jeudi 5 décembre 2013

Les privilèges des députés fédéraux et le droit pénal

3. Les privilèges et immunités


Les privilèges des députés et le droit pénal

LE PRIVILÈGE ET LE CODE CRIMINEL

Les privilèges spéciaux des députés n’ont jamais eu pour but de les placer au-dessus de la loi; l’intention était tout au plus de les dispenser de l’application de certains volets de la loi pour qu’ils puissent dûment s’acquitter des responsabilités inhérentes à leurs fonctions. Les parlementaires sont justiciables au criminel, sauf pour ce qu’ils disent ou ce qu’ils font dans le contexte des travaux parlementaires. On peut cependant difficilement imaginer qu’on puisse commettre un acte criminel dans le cadre des délibérations du Parlement  . Par conséquent, il va sans dire que, si un député est accusé d’une infraction criminelle, il doit se soumettre aux procédures judiciaires normales. Agir autrement équivaudrait à mépriser le système de justice canadien  .
En établissant s’il y a de prime abord une atteinte aux privilèges, la présidence doit distinguer entre les actes qui gênent directement les députés dans l’accomplissement de leurs devoirs parlementaires et ceux qui touchent les députés mais qui ne sont pas directement liés à l’exercice de leurs fonctions. Par exemple, si un député est sommé de comparaître devant un tribunal pour une infraction aux règlements de la circulation, ou fait l’objet d’une enquête du fisc, on peut dire au premier coup d’œil que le député peut être gêné dans l’accomplissement de ses devoirs parlementaires — car il peut être appelé à se défendre lui-même en cour au lieu d’être présent à la Chambre ou en comité. Cependant, dans ce genre de cas, la poursuite dont il fait l’objet découle non pas de ses responsabilités d’élu, mais d’un acte qu’il est présumé avoir commis en tant que citoyen ordinaire. En l’occurrence, la protection du privilège parlementaire ne saurait s’appliquer  .
L’immunité d’arrestation se limite aux affaires civiles et ne permet pas à un député de se dérober à la justice pénale. Ce principe concorde avec celui qu’a énoncé la Chambre des communes britannique lors d’une conférence qu’elle a eue avec la Chambre des lords en 1641. On avait alors établi que « le privilège parlementaire doit servir le Commonwealth et non l’affaiblir »  .
L’immunité d’arrestation ne protège pas le député dans une affaire pénale. Le privilège parlementaire ne peut donc être invoqué dans des affaires criminelles comme la trahison, les infractions majeures, tous les actes criminels, les effractions, l’enlèvement, l’impression et la publication d’écrits diffamatoires séditieux, et l’outrage au tribunal (sauf dans une affaire civile) . Un député ne peut revendiquer l’immunité d’arrestation ou d’emprisonnement pour une accusation criminelle. Il est exactement dans la même position que tout autre citoyen s’il est soupçonné, accusé ou reconnu coupable d’un acte criminel, à moins que l’infraction en question ne soit liée aux délibérations du Parlement.
Au Canada, l’affaire Gilles Grégoire (Lapointe), en 1965, semble indiquer que, sur autorisation de la Chambre, l’arrestation d’un député peut se faire dans l’enceinte du Parlement, et qu’à cet égard, les terrains entourant les édifices du Parlement sont réputés ne pas faire partie de l’enceinte du Parlement .
Un député ne peut se servir de la Chambre des communes comme d’un lieu d’asile pour échapper à la loi. Même le parquet de la Chambre n’est pas un lieu d’asile, et la loi, notamment en matière pénale, s’y applique comme partout ailleurs . Ce n’est pas l’enceinte du Parlement qui est sacrée, mais la fonction parlementaire. La seule procédure spéciale qui s’applique en cas d’arrestation ou d’emprisonnement d’un député, c’est que s’il est détenu pour une période relativement longue (par exemple, s’il est mis en détention préventive), la police ou le tribunal concerné doit en aviser la présidence. De même, si un député est condamné à la prison, la Chambre doit en être informée . C’est donc dire que, si la police met un député sous arrêt à l’extérieur de la Chambre pour une infraction criminelle, la Chambre n’est pas habilitée à intervenir. Au Canada, l’administration de la justice relève des autorités provinciales. Il incombe donc au procureur de la Couronne du district judiciaire où une infraction au Code criminel a été commise d’engager des poursuites contre l’auteur présumé de l’infraction en question . Dans son rapport de 1967, le Select Committee on Parliamentary Privilege de la Chambre des communes britannique a fait observer qu’il ne voyait rien qui puisse justifier, sauf dans des circonstances exceptionnelles, qu’un député ait le droit d’échapper au processus judiciaire normal .
Tiré de:  La procédure et les usages de la Chambre des communes

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