R. c. Auclair, 2006 QCCS 5148 (CanLII)
[4] Depuis l'arrêt R. c. Arp, la Cour suprême a tracé les grandes lignes qui prévalent dans la décision du juge de première instance pour déclarer une certaine preuve admissible à titre de faits similaires, lorsque l'identité est un point litigieux dans une affaire criminelle.
[5] La Cour suprême écrit, à la page 363 de cet arrêt:
[…]
On constate que, pour décider si une preuve de faits similaires doit être déclarée admissible, la question fondamentale qui doit être tranchée est de savoir si la valeur probante de cette preuve l'emporte sur son effet préjudiciable. De même, il convient de se rappeler qu'il faut accorder un respect considérable à la décision du juge du procès sur cette question.
Il s'ensuit que, lorsque l'identité est un point litigieux dans une affaire criminelle et qu'il est démontré que l'accusé a commis des actes présentant des similitudes frappantes avec le crime reproché, le jury n'est pas invité à inférer des habitudes ou de la disposition de l'accusé qu'il est le genre de personne qui commettrait ce crime. Au contraire, le jury est plutôt invité à inférer du degré de particularité ou de singularité qui existe entre le crime perpétré et l'acte similaire que l'accusé est la personne même qui a commis le crime. Cette inférence n'est possible que si le haut degré de similitude entre les actes rend une coïncidence objectivement improbable.
[…]
(..) Évidemment, il faut que cette valeur probante l'emporte de façon nette sur le préjudice causé à l'accusé pour que la preuve en question soit admissible.
Cependant, dans B. (C.R.), aux pp. 732 et 733, la majorité a rejeté la thèse voulant que la preuve doive révéler une «similitude frappante» entre les actes en question pour posséder la valeur probante requise. J'admets que l'exigence de «similitudes frappantes» doit être tempérée.
[…]
(…) l'application d'une approche fondée sur des principes pour statuer sur l'admissibilité d'une preuve de faits similaires reposera dans tous les cas sur la conclusion qu'il est improbable que l'implication de l'accusé dans les faits similaires ou chefs d'accusation reprochés soit le fruit d'une coïncidence. Une telle conclusion assure que la preuve a une valeur probante suffisante pour être admise, et elle fera intervenir différentes considérations dans différents contextes. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, une preuve de faits similaires est produite à l'égard de la question de l'identité, il doit exister un haut degré de similitude entre les faits pour que la preuve soit admise. Par exemple, la présence d'une marque ou signature singulière donnera automatiquement aux faits reprochés une «similitude frappante» et les rendra, par conséquent, extrêmement probants et admissibles. De même, il est possible que, considérées ensemble, un certain nombre de similitudes importantes soient telles que leur effet cumulatif justifie l'admission de la preuve. Ordinairement, lorsque la question de l'identité est en litige, le juge du procès devrait examiner la façon dont les actes similaires ont été commis – c'est-à-dire examiner si ces actes laissent voir une marque singulière ou révèlent un certain nombre de similitudes importantes. Cet examen lui permettra de déterminer si les faits similaires reprochés ont tous été commis par la même personne. Cette constatation préliminaire établit l'improbabilité objective que l'implication de l'accusé dans les actes reprochés soit le fruit d'une coïncidence et confère ainsi à la preuve la force probante requise. En conséquence, lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour établir l'identité, une fois cette constatation préliminaire faite, les éléments de preuve relatifs à l'acte similaire (ou au chef d'accusation, dans un acte d'accusation comportant plusieurs chefs) peuvent être admis pour prouver la perpétration d'un autre acte (ou chef d'accusation).
[…]
[8] Monsieur le juge Corey, dans l'arrêt Arp de la Cour suprême, suggère au juge du procès de prendre en considération les suggestions suivantes lorsqu'il décide si la preuve de faits similaires doit être admise, ajoutant toutefois que ces suggestions ou règles ne doivent pas être rigides, mais simplement en tant que suggestions susceptibles d'aider les juges qui président les procès et dans leur façon d'aborder une preuve de faits similaires:
[…]
(1) En règle générale lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour prouver l'identité, un degré élevé de similitude doit exister entrer (sic) les actes pour faire en sorte que cette preuve ait une valeur probante qui l'emporte sur son effet préjudiciable, conformément à ce qui est requis pour qu'elle soit admissible. La similitude entre les actes peut consister en une marque ou signature singulière caractérisant une série de similitudes importantes.
(2) Dans l'appréciation de la similitude des actes, le juge du procès devrait uniquement examiner la façon dont les actes ont été commis et non la preuve relative à la participation de l'accusé à chaque acte.
(3) Il est bien possible qu'il y ait des exceptions, mais en règle générale s'il existe entre les actes un degré de similitude tel qu'il est probable que ces derniers ont été commis par la même personne, la preuve de faits similaires aura ordinairement une force probante suffisante pour l'emporter sur son effet préjudiciable et elle peut être admise.
(4) Le jury sera alors en mesure d'examiner toute la preuve relative aux faits qui, prétend-on, sont similaires pour déterminer si l'accusé est coupable d'avoir commis l'un ou l'autre des actes.
[…]
[9] L'étude des faits mis en preuve sur chacun des huit (8) événements permet à la Cour de conclure qu'il est plus que probable que ces actes similaires reprochés ont été commis par la même personne. C'est par prépondérance des probabilités que cette preuve doit être faite.
[10] La similitude entre les actes posés dans les huit (8) événements soumis en preuve constitue une marque ou une signature singulière qui caractérise le modus operandi lors de la perpétration de ces vols.
[12] Il s'agit-là, à mon point de vue, d'un cumul de faits importants qui constituent une signature, et le haut degré de similitudes rend une coïncidence objective improbable.
[13] Dans l'affaire Arp de la Cour suprême, le juge Corey a reconnu que l'improbabilité objective que l'implication de l'accusé dans les actes reprochés soit le fruit d'une coïncidence donne à la preuve sa valeur probante. Dans les cas où l'identité est en cause, il a pensé que cette improbabilité de coïncidence tenait à la similitude frappante entre les actes qu'on dit avoir été commis par la même personne. Il a établi une série de règles que le juge du procès pourrait appliquer dans un cas comme celui-là, notamment celles-ci:
(1) En règle générale lorsqu'une preuve de faits similaires est produite pour prouver l'identité, un degré élevé de similitude doit exister entrer (sic) les actes pour faire en sorte que cette preuve ait une valeur probante qui l'emporte sur son effet préjudiciable (…) La similitude entre les actes peut consister en une marque ou signature singulière caractérisant une série de similitudes importantes.
(2) Dans l'appréciation de la similitude des actes, le juge du procès devrait uniquement examiner la façon dont les actes ont été commis et non la preuve relative à la participation de l'accusé à chaque acte.
[…]
* * *
[14] La Cour n'a aucune hésitation à conclure que le nombre de similitudes constatées dans la preuve est important, et que leur effet cumulatif justifie l'admission en preuve de ces faits similaires.
[15] La Cour est convaincue que la poursuite a établi, suivant la prépondérance des probabilités, qu'il est probable que les actes similaires reprochés ont été commis par la même personne.
[16] C'est vraiment le modus operandi de ces vols qualifiés qui en fait une signature unique par l'effet cumulatif d'un grand nombre de similitudes importantes.
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