mercredi 29 mai 2013

L'état du droit concernant l'aide et l'encouragement

R. c. Briscoe, 2010 CSC 13 (CanLII)

Lien vers la décision

[13] Le droit criminel canadien ne fait pas de distinction entre l’auteur principal d’une infraction et les participants à l’infraction pour déterminer la responsabilité criminelle. Selon le par. 21(1) du Code criminel, les personnes qui commettent une infraction et celles qui les aident et les encouragent à la commettre sont également responsables :

(...)

La personne qui fournit l’arme peut donc être déclarée coupable de la même infraction que la personne qui a appuyé sur la gâchette. L’actus reus et la mens rea relatifs à l’aide ou à l’encouragement sont toutefois différents de ceux de l’infraction principale.

[14] L’actus reus de l’aide ou de l’encouragement consiste à accomplir (ou, dans certaines circonstances, à omettre d’accomplir) une chose qui aide ou encourage

l’auteur de l’infraction à commettre cette dernière. Bien qu’on ait l’habitude de considérer l’aide et l’encouragement ensemble, ce sont deux concepts distincts, et la responsabilité peut découler de l’un comme de l’autre. De façon générale, « [a]ider, au sens de l’al. 21(1)b), signifie assister la personne qui agit ou lui donner un coup de main. [. . .] Encourager, au sens de l’al. 21(1)c), signifie notamment inciter et instiguer à commettre un crime, ou en favoriser ou provoquer la perpétration » : R. c. Greyeyes, 1997 CanLII 313 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 825, par. 26. L’actus reus n’est pas en cause dans le présent pourvoi. Comme je l’ai déjà souligné, le ministère public a fait valoir au procès que M. Briscoe avait aidé et encouragé à commettre les infractions. La conclusion du juge du procès selon laquelle M. Briscoe a posé les quatre actes d’assistance décrits précédemment n’est pas contestée.

[15] Évidemment, accomplir ou omettre d’accomplir une chose qui a pour effet d’aider une autre personne à commettre un crime ne suffit pas à engager la responsabilité criminelle. Comme l’a souligné la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. F. W. Woolworth Co. (1974), 3 O.R. (2d) 629, [traduction] « une personne ne se rend pas coupable en louant ou en prêtant une voiture pour des activités commerciales ou récréatives légitimes simplement parce que la personne à qui elle a prêté ou loué la voiture décide au cours de l’utilisation de transporter des articles volés, ou en louant une maison à des fins résidentielles à un locataire qui l’utilise à son insu pour entreposer des drogues » (p. 640). La personne qui aide ou qui encourage doit aussi avoir l’état d’esprit requis ou la mens rea requise. Plus précisément, aux termes de l’al. 21(1)b), la personne doit avoir prêté assistance en vue d’aider l’auteur principal à commettre le crime.

[16] L’exigence de la mens rea qui ressort de l’expression « en vue de » à l’al. 21(1)b) comporte deux éléments : l’intention et la connaissance. En ce qui concerne l’élément d’intention, il a été établi dans R. c. Hibbert, 1995 CanLII 110 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 973, que l’expression « en vue de » de l’al. 21(1)b) devrait être considérée comme étant essentiellement synonyme d’« intention ». Le ministère public doit établir que l’accusé avait l’intention d’aider l’auteur principal à commettre l’infraction. La Cour a insisté sur le fait que les mots « en vue de » ne devraient pas être interprétés comme incorporant la notion de « désir » dans l’exigence de faute pour que la responsabilité du participant soit engagée. Il n’est donc pas nécessaire que l’accusé désire que l’infraction soit perpétrée avec succès (Hibbert, par. 35). La Cour a conclu, au par. 32, que les conséquences malencontreuses qui découleraient d’une interprétation de l’al. 21(1)b) voulant que l’expression « en vue de » s’entende d’un « désir » étaient clairement illustrées par la situation hypothétique suivante décrite par Mewett et Manning :

[traduction] Un homme se fait dire par un ami qu’il va dévaliser une banque, qu’il aimerait utiliser sa voiture pour s’enfuir et qu’il lui versera 100 $ en échange de ce service. Lorsqu’il est [. . .] accusé, en vertu de l’art. 21, d’avoir accompli quelque chose en vue d’aider son ami à commettre l’infraction, cet homme peut‑il dire « Mon but était non pas d’aider à commettre le vol, mais de gagner 100 $ »? Il soutiendrait que, même s’il savait qu’il aidait à commettre le vol, son désir était d’obtenir les 100 $ et il lui était parfaitement égal que le vol réussisse ou non.

