jeudi 22 mars 2012

L'analyse et l'application du critère de fiabilité relativement à la notion de ouï-dire

R. c. Moussali, 2012 QCCS 849 (CanLII)

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[22] Une déclaration extrajudiciaire constitue du ouï-dire si elle est présentée pour établir la véracité de son contenu et s’il y a impossibilité de contre-interroger le déclarant au moment précis où il fait cette déclaration. Or, une preuve par ouï-dire est présumée inadmissible. Effectivement, la règle du ouï-dire est par nature une règle d’exclusion générale. Il y a toutefois certaines exceptions traditionnelles de common law à cette règle.

[23] Par ailleurs, c'est dans l'arrêt Khan que la Cour suprême a adopté une exception de principe à la règle interdisant la preuve par ouï-dire. Est donc admissible une telle preuve lorsque sa production est nécessaire et qu’elle est fiable. Ainsi, avant d’admettre une déclaration relatée en vertu de l’exception raisonnée à la règle du ouï-dire, le juge du procès doit tenir un voir-dire dans lequel il doit décider si les critères de nécessité et de fiabilité ont été établis. La partie qui cherche à présenter cette preuve doit établir ces critères selon la prépondérance des probabilités.

[24] Dans le présent cas, la juge d'instance a conclu que le critère de nécessité avait été démontré. Il restait donc le débat sur le critère de fiabilité à faire. En effet, une preuve par ouï-dire ne sera pas déclarée admissible si l’on ne peut pas vérifier sa fiabilité. Cela étant et comme la juge l'affirme " il s’ensuit que, selon la méthode d’analyse raisonnée, l’exigence de fiabilité vise à déterminer les cas où cette difficulté est suffisamment surmontée pour justifier l’admission de la preuve à titre d’exception à la règle d’exclusion générale."

[25] En ce qui concerne la fiabilité, il y a deux manières de satisfaire l'exigence de ce critère. Les auteurs Béliveau et Vauclair mentionnent à ce sujet que:

" on peut envisager la fiabilité de deux manières distinctes, de façon intrinsèque ou extrinsèque. La fiabilité intrinsèque, que la Cour suprême a désignée comme offrant des garanties circonstancielles, est celle qui découle des circonstances de l’espèce. Dans un tel cas, " il n’y a pas de préoccupation réelle quant au caractère véridique ou non de la déclaration, vu les circonstances dans lesquelles elle a été faite ". La fiabilité extrinsèque est celle qui découle des garanties procédurales attachées à la prise de la déclaration. Dans un tel cas, " le seuil de fiabilité repose essentiellement sur l’existence de substituts adéquats aux garanties traditionnelles invoquées pour vérifier la preuve".

[27] Pour déterminer si cette preuve rencontre le critère de fiabilité ou si elle offre suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité, il faut analyser, selon la jurisprudence, les circonstances dans lesquelles les notes ont été écrites.

[28] Or, bien que ces notes aient été rédigées par un agent dans la paix, dans l’exercice de ses fonctions, en utilisant une méthode de rédaction télégraphique, et qu’il ne possédait aucune raison de mentir lorsqu’il a mis sur papier ses observations, cette preuve ne comporte pas suffisamment d’indices de fiabilité et ne peut donc, ni être déposée par l’agent Davidson ni être corroborée par ce dernier.

[29] En effet, l’agent Davidson n’était pas dans le même véhicule que l’agent Graveley lorsque celui-ci écrivait ses notes et, ne pourrait donc pas fournir les explications nécessaires. Davidson n’étant pas aux côtés de Graveley, il n’a pas pu constater, par lui-même, les observations faites par son collègue. Par conséquent, seul Graveley pourrait expliquer ses propres notes car celles-ci sont en apparence incomplètes (blancs, interrogations, absence de réponses).

[30] Ainsi, les notes manuscrites de Graveley ne sont pas assez fiables pour qu'on puisse écarter le danger inhérent à la difficulté de les vérifier. De plus, les circonstances entourant leur prise ne confèrent pas suffisamment de crédibilité permettant de conclure que le seuil de fiabilité a été atteint. Une telle preuve ne peut donc être déclarée admissible et ces deux moyens d'appel doivent par conséquent échouer.

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