vendredi 10 septembre 2010

L'accusé souleve la question de sa réputation lorsqu’il déclare n’avoir jamais été condamné, ni arrêté; ces déclarations ne constituent qu’une tentative de prouver son honorabilité

Morris c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 405

Comme le juge du procès et la Cour d’appel, j’estime que l’appelant a soulevé la question de sa réputation lorsqu’il a déclaré n’avoir jamais été condamné, ni arrêté; ces déclarations ne constituent qu’une tentative de prouver son honorabilité. En se montrant sous le jour d’un citoyen respectueux des lois, l’appelant cherchait uniquement à montrer que, vu sa réputation, il était peu vraisemblable qu’il ait commis l’infraction dont on l’accusait.

Dans R. v. Baker, l’accusé déclara dans son témoignage que, pendant quatre ans, il avait gagné honnêtement sa vie; de l’avis de la Cour d’appel criminel, ceci constitue une preuve d’honorabilité qui ouvre la porte à un contre-interrogatoire sur sa réputation.

Dans R. v. Samuel, la Cour d’appel criminel a jugé qu’une personne accusée de vol soulève la question de sa réputation lorsqu’elle dit, au cours de son témoignage, qu’à deux reprises elle a retourné des objets trouvés à leur propriétaire. Parlant de ce témoignage et des questions qui l’avaient amené, le lord juge en chef a dit (aux pp. 10 et 11):

[TRADUCTION] Bien sûr, ce comportement indique que la personne est honnête.



… le seul objet de ces questions est d’inciter le jury à se dire: «Cet homme est de ceux qui rendent un objet trouvé; autrement dit, il est honnête». C’est manifestement le but des questions et je ne peux certainement pas admettre que tout ce qu’elles signifient c’est que l’appelant est homme à rendre un objet trouvé. La réponse péremptoire à cela est que si un prisonnier invoque sa réputation, tous les aspects de sa réputation sont alors en cause et pas uniquement ceux qui lui sont favorables à l’exclusion des autres. De l’avis de là cour, il est clair que ces questions mettent la réputation de l’appelant en cause. Il demande au jury de croire qu’il est homme à disposer honnêtement d’objets trouvés. En conséquence, l’avocat de la poursuite est en droit de lui poser, en contre‑interrogatoire, des questions sur ses condamnations antérieures.

Sur la question du genre de témoignages qui pourraient être qualifiés de preuve de réputation, Cross a dit, On Evidence, 4e éd., à la p. 367:

[TRADUCTION] En règle générale, l’accusé cherche à faire la preuve de sa réputation par des allusions à un passé honnête et vertueux et la jurisprudence montre que les tribunaux n’hésitent pas beaucoup à conclure que ces allusions soulèvent la question de sa réputation. Les cas où une personne affirme assister régulièrement à la messe, soutient avoir gagné honnêtement sa vie pendant longtemps, répond qu’elle est mariée, qu’elle a une famille ou qu’elle occupe un emploi stable, sont autant de cas où …

l’accusé a soulevé la question de sa réputation.

On a prétendu que l’appelant n’a pas soulevé la question de sa réputation lorsqu’il a témoigné au sujet de sa bonne conduite, parce que cette preuve a été faite au cours de son interrogatoire principal, pour des [TRADUCTION] «raisons de tactique», au sens de la règle adoptée par la Cour d’appel de l’Ontario dans R. v. St. Pierre, R. c. Merolla, 19 avril 1974, non publié, et R. v. MacDonald. Quelle que soit la validité de cette règle lorsque l’accusé avoue des condamnations antérieures au cours de son interrogatoire principal, elle ne peut s’appliquer lorsqu’il nie toute condamnation antérieure; le fondement de cette règle est qu’il est moins préjudiciable à la crédibilité d’un accusé de révéler ses condamnations antérieures au cours de son interrogatoire principal, que d’être tenu de le faire en contre-interrogatoire en réponse aux questions du ministère public; ce raisonnement ne vaut plus lorsque le témoignage de l’accusé tend à prouver sa bonne conduite plutôt que son inconduite. Avec égards, je conclus que ce moyen n’est pas fondé.

Je ne puis me rallier non plus à la proposition suivant laquelle une preuve d’honorabilité peut seulement être réfutée par la preuve de condamnations antérieures. Dès que l’accusé soulève la question de sa réputation, il donne au ministère public la faculté d’établir le contraire, c’est-à-dire sa mauvaise réputation en général ou son immoralité. On le fait souvent par la preuve de condamnations antérieures, mais ce n’est pas, et beaucoup s’en faut, le seul moyen de preuve permis. L’article 593 du Code criminel n’a jamais été interprété comme
limitant aux condamnations antérieures la preuve de mauvaise réputation qui peut être faite contre l’accusé, et je ne crois pas qu’il doive l’être. En fait, l’objet de cette disposition du Code est tout à fait à l’opposé: elle vise à assurer que les condamnations antérieures seront admises comme preuves de mauvaise réputation à l’encontre de la règle selon laquelle la mauvaise réputation ne peut pas, en général, être prouvée par des actes précis d’inconduite (1953) 11, The Cambridge Law Journal, à la p. 377, «Is the Prisoner’s Character Indivisible?» par R.N. Gooderson; R. v. Triganzie; contrairement aux règles de preuve relatives aux faits collatéraux, elle permet également la preuve de condamnations antérieures autrement qu’au cours du contre-interrogatoire de l’accusé et en dépit de toute dénégation de sa part.

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