce dernier les motifs raisonnables de croire que monsieur Dang était en possession de marijuana.
[55] Ayant conclu à la légalité de l’arrestation, il convient maintenant de déterminer si la fouille en découlant était légale, soit accessoire et raisonnable. Dans la cause de Cloutier et Langlois, la Cour suprême, citant les propos du juge Dubin de la Cour d'appel de l'Ontario, explique les limites du pouvoir accessoire de fouille suite à une arrestation ainsi :
Après avoir effectué une arrestation légitime, un agent a le droit de fouiller le détenu et de lui enlever tout objet qu'il croit raisonnablement relié à l'infraction reprochée ou qui peut être utilisé à titre d'élément de preuve contre le détenu relativement à l'accusation, ou tout instrument ou arme susceptible de permettre au détenu de commettre un acte violent ou de s'évader… (par. 43 dans Cloutier qui cite la page 232 dans Morrison)
[56] Dans la cause de Caslake, le juge en chef Lamer reprend les conditions régissant la fouille accessoire à l'arrestation énoncée préalablement dans l'affaire Cloutier :
La plus importante de ces conditions est que la fouille soit vraiment accessoire à l'arrestation. Cela signifie que les policiers doivent pouvoir expliquer, en fonction des objectifs exposés dans Cloutier, précité (protection des policiers et de la preuve), ou de tout autre objectif valable… Ils n'ont pas besoin de motifs raisonnables et probables. Cependant, ils devaient avoir un motif lié à l'arrestation pour procéder à la fouille… et ce motif doit être objectivement raisonnable. (par 25)
[57] En somme, la fouille accessoire à une arrestation ne doit avoir pour fins que la sécurité et la recherche de preuve liée à l'arrestation et aucune autre fin.
[58] Dans la cause de Langlois, la Cour suprême a établi que lors d'une arrestation légale, les policiers peuvent fouiller non seulement un accusé, mais également l'entourage de celui-ci afin de rechercher des armes ou des éléments de preuve pour l'infraction pour laquelle l'individu est arrêté. Ce pouvoir de fouiller les environs de l'accusé lors d'une arrestation s'étend évidemment au véhicule de l'accusé.
[59] En l’espèce, l’objectif de l’agent Bolduc en procédant à la fouille du véhicule conduit par monsieur Dang, était de recueillir une preuve pouvant éventuellement être utilisée contre l’accusé à son procès. Le Tribunal est d'avis que l'agent croyait honnêtement trouver la marijuana dans l'auto de l'accusé. De plus, cette croyance de l'agent est objectivement raisonnable. Selon l'enseignement prodigué par la Cour suprême dans les arrêts Cloutier et Caslake, cette fouille est compatible avec la poursuite d'un objectif valable dans l'administration de la justice, soit en l'occurrence, la recherche des éléments de preuve reliés à la possession de marijuana.
[60] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que, dans le cas sous étude, il s'agit d'une fouille accessoire à une arrestation légale. Rien n'indique que cette fouille fut pratiquée de façon abusive par le policier. Par conséquent, la fouille ne contrevient pas aux dispositions de l'article 8 de la Charte.
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