samedi 2 octobre 2010

Revue de l'état du droit concernant l'analyse de la crédibilité et la fiabilité des témoins

R. c. Boisvert, 2010 QCCQ 6312 (CanLII)

Lien vers la décision

[319] L'honorable juge Estey dans l'arrêt White (1947) R.C.S., page 268, s'exprime ainsi:

« La question de la crédibilité en est une de fait qui ne peut être déterminée par l'application d'un ensemble de règles qui à ce qui est suggéré devrait avoir force de loi. Des juges éminents ont parfois indiqué certains guides qui se sont révélés être d'une grande utilité mais mes recherches m'indiquent qu'on n'a jamais tenté d'indiquer tous les facteurs susceptibles d'entrer en jeu. C'est une question où trop de caractéristiques humaines tant positives que négatives doivent être prises en considération. L'intégralité générale de l'intelligence du témoin, ses facultés d'observation, la capacité de sa mémoire et l'exactitude de sa déposition sont des facteurs importants. Il est important également de déterminer s'il essaie de bonne foi de dire la vérité, s'il est sincère et franc ou s'il a des préjugés ou s'il est réticent ou évasif. Toutes ces questions entre autres peuvent recevoir une réponse d'après l'observation de la conduite et du comportement général du témoin en déterminant la crédibilité. »

[320] Comme nous le savons tous, ces propos ont résisté à l'épreuve du temps et sont toujours d'actualité.

[321] Dans la décision Cedras c. Sa Majesté la Reine (1994) 31 Criminal Reports 4e édition page 305, le regretté et honorable juge Michel Proulx de la Cour d'appel du Québec écrit :

« Aucun texte de loi n'établit pour les Juges de faits les critères qui servent à évaluer la crédibilité d'un témoin. Chacun grâce à son expérience, son bagage de connaissance et son sixième sens note à travers ce prisme qui est le sien les indices déterminants de la fiabilité ou du discrédit propre à chaque témoin. »

(p. 312)

[322] Le 12 février 1999, la Cour d'appel dans l'affaire Jean-Pierre Hamelin c. Sa Majesté la Reine, dossier greffe de Québec, portant le numéro 400-01-001295-030 rappelle que la cohérence parfaite n'est pas un facteur de garantie absolue :

« Il appartient alors au Juge de première instance d'apprécier la crédibilité de chaque témoin en particulier ainsi que le poids de l'ensemble de la preuve à l'intérieur de la grille prescrite par la jurisprudence. Lorsque la preuve est incohérente il doit intervenir et au besoin une Cour d'appel le fera comme cela est arrivé dans l'affaire Mayrand. Cependant il ne faut pas conclure que seule la cohérence parfaite d'une preuve testimoniale permet de la considérer comme crédible. La preuve doit plutôt être évaluée dans la totalité de ses qualités et de ses défauts avec attention dans ces éléments particuliers comme dans son ensemble pour déterminer précisément si le standard du droit de la preuve criminelle est respecté. »

[323] Aussi, il n'est pas superflu de rappeler un article rédigé par l'honorable juge François Doyon maintenant juge à la Cour d'appel du Québec alors qu'il siégeait comme membre de la Cour du Québec: L'évaluation de la crédibilité des témoins publiée en 1999, 4 Canadian Review D.P. page 331 dans lequel il précise que fiabilité et crédibilité sont deux concepts différents. À ce sujet, il s'exprime ainsi:

« La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. On parlera donc de la crédibilité du témoin. La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin on parle de fiabilité de son témoignage autrement dit il a un témoignage digne de confiance. Ainsi il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version de faits est véridique alors qu'il n'en est rien et ce tout simplement parce qu'il se trompe. La crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable. »

[324] Comme l'enseigne depuis longtemps la Cour d'appel du Québec et la Cour suprême du Canada, le Tribunal peut rejeter certaines parties d'un témoignage et en accepter d'autres.

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