R. c. Veillette, 2010 QCCQ 7728 (CanLII)
[47] Comme le rappelle l'auteur HARRISON dans son volume Capacités affaiblies, l'intoxication involontaire est recevable à l'encontre d'une accusation de conduite de véhicule alors que la capacité de conduire est affaiblie par l'alcool ou la drogue (Arrêt King 1962 CanLII 16 (S.C.C.), (1962) R.C.S. 746). Dans cette affaire, l'accusé avait reçu une injection chez le dentiste et avait subi son procès sur une accusation de conduite avec les facultés affaiblies. La Cour suprême a décidé qu'une personne ayant reçu une injection de drogue chez un dentiste et n'ayant pas eu une connaissance de ses effets sur sa capacité de conduire ne peut être reconnue coupable. La Cour émet certains principes, rappelant que le fardeau repose sur la poursuite qui doit prouver l'intention et l'actus reus.
[50] Comme le rappelle la Cour d'appel dans l'affaire Geoffroy ((2004) CanLii, 209) :
La mens rea, un élément essentiel de l'infraction reprochée, est présumée lorsqu'une personne conduit une automobile alors que ses facultés sont affaiblies à cause de la consommation d'alcool ou d'une drogue. Cette situation est censée résulter d'actes accomplis volontairement.
La culpabilité peut être écartée, si une preuve soulève un doute raisonnable sur la capacité qu'avait cette personne, au moment où elle a décidé de conduire, de réaliser le caractère sérieux et inadéquat de son état sans une faute de sa part.
[52] La défense doit soulever un doute raisonnable et pour ce faire, elle doit rendre plausible l'effet de cette intoxication. Le juge n'est pas un expert et donc, n'a pas la capacité d'induire les effets d'un médicament absorbé en même temps que de l'alcool. Comme de dit le juge Deblois dans l'affaire Auclair 2004 CanLII 15525 (QC C.S.), (2004 CanLii 15525):
▪ Il est établi en droit pénal canadien que l'intoxication involontaire est assimilée à l'automatisme sans aliénation mentale. Or, dans les arrêts la Reine c. Stone de la Cour suprême et Carignan c. la Reine de la Cour d'appel du Québec, il est clairement et spécifiquement reconnu que pour présenter une défense d'automatisme, la défense ne peut se contenter de la simple version de l'accusé, de sorte qu'une preuve par expert pour appuyer cette affirmation est nécessaire. L'honorable juge Gendreau de la Cour d'appel dans l'arrêt Carignan ( 2003 CanLII 32932 (QC C.A.), [2003] R.J.Q. 1022) écrit:
Il ressort d'un examen de la jurisprudence que, pour s'acquitter de la charge de présenter une défense applicable à l'automatisme, l'accusé doit alléguer qu'il a agi involontairement au moment pertinent. Comme je l'ai dit précédemment, une simple allégation de caractère involontaire ne suffit pas.
▪ Et le juge Gendreau continue à la page 184:
En plus d'alléguer le caractère involontaire, la défense doit présenter une preuve d'expert en psychiatrie à l'appui de son allégation.
▪ Et il termine à la page 187:
Pour satisfaire à la charge de présentation ou d'établissement des fondements, une allégation du caractère involontaire appuyée d'une preuve psychiatrique est nécessaire dans tous les cas. Toutefois, cette charge exigera généralement plus qu'une allégation de caractère involontaire de la part de l'accusé, confirmée par une preuve d'expert que l'automatisme est plausible (…)
[53] L'avocat de la défense a habilement plaidé que comme la substance n'avait pu être déterminée, l'expertise devenait impossible à réaliser. Peut-être, mais dans ce cas, la défense a failli à son fardeau de soulever un doute raisonnable. Une expertise devait être produite pour rendre plausible l'intoxication involontaire.
[55] Même si une expertise avait démontré que Veillette ne pouvait raisonnablement s'attendre aux effets de la médication lorsqu'il a décidé de conduire son véhicule, la preuve a démontré que lorsqu'il s'est rendu compte qu'il avait les facultés affaiblies, il tout de même décidé de continuer sa route.
[56] Pourtant, lorsque le conducteur réalise par ses propres constatations ou lorsqu'il est informé par un tiers qu'il n'est pas en état de conduire, la défense d'intoxication involontaire ne peut s'appliquer. En effet, dans ces circonstances, l'élément intentionnel de l'infraction est prouvé.
[57] Dans l'affaire Geoffroy précitée, la Cour dit ceci:
Le fait pour l'accusé d'être conscient de l'affaiblissement de sa capacité de conduire au moment d'entrer dans le véhicule, ou son aveuglement volontaire à cet égard, est suffisant pour retenir sa culpabilité, et ce, bien qu'à l'origine, il puisse s'être intoxiqué involontairement.
[62] Pourtant, il est de sa responsabilité de connaître les conséquences de la prise du médicament en même temps que l'alcool. C'est lui qui prend de l'alcool après le médicament. C'est sa responsabilité de savoir s'il peut le faire. Le médecin ne peut présumer qu'à la sortie de son cabinet, le patient va ingurgiter une grosse bière.
[63] Comme le rappelle le juge Morand dans l'affaire Danis Dionne 2010 QCCQ 253 (CanLII), (2010 QCCQ 253, 8 février 2010):
La personne qui reçoit une ordonnance pour la délivrance d'un médicament doit faire diligence raisonnable pour s'enquérir des informations pertinentes pour faire un usage éclairé de la substance.
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