R. c. Fice, [2005] 1 R.C.S. 742, 2005 CSC 32
Suivant l’art. 742.1 du Code criminel, le délinquant qui mérite par ailleurs l’emprisonnement dans un pénitencier ne saurait avoir accès à l’emprisonnement avec sursis du seul fait de la période qu’il passe en détention présentencielle. Le régime d’emprisonnement avec sursis n’a pas été conçu à l’intention des délinquants à l’égard desquels l’emprisonnement dans un pénitencier est approprié. Quand, après avoir examiné la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant, le tribunal conclut qu’une peine située dans la fourchette des peines d’emprisonnement dans un pénitencier est justifiée et qu’un sursis à l’emprisonnement n’est donc pas possible, la période de détention présentencielle ne doit pas avoir pour effet de modifier cette conclusion.
L’article 742.1 prévoit que le délinquant doit avoir été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à l’emprisonnement avec sursis. Conformément à l’approche établie dans Proulx à l’égard de l’art. 742.1, le juge qui détermine la peine doit procéder en deux étapes. Il doit d’abord se demander s’il est possible de prononcer une condamnation à l’emprisonnement avec sursis. À cette étape, le juge n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée; il n’a qu’à décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : (i) les mesures probatoires; (ii) l’emprisonnement dans un pénitencier. Si le juge peut prononcer l’emprisonnement avec sursis, il doit ensuite décider si cette peine est appropriée. La période passée en détention présentencielle doit être prise en compte à cette deuxième étape de l’analyse, qui concerne la durée de la peine, plutôt qu’à la première, qui concerne la fourchette des peines applicables. Toute autre conclusion serait contraire à la nature du régime d’emprisonnement avec sursis, tel qu’il a été défini dans Proulx. La période passée sous garde par le délinquant avant le prononcé de sa peine doit être considérée comme faisant partie de la durée totale de l’emprisonnement plutôt que comme un facteur atténuant susceptible d’avoir une incidence sur la fourchette des peines applicables et, partant, sur son admissibilité à l’emprisonnement avec sursis. En outre, suivant l’approche établie dans Proulx, la condition prévue par l’art. 742.1 requérant que le tribunal condamne le délinquant « à un emprisonnement de moins de deux ans » doit être interprétée téléologiquement. Le tribunal satisfait à cette condition en déterminant de façon préliminaire la fourchette des peines applicables.
Le pouvoir discrétionnaire que confère le par. 719(3) du Code de prendre en compte la période de détention présentencielle pour fixer la peine à infliger ne signifie pas que le second préalable prévu par l’art. 742.1 — à savoir que la personne ait été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à un sursis à l’emprisonnement — vise uniquement la période qui devra de fait être passée en prison après le prononcé de la peine; ce préalable concerne plutôt la période totale que le tribunal prend en compte pour déterminer la sévérité de la sanction requise par la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant.
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