mardi 20 mars 2012

Les facteurs à considérer pour déterminer si le délai écoulé avant le procès a été déraisonnable

R. c. Askov, [1990] 2 RCS 1199

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De l'examen qui précède, il est possible, je crois, de résumer tous les facteurs à considérer pour déterminer si le délai écoulé avant le procès a été déraisonnable.

(i)La longueur du délai.

Plus le délai est long, plus il doit être difficile au tribunal de l'excuser. Il peut être impossible de justifier des délais extrêmement longs.

(ii)L'explication du délai.

a) Les délais imputables au ministère public.

Les délais occasionnés par les actes du ministère public ou de ses agents comptent en faveur de l'accusé. Les affaires Rahey et Smith fournissent des exemples de ce genre de délai.

Les affaires complexes qui exigent une préparation plus longue, l'utilisation de plus de ressources par le ministère public et une utilisation plus longue des installations institutionnelles justifieront des délais plus importants que les affaires simples.

b) Les délais systémiques ou institutionnels.

Les délais tenant au manque de ressources sont imputés au ministère public. Les délais institutionnels doivent être examinés en fonction du critère de comparaison défini plus haut. Le fardeau de justifier la pénurie de ressources qui crée des délais systémiques incombe toujours au ministère public. Il peut y avoir une période de transition pendant laquelle on excusera plus facilement les délais systémiques.

c) Les délais imputables à l'accusé
Certains actes de l'accusé peuvent justifier des délais. Par exemple, une demande d'ajournement ou d'un délai nécessaire pour retenir les services d'un autre avocat.

Il peut se présenter des cas où le ministère public pourra démontrer que les actes de l'accusé avaient pour but de retarder la tenue du procès.

(iii) La renonciation.

Si l'accusé renonce à son droit en consentant à un délai ou y acquiesçant, il faut en tenir compte. Cependant, pour être valide, la renonciation doit être en connaissance de cause, claire et consentie librement. Il incombe au ministère public de prouver que la renonciation découle implicitement des actes de l'accusé. Le consentement de l'avocat de l'accusé à la fixation de la date du procès constitue un exemple de renonciation ou d'acquiescement.

(iv) Le préjudice subi par l'accusé.

Il existe une présomption simple selon laquelle le seul écoulement du temps cause un préjudice à l'accusé et dans le cas de délais très longs la présomption devient pratiquement irréfragable. Lorsque le ministère public peut prouver que l'accusé n'a pas subi de préjudice en raison du délai, cette preuve peut servir à justifier le délai. Il est aussi possible à l'accusé de présenter des éléments de preuve tendant à démontrer qu'il a effectivement subi un préjudice en raison du délai, afin de renforcer sa demande de réparation.

Je crois que les facteurs que j'ai énumérés correspondent en grande partie à ceux que les juges L'Heureux‑Dubé et Sopinka ont mentionnés respectivement dans l'arrêt Conway et dans l'arrêt Smith. Ces critères visent à établir une méthode qui s'appuie sur l'objet qui sous‑tend l'al. 11b) et qui permette aux tribunaux de pondérer les éléments de fond applicables de façon cohérente. Il vaut la peine de rappeler qu'on arrive à un équilibre entre l'objet explicite de l'al. 11b), soit la protection de la personne individuelle, et son objet implicite, soit la dimensions sociale de l'al. 11b), en imposant au ministère public le fardeau de prouver que, par ses actes, l'accusé a délibérément causé les délais, que ceux‑ci équivalent à une renonciation ou encore que l'accusé n'a pas subi de préjudice en raison du délai.

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