mardi 18 janvier 2011

Les règles de preuve visant à déterminer l'admissibilité en preuve de photographies

R. c. Grenier, 2004 CanLII 35317 (QC C.S.)

[19] Il est depuis longtemps établi que toute preuve pertinente est recevable en preuve Toutefois, une telle preuve sera exclue lorsqu'une règle de droit ou de preuve la rend inadmissible. L'honorable juge Spence dans Draper v. Jacklyn disait :

« Il arrive souvent qu'un juge, présidant un procès par jury, soit appelé à décider si un élément de preuve, quoique recevable en soi, peut porter un tel préjudice à l'adversaire que sa valeur probante en est annulée par le préjudice possible et que, par conséquent, il doit en refuser la production. Pour ce qui est des photographies, la situation se présente très fréquemment à l'occasion des procès criminels, surtout en cas d'homicide. Cette question présente toujours des difficultés pour le juge de première instance et elle devient essentiellement une affaire de judicieuse discrétion personnelle »

Pour sa part, la Cour supérieure de l'Île du Prince Edouard dans R. v. Beamish, citée par la défense, s'exprimait ainsi,

« Both parties submit the trial judge has a discretion to exclude pictures in some circumstances where they would be prejudicial to the accused; …

…Obviously, where the proposed evidence is of no probative value following the general principle it would be excluded. Where on the other hand evidence is of high probative value, the law is that there is no judicial discretion permitting the exclusion of relevant evidence which is of high probative value. I refer to the judgment of Justice Judson in R.v. Wray, [1970] 4 C.C.C. 1 (S.C.C.) at page 22 jurisprudential analysis. …

In my opinion, there is no justification for recognizing of this discretion in these circumstances. This type of evidence has been admissible for almost 200 years.

….The task of the Judge in the conduct of a trial is to apply the law and to admit all evidence that is logically probative unless it is ruled out by some exclusionary rule. If this course is followed, an accused person has had a fair trial. »

[20] De son côté, la Cour d'appel du Manitoba dans R. c. Muchilkekwanape en 2002 reprenait les six motifs énoncés dans Schaefler qui visaient aussi à déterminer l'admissibilité en preuve de photographies:

« 1) to illustrate the facts on which experts base their opinion and to illustrate the steps by which they arrive at their opinions;

2) to illustrate minutiae of objects described in the testimony of a witness, i.e. to show the nature and the extent of the wounds;

3) to corroborate testimony and provide a picture of the evidence and to assist the jury in determining its accuracy and weight;

4) to link the injuries of the deceased to the murder weapon;

5) to provide assistance as to the issues of intent and as to whether the murder was planned and deliberate;

6) to help the jury determine the truth of the theories put forth by the crown or defense, e.g. as to which accused committed the crime; as to whether the crime was committed in self-defence. » (nos soulignements)

[21] Ma collègue, l'Honorable juge Claire Barrette-Joncas, eut à son tour à se prononcer sur l'admissibilité en preuve de plusieurs photographies d'une victime dans R. c. Zurlo, une affaire mettant en cause la mort d'un bébé de 27 jours. Les accusations portées étaient homicide involontaire, négligence criminelle et refus de pourvoir aux choses nécessaires à la vie. Elle décrit les photographies comme suit :

« …obviously horrible. The Court could see that a female official interpreter, after seeing six of those pictures, could not carry on her duties as fear had overcome her. A new interpreter has to be brought in yesterday. »

[22] En admettant les photographies en preuve, elle dit ceci :

« A photograph…can often more fully, clearly and accurately portray or describe persons, places or things than a witness can by oral evidence…They are not subject to the difficulties inherent in oral evidence of absorbing and relating the mass of details, and then remembering it. »

Puis, citant le professeur Fortin dans son recueil "Preuve" à la page 754, 989, Les Éditions "Themis", 1984, elle dit ceci:

« La photographie d'un lieu, d'une personne ou d'une chose…donne une description de la réalité qui est beaucoup plus immédiate que celle que peuvent en donner les témoins. Les tribunaux reconnaissent le bien-fondé du dicton "une image vaut mille mots" et acceptent en preuve ces illustrations dans la mesure où elles sont à la fois pertinentes et fiables. La photographie…(est) une preuve matérielle permettant au tribunal de faire ses propres constatations tout comme s'il avait sous les yeux l'objet photographié.

….

L'admissibilité d'une photographie dépend de sa pertinence et de sa fiabilité. La pertinence s'apprécie en fonctions des faits en litige. Ainsi, la photographie des lieux du crime ou de la victime…est pertinente dans la mesure où elle apporte une contribution à la preuve. »

[23] Dans leur "Traité général de preuves et de procédures pénales" 10e édition 2003, Les éditions Thémis à la page 218, les auteurs, l'Honorable juge Pierre Béliveau et Me Martin Vauclair, disent ceci au sujet des principes relatifs à l'admissibilité des preuves au par 510 :

« 510. En commom law, le principe général en matière de preuve, principe qui, nous le verrons plus loin, souffre de nombreuses exceptions, veut que toute preuve pertinente soit admissible pour démontrer la culpabilité de l'accusé. Est pertinent "tout ce qui, selon la logique et l'expérience humaine, tend le moindrement à établir un fait en litige" (références omises). Dans l'arrêt R. c. J.-L.J., 2000 CSC 51 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 600, la Cour suprême a utilisé l'expression "jusqu'à un certain point" plutôt que "le moindrement" (par.47)). Aucune valeur probante minimale n'est requise; la preuve doit simplement tendre à "accroître ou diminuer la probabilité de l'existence d'un fait en litige". Cette règle de la pertinence s'applique à tous les moyens de preuve, qu'elle soit écrite, testimoniale ou matérielle. Ainsi donc, de façon générale, un fait pertinent sera admis en preuve à moins que l'on ne démontre qu'une règle de droit exige qu'on ne l'écarte (références omises)»

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