(A. W. Mewett et M. Manning, Criminal Law (2e éd. 1985), p. 112)

Ce raisonnement s’applique sans égard à l’infraction principale en cause. Même à l’égard du meurtre, il n’y a aucune « [autre exigence voulant] que celui qui aide ou encourage à commettre une infraction approuve ou désire subjectivement la mort de la victime » (Hibbert, par. 37 (soulignement omis)).

[17] En ce qui concerne l’élément de connaissance, l’intention d’aider à commettre une infraction suppose que la personne doit savoir que l’auteur a l’intention de commettre le crime, bien qu’elle n’ait pas à savoir précisément la façon dont il sera commis. Il relève tout simplement du bon sens qu’il faut avoir une connaissance suffisante pour avoir l’intention requise. Dans R. c. Maciel, 2007 ONCA 196 (CanLII), 2007 ONCA 196, 219 C.C.C. (3d) 516, le juge Doherty donne cette explication fort utile de l’exigence de connaissance, laquelle est tout à fait pertinente en l’espèce (par. 88‑89) :

[traduction] . . . il faut établir que la personne accusée d’avoir aidé à commettre un meurtre savait que l’auteur du crime avait l’intention requise pour commettre un meurtre tel qu’il est décrit à l’al. 229a) : R. c. Kirkness 1990 CanLII 57 (SCC), (1990), 60 C.C.C. (3d) 97 (C.S.C.) p. 127.

Cette analyse s’applique lorsqu’il est allégué que l’accusé a aidé l’auteur dans la perpétration d’un meurtre au premier degré qui était prémédité et de propos délibéré. L’accusé n’est coupable d’avoir fourni une aide que s’il a fait quelque chose qui a pour effet d’aider l’auteur à commettre le meurtre prémédité et s’il l’a fait en vue d’aider l’auteur dans la perpétration d’un tel meurtre. Avant que l’on puisse conclure que le complice avait l’intention requise, le ministère public doit prouver qu’il savait que le meurtre était prémédité et de propos délibéré. La question de savoir si cette personne a acquis cette connaissance en participant à la préméditation, ou autrement, n’est pas pertinente pour juger de sa culpabilité en application du par. 21(1).

[18] Il est important de souligner que le juge Doherty, en faisant référence à l’arrêt R. c. Kirkness, 1990 CanLII 57 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 74, de la Cour, a raison de dire que la personne qui a aidé à commettre le meurtre devait « sav[oir] que l’auteur du crime avait l’intention requise pour commettre un meurtre ». Bien que certains passages de l’arrêt Kirkness puissent être interprétés comme exigeant que le complice partage l’intention du meurtrier de tuer la victime, l’arrêt doit maintenant être interprété à la lumière de l’analyse susmentionnée tirée de l’arrêt Hibbert. La personne qui aide ou qui encourage doit connaître l’intention de l’auteur de tuer la victime, sans toutefois nécessairement la partager. Il ne faut pas interpréter de l’arrêt Kirkness qu’il existe une exigence que celui ou celle qui aide ou qui encourage l’auteur principal d’un meurtre ait la même mens rea que le véritable tueur. Il suffit que, connaissant l’intention de l’auteur de commettre le crime, cette personne agisse avec l’intention d’aider l’auteur à le commettre. Ce n’est qu’en ce sens qu’il est possible de dire que celui ou celle qui aide ou qui encourage doit avoir l’intention que l’infraction principale soit commis

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