mercredi 14 septembre 2011

Dans certaines circonstances, les déclarations antérieures compatibles peuvent être admissibles en tant que partie intégrante du récit des faits

R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, [2008] 1 RCS 788

[36] Règle générale, les déclarations antérieures compatibles sont inadmissibles (R. c. Stirling, 2008 CSC 10 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 272, 2008 CSC 10). Ces déclarations sont exclues principalement parce que, d’une part, elles n’ont pas de force probante (Stirling, par. 5) et que, d’autre part, elles constituent du ouï‑dire lorsqu’elles sont utilisées pour la véracité de leur contenu.

[37] Dans certaines circonstances, les déclarations antérieures compatibles peuvent être admissibles en tant que partie intégrante du récit des faits. Une fois admises en preuve, ces déclarations peuvent être utilisées dans le but limité d’aider le juge des faits à comprendre comment les faits relatés par le plaignant ont été divulgués à l’origine. La difficulté, c’est de faire la distinction entre [traduction] « l’utilisation du récit des faits dans le but inadmissible de “confirmer la véracité des déclarations faites sous serment” » et « l’utilisation du témoignage narratif dans le but admissible d’établir l’existence d’une plainte et le moment de son dépôt, ce qui pourrait alors aider le juge des faits dans son appréciation de la véracité ou de la crédibilité des déclarations » McWilliams’ Canadian Criminal Evidence (4eéd. (feuilles mobiles)), p. 11‑44 et 11‑45 (en italique dans l’original); voir aussi R. c. F. (J.E.) 1993 CanLII 3384 (ON C.A.), (1993), 85 C.C.C. (3d) 457 (C.A. Ont.), p. 476).

[38] Dans R. c. G.C., [2006] O.J. No. 2245 (QL), la Cour d’appel de l’Ontario a fait remarquer que les déclarations antérieures compatibles d’un plaignant pouvaient aider le tribunal à évaluer la probabilité qu’il soit sincère, notamment dans les cas d’allégations d’agressions sexuelles commises contre des enfants. Le juge Rouleau, qui a rédigé les motifs unanimes de la Cour d’appel, s’est exprimé ainsi :

[traduction] Bien qu’elle ait été admise à bon droit au procès, la preuve d’une plainte antérieure ne peut servir à corroborer la survenance de l’incident en cause. Elle ne peut servir à prouver la véracité de son contenu. Toutefois, cette preuve peut servir à « étayer l’allégation principale en constituant un cadre logique pour sa présentation », comme nous l’avons vu plus haut, et à apprécier la sincérité de la plaignante. À cet égard, l’arrêt R. c. F. (J.E.) précise ce qui suit, à la p. 476 :

Le fait que les déclarations ont été faites est admissible en preuve pour aider le jury à suivre le déroulement des événements, de la perpétration de l’infraction jusqu’à l’engagement de poursuites, afin qu’il puisse comprendre la conduite de la plaignante et apprécier sa sincérité. Toutefois, il faut prévenir les jurés de l’importance de ne pas considérer le contenu des déclarations comme une preuve de la perpétration d’un crime.

Le juge du procès était conscient de l’utilisation limitée qui pouvait être faite de cette preuve, comme le montrent ses motifs :

[J]’ai été vraiment frappé, même si le fait de dire à quelqu’un qu’on a été agressé ne confirme pas en soi l’agression. J’ai été frappé par la manière dont elle en a parlé, cela tend à confirmer le récit [de la plaignante] — c’est‑à‑dire comment ils lisaient un livre et comment ils en sont venus à parler de l’abus sexuel des enfants.

Dans les cas d’agressions sexuelles commises contre de jeunes enfants, les tribunaux ont reconnu qu’il était difficile d’obtenir de la victime un récit détaillé des faits. Dans certains cas, la manière dont l’enfant finit par divulguer les faits peut servir d’outil utile au juge du procès dans son appréciation de la sincérité de l’enfant, soit en renforçant ou en affaiblissant la force probante logique de son témoignage. Il en est ainsi en l’espèce.

[39] Le raisonnement de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire G.C. s’applique tout autant aux faits de l’espèce. Les déclarations antérieures compatibles de la plaignante n’étaient pas admissibles en preuve suivant les exceptions habituelles à la règle du ouï‑dire. Ainsi, ces déclarations ne pouvaient servir à confirmer son témoignage au procès. Toutefois, à la lumière de la preuve selon laquelle la plaignante avait du mal à replacer les événements dans leur contexte temporel et qu’elle s’embrouillait facilement et mentait à l’occasion, il importe de noter que la spontanéité de sa déclaration initiale ainsi que la répétition des éléments essentiels de ses allégations fournissent un contexte très utile à l’appréciation de sa crédibilité.

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