mardi 31 janvier 2012

L'introduction par effraction dans une maison d'habitation ne constitue pas un crime violent rendant indisponible l'emprisonnement avec sursis

Tremblay Lacasse c. R., 2011 QCCA 2172 (CanLII)

Lien vers la décision

[26]           Avec égards, l'erreur du juge se situe précisément dans ce constat.  Contrairement à ce qu'il décide, l'introduction par effraction dans une maison d'habitation, même accompagnée d'un vol, ne constitue pas, par sa nature même, un crime violent rendant indisponible l'emprisonnement avec sursis.

[29] On constate que le législateur limite davantage la disponibilité du sursis, l'excluant dorénavant dans les cas où l'accusé est déclaré coupable d'une infraction constituant des « sévices graves à la personne » au sens de l'article 752, d'une infraction de terrorisme ou d'une infraction d'organisation criminelle, lorsque ces infractions sont poursuivies par mise en accusation et passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus.

[30] Les introductions par effraction commises par l'intimé n'impliquent pas, par leur nature intrinsèque, des « sévices graves à la personne », comme semble l'avoir présumé le juge en les qualifiant de « crimes de violence ». L'expression de « sévices graves à la personne » est définie à l'article 752, qui se trouve dans la Partie XXIV du Code criminel intitulée « Délinquants dangereux et délinquants à contrôler »

[31] L'introduction par effraction accompagnée d'un vol (article 348(1) C.cr.) ne fait pas partie des infractions énumérées à l'article 752b) C.cr., qui comportent toutes une forme de violence intrinsèque. Il faut donc examiner les articles 752a)(i) et (ii) C.cr., ce qui nécessite une analyse des circonstances de la commission des infractions.

[32] Dans les faits, il doit y avoir violence ou tentative d'emploi de la violence contre une personne pour que l'infraction visée tombe sous le coup de l'article 752a)(i) C.cr. Bien que les tribunaux interprètent de manière extensive le concept de violence, aucun fondement factuel ne permettait d'affirmer que l'appelant a commis ou a tenté de commettre des gestes de violence à l'endroit de quiconque, ce qu'a d'ailleurs reconnu le juge d'instance en écrivant qu'« il n'y [a] pas eu de violence physique ». L'appelant n'a eu aucun contact avec les résidants, qui ne se sont aperçus de son passage que le lendemain matin.

[33] Cependant, la conduite de l'appelant pourrait-elle être considérée comme « dangereuse, ou susceptible de l'être, pour la vie ou la sécurité d'une autre personne ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d'infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne », au sens de l'article 752a)(ii) C.cr.?

[34] Les tribunaux ont souligné à maintes reprises qu'une introduction par effraction pose un risque important pour la vie et la sécurité des occupants dans les maisons d’habitation. Par exemple, dans Lévesque c. R., la Cour écrit : « L'introduction par effraction est passible de la détention à perpétuité parce que ce crime est un manquement au principe de l'inviolabilité du domicile et qu'il comporte également un risque d'atteinte à la vie humaine à cause de la possibilité de confrontation violente avec les occupants ». De plus, une introduction par effraction est susceptible de causer un préjudice psychologique grave aux occupants, qui peuvent perdre le sentiment de sécurité que leur procure la chaleur de leur demeure.

[35] Malgré cela, il reste que l'analyse faite en vertu de l'article 752a)(ii) C.cr. doit porter sur les faits de l'affaire plutôt que sur une évaluation abstraite de l'infraction d'introduction par effraction et de ses conséquences potentielles

[36] Conclure que l'introduction par effraction accompagnée d'un vol est intrinsèquement « une conduite dangereuse » au sens de l'article 752a)(ii) C.cr. va d'ailleurs à l'encontre de l'intention du législateur. En effet, l'article 742.1 C.cr. a été modifié en 2007 afin de prohiber l'emprisonnement avec sursis pour certaines infractions considérées comme des crimes de violence et non pour toutes les infractions passibles d'un emprisonnement de dix ans ou plus poursuivies par acte d'accusation, comme le prévoyait un projet d'amendement antérieur

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