jeudi 25 juillet 2013

L'analyse des notions de privilèges en matière de preuve

Jean c. R., 2011 QCCQ 3697 (CanLII)


[38]      Dans l'arrêt Gruenke, la Cour suprême analyse l'application des notions de privilèges en matière de preuve. En l'espèce, il s'agissait de déterminer si les verbalisations faites par un accusé à un pasteur étaient admissibles en preuve.
[39]      De cet arrêt, il se dégage qu'il y a deux catégories de privilèges. Une première catégorie appelée « privilège général » de Common Law ou « privilège générique ». Il s'agit de privilèges reconnus par la Common Law et pour lesquels il existe une présomption d'inadmissibilité, tels les privilèges avocat-client ou celui de l'informateur de police. Les communications sont exclues parce qu'il existe des principes prépondérants et supérieurs favorisant l'exclusion de ces éléments de preuve même s'ils peuvent être pertinents.
[40]      La deuxième catégorie de privilèges est « fondée sur les circonstances de chaque cas ». Elle vise des communications pour lesquelles il y a une présomption qu'elles ne sont pas privilégiées au premier abord et qu'elles sont donc admissibles à première vue. Il appartient au requérant d'établir par prépondérance que les éléments de preuve litigieux doivent être exclus. Pour cette deuxième catégorie, on applique généralement les critères de Wigmore,  qui comportent quatre étapes réitérées dans l'arrêt Gruenke :
1) Les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées.
2) le caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties.
3) les rapports doivent être de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment.
4) le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications doit être plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.
[41]      En ce qui concerne les techniciens ambulanciers, nous sommes manifestement dans une situation d'analyse d'un privilège « fondé sur les circonstances de chaque cas ». Quelques décisions rendues par différentes instances nous indiquent la voie à suivre.
[42]      Bien qu'il s'agisse d'une cause en matière civile à l'intérieur de laquelle les arguments de Charte n'ont pas été énoncés,  pour la bonne raison qu'elle ne mettait pas en cause les représentants de l'État, la Cour d'appel du Québec, dans la cause de Léopold Grenier c.Promutuel Appalaches société mutuelle d'assurance générale, écrit :
[6] L'appelant soutient que le juge de première instance a erré en droit, en omettant de soulever d'office, la règle du secret professionnel en ce qui concerne le témoignage de l'ambulancier qui a transporté l'appelant à l'hôpital à la suite de sa chute;
[7] Les déclarations faites par l'appelant à l'ambulancier au sujet des circonstances entourant sa chute ne tombent nullement sous le coup du secret professionnel;
[43]      La Cour supérieure du Québec dans la décision de Jean Beaudoin c. R., le juge Richard Grenier, alors qu'il siège en révision d'une décision rendue en première instance par M. le juge Hubert Couture de la Cour du Québec, doit trancher la question suivante :
[29] L'appelant soumet que la déclaration faite à l'ambulancier Trudel, à l'effet qu'il était seul dans son véhicule, ne serait pas admissible en preuve parce que couverte par le secret professionnel. Cette prétention va à l'encontre des principes énoncés par la Cour suprême du Canada, dans R. c. Gruenke 1991 CanLII 40 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 263, qui réaffirme que :
L'un des principaux objectifs du système accusatoire est la recherche de la vérité. Afin de faciliter cette recherche, toute personne doit, sur demande, comparaître devant les tribunaux pour témoigner au sujet des faits et des événements qui relèvent de sa connaissance ou de son expertise... En conséquence, toute preuve pertinente est présumée recevable.
[44]      La Cour du Québec dans une situation semblable a rendu la même décision sous la plume de M. le juge Pierre Laberge dans le dossier R. c. Guérin qui applique la décision de R. c. Spidell:
45 Le cas soumis à l'analyse du Tribunal est tout différent. (Il venait de discuter de l'arrêt Dersh.) Les policiers n'ont pas terminé leur enquête et le délai prévu à l'article 254 (3) n'est pas écoulé. De plus, l'information obtenue du médecin ou du personnel de l'hôpital, comme quoi l'accusé présentait une odeur de boisson est un renseignement qui aurait pu être obtenu de profanes. C'est ce que décidait la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse dans R. c. Spiddel (sic). Ainsi on peut lire en page 10 de l'affaire précitée ce qui suit : (Les parenthèses sont de nous.)
Although it could be argued that the physical observations were no more than what could have been observed by any layperson, it is clear that the defendant's statements as to his prior drinking and as to the time of the accident were made is response to the doctor's questions and as part of the course of medical diagnosis and treatment.
Un peu plus loin dans le jugement, la cour d'appel de la Nouvelle-Écosse en arrivait à la conclusion suivante :
In my opinion, the appellant did not prove that there is a reasonable expectation of privacy in the type of information that was voluntarily provided by the doctor to the police in this case.
Il en résulte donc que le corps médical ou le médecin n'a pas trahi le secret professionnel en fournissant l'information à la police que l'accusé dégageait une odeur d'alcool.

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