jeudi 7 octobre 2010

Il faut que le dispositif concerné, pour qu'il soit prohibé, ait été conçu pour obtenir les effets décrits par le règlement; l'utilisation ponctuelle n'a aucun impact sur la définition d'une arme prohibée

R. c. Gagnon, 2010 QCCQ 5212 (CanLII)

[53] L'arme prohibée est définie au Code Criminel comme étant toute arme désignée comme telle par règlement.

[54] Le règlement concerné prévoit:

1. Tout dispositif conçu comme moyen de blesser une personne, de l'immobiliser ou de le rendre incapable, par dégagement :



b) soit d'un liquide, vaporisé ou non, d'une poudre ou d'une autre substance pouvant blesser une personne, l'immobiliser ou la rendre incapable.

[55] L'objet visé par cet article doit avoir été conçu pour blesser, immobiliser ou rendre incapable une personne, un humain. Le produit utilisé doit avoir le même effet. Ainsi, la condition requise est à double niveau: le dispositif utilisé doit avoir un effet incapacitant sur un humain de même que le produit utilisé.

[56] Quoiqu'il n'y ait pas eu de preuve technique présentée, le tribunal n'a aucun doute à considérer ce double élément comme prouvé. Les descriptions faites par les témoins ne laissent subsister aucun doute quant à l'effet du poivre de Cayenne projeté au moyen de la bonbonne manipulée par l'accusé.

[57] Mais il faut aussi que le dispositif concerné, pour qu'il soit prohibé, ait été conçu pour obtenir les effets décrits à cet article. Or, le sens du mot conçu peut être double.

[58] D'abord, la conception peut se définir en fonction de la capacité même de l'objet en question. L'utilisation de l'objet permettant de rendre un humain incapable, la bonbonne possédée par Jean-Guy Gagnon serait donc une arme prohibée.

[59] Mais, «conçu» peut aussi se définir par la destination que lui donne celui qui le fabrique. L'étiquette de la bonbonne de l'accusé ne manque pas de clarté. L'objet vise à repousser les ours en forêt. Retenir une telle interprétation implique que la bonbonne possédée par Jean-Guy Gagnon ne serait pas une arme prohibée.

[60] La jurisprudence consultée n'est guère abondante. Le tribunal retient particulièrement la décision rendue au Québec dans R. c. Hodgky[3], où le juge disait:

Et, même s’il est raisonnable de penser qu’il peut immobiliser ou rendre incapable une personne puisque la preuve fait état des effets sur les deux victimes alléguées, de même que sur les deux agents de sécurité qui furent eux aussi incommodés par les vapeurs du produit, le Tribunal ne peut conclure que ce produit ait été conçu avec cet objectif en vue. Ainsi, ce ne serait pas une arme prohibée.

[61] C'est cette dernière définition qui est retenue. D'abord, c'est celle qui est la plus favorable à l'accusé. La bonbonne utilisée est en vente libre; encore plus, l'objet, ce qui inclut tout autant le dispositif que le produit, est homologué et enregistré auprès des autorités fédérales.

[62] Ensuite, beaucoup de chasseurs et d'amateurs de milieux fauniques possèdent une telle bonbonne destinée aux ours l'ayant achetée eux aussi en vente libre. Jean-Guy Gagnon pouvait penser qu'il effectuait une transaction légitime sans y voir l'achat d'une arme prohibée. Il est difficile d'y voir les éléments suffisants à la présence d'une mens rea nécessaire à une possession illégale.

[63] Évidemment, l'utilisation faite par Jean-Guy Gagnon n'était pas adéquate. Cette notion «d'utilisation», est essentielle et a servi à déterminer si l'agression du présent cas était armée ou non: en effet, la définition «d'arme» à l'article 2 du Code criminel, contient le mot «utilisé». Ce n'est pas le cas pour l'article pertinent du règlement sur les armes prohibées: l'utilisation ponctuelle n'a aucun impact sur la définition d'une arme prohibée en ce qui regarde une bonbonne de poivre de Cayenne.

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