mercredi 29 mai 2013

Corruption ‑‑ Éléments constitutifs de l'infraction ‑‑ Fonctionnaire ou employé du gouvernement ‑‑ Acceptation d'«une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature»

R. c. Hinchey, 1996 CanLII 157 (CSC)


L’objectif crucial de l'al. 121(1)c) n’est pas simplement de préserver l’intégrité du gouvernement, mais aussi de préserver l’apparence d’intégrité.  Compte tenu de la confiance et des lourdes responsabilités qui se rattachent aux charges publiques, il est normal que les fonctionnaires du gouvernement doivent se conformer à des codes d’éthique qui, pour un simple citoyen, seraient très sévères.  Un préjudice peut être causé à l’intégrité du gouvernement lorsque des fonctionnaires reçoivent des avantages, même en l’absence d’un motif illicite.  Il est tout à fait stérile qu’un gouvernement soit paralysé par des rumeurs et des insinuations pendant qu’une enquête se déroule au sujet des motifs à l’origine d’un avantage ou d’un bénéfice conféré à un fonctionnaire. Cette disposition criminalise le comportement du fonctionnaire ou employé du gouvernement qui, dans certaines circonstances, accepte un bénéfice d’une personne qui a des relations d’affaires avec le gouvernement.  L'infraction créée est un crime «lié au comportement», ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’un résultat donné découle de la perpétration de l’acte interdit.

                  Le législateur a libellé l’al. 121(1)c) d’une façon large et n’avait pas l’intention d’en restreindre l’application uniquement aux situations dans lesquelles le cadeau était motivé par la fonction du récipiendaire dans le gouvernement. Il est possible d’en limiter l’application potentiellement large par le biais de l’interprétation statutaire sans y introduire d’élément additionnel. Le premier élément de cet alinéa est qu’une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature doit être donné par une personne qui a des «relations d’affaires avec le gouvernement».  Il faut accorder au terme «dealings» dans le texte anglais l’interprétation restreinte en vertu de laquelle seules les personnes qui ont des relations d’affaires avec le gouvernement au moment de la perpétration de l’infraction sont visées par l’alinéa.

                  Le deuxième élément de l’actus  reus est l’acceptation d’«une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature» par un fonctionnaire.  L’expression «de quelque nature» n'était pas destinée à élargir la portée de l’alinéa.  Elle n’était pas censée signifier «de quelque montant que ce soit» ou «de quelque valeur que ce soit», mais englober diverses formes de bénéfices autres que ceux d'une nature strictement pécuniaire.  Il est possible d’éluder une bonne partie des conséquences absurdes qui résulteraient de l'attribution d'un sens illimité aux termes «avantage ou bénéfice» en interprétant plus strictement les termes et en reconnaissant qu’ils exigent que, pour être visé par cet alinéa, le bénéficiaire ait obtenu un gain important ou concret.  Il est important d’examiner les liens qui existent entre les parties ainsi que l’étendue du bénéfice.  Plus les liens sont étroits, moins le cadeau devrait être considéré comme un avantage ou un bénéfice pour la personne qui le reçoit.  La question de savoir s'il s'agit d'un «bénéfice» réel est une question de fait sur laquelle le jury doit se prononcer en se fondant sur l’ensemble de la preuve.

                  En ce qui concerne la mens rea, étant donné que l'infraction est un crime «lié au comportement», elle exige, pour que l’accusé soit coupable, qu’il sache ce qu’il a fait et connaisse les circonstances dans lesquelles il a commis l’acte.  Pour prouver l’infraction prévue à l’al. 121(1)c), le ministère public doit donc établir les éléments suivants quant à la faute:  a) la décision prise sciemment par l’employé d’accepter ce qui en tout état de cause est «une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature» et b) le fait de savoir (ou d’ignorer volontairement), au moment de l’acceptation, que le donneur avait des relations d’affaires avec le gouvernement et que le supérieur de l’employé n’avait pas consenti à l’acceptation d’«une commission, une récompense, un avantage ou un bénéfice de quelque nature».  Étant donné que ce degré de mens rea est reconnu comme une forme valide de culpabilité criminelle, il n’est pas nécessaire d’ajouter d’autres éléments.  Les motifs pour lesquels un bénéfice est conféré ne sont pas sans pertinence; il s’agit d’un facteur important pour déterminer le degré de culpabilité.  Il est clair que le fonctionnaire qui a une intention de corruption lorsqu’il accepte un bénéfice méritera habituellement une peine plus sévère que la personne qui n’était pas animée d’un tel dessein.

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