mercredi 29 janvier 2014

La règle et l'exception à la présentation d'une preuve de faits similaires

R. c. Prévost-Lizotte, 2012 QCCQ 3405 (CanLII)


La règle et l'exception à la présentation d'une preuve de faits similaires

i.              La règle

[64]        En principe, la preuve de faits similaires est une preuve inadmissible lorsqu'elle tend à démontrer la propension de l'accusé à commettre un crime ou encore sa mauvaise réputation.
[65]         Cette interdiction est donc basée sur l'effet préjudiciable possible ou l'effet injuste pour un accusé.
ii.            L'exception

[66]        Cependant, à titre exceptionnel, et sujet à son admissibilité, une preuve de faits similaires pourra servir à démontrer l'identité d'un accusé, à corroborer le témoignage d'une victime alléguée, à confirmer l'absence de consentement en matière d'agression sexuelle, à contrer la thèse d'un accident ou d'une coïncidence et, parfois d'une façon plus particulière, à faire la démonstration d'un «système» ou d'un modus operandiutilisé par l'accusé dans la commission de différents actes criminels.
[67]        Ainsi, dans la décision R. c. C.R.B. rendue par la Cour suprême, il s'agissait d'une infraction de nature sexuelle commise par l'accusé contre sa fille naturelle.
[68]        La question dans cette affaire était de savoir si la preuve d'actes antérieurs d'inconduite sexuelle reprochée à l'accusé avec la fille de sa conjointe de fait devait être admise; il n'était pas question de savoir qui avait commis l'infraction mais bien s'il fallait croire la plaignante.
[69]        Le juge du procès s'est posé la question si les similitudes étaient suffisantes pour établir l'existence d'éléments communs dans lesméthodes utilisées par l'accusé, dans ses rapports sexuels avec la plaignante.
[70]        À la page 5 de cette décision, on peut lire ce qui est énoncé par la Cour suprême :
« (…) il y a une distinction entre une preuve relative à la moralité en général et une façon de faire.  Ce que le droit veut interdire est un raisonnement qui condamnerait l'accusé en raison de sa réputation (…)» (souligné ajouté)
[71]        Soulignons que dans la décision R. c. Arp, il s'agissait de deux accusations de meurtre au premier degré : deux femmes avaient été assassinées à deux ans et demi d'intervalle, dans la même ville et dans des circonstances similaires, l'identité était un point en litige.
b)           Les étapes pour décider de l'admissibilité d'une preuve de faits similaires

[72]        Pour bien évaluer la possibilité d'une demande éventuelle de preuve de faits similaires, il faut sans doute s'interroger sur la possibilité de succès d'une telle demande.
[73]         Ce questionnement devra être mis en perspective avec les conditions d'admissibilité d'une preuve de faits similaires.
[74]        Sinon, il s'agira d'une évaluation purement théorique, académique et détachée de toute réalité.
[75]        Il est donc pertinent et utile de porter notre attention sur les deux étapes d'évaluation à franchir pour décider de l'admissibilité éventuelle d'une preuve de faits similaires, soit l'évaluation de la valeur probante d'une telle preuve et l'évaluation du préjudice pour l'accusé.
i.              L'évaluation de la valeur probante d'une preuve de faits similaires

[76]        La Cour suprême dans l'arrêt R. c. C.R.B. a rappelé un principe de base sur le sujet (au paragraphe 29) :
«La recevabilité d'une preuve de faits similaires est exceptionnelle et exige une très grande force probante
[77]        Trois ans plus tôt, la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Robertson, à la page 983, mentionne ce qui suit :

«Dans l'analyse de la valeur probante, il faut tenir compte de la mesure dans laquelle les éléments de preuve en question se rapportent aux faits en litige et du poids de la déduction qu'on peut en tirer.»

[78]        Somme toute, le juge doit évaluer non seulement la pertinence de la preuve mais également le poids de la preuve contestée et doit fusionner en quelque sorte la pertinence et le poids pour obtenir la valeur probante.

[79]        La pertinence des faits similaires dépendra du lien juridique et factuel entre ceux-ci et la question en litige.
[80]        Plus particulièrement, le degré d'importance et la proximité du lien devront être considérés par le Tribunal.
ii.            L'évaluation du préjudice pour l'accusé

[81]        Avant de déclarer recevable une preuve de faits similaires en raison de sa valeur probante, le Tribunal devra tenir compte de l'effet préjudiciable d'une telle preuve pour l'accusé.
[82]        Mais il y a plus; le Tribunal devra être convaincu que la valeur probante de la preuve issue de faits similaires est de telle importance qu'elle l'emporte sur les effets préjudiciables de celle-ci sur l'accusé.
[83]        Même si une preuve de faits similaires peut être, à première vue, pertinente, il faut déterminer si elle présente un risque de préjudice pour l'accusé dans le sens que cette preuve pourrait donner un effet injuste pour l'accusé.
[84]        Si ce qu'on veut démontrer n'a qu'une importante mineure, la preuve aura une valeur probante moindre et ne justifiera peut-être pas sa réception en raison de ses effets préjudiciables pour l'accusé.
[85]        Il est important de noter que la preuve de faits similaires, rappelons-le, a un effet préjudiciable inhérent, le préjudice résidant dans le danger que la culpabilité de l'accusé soit basée sur son caractère plutôt que sur la preuve.
[86]        En général, plus la valeur probante d'une preuve est élevée, moindres seront les effets préjudiciables; dans la situation inverse, plus la valeur probante sera faible, plus les conséquences préjudiciables pour l'accusé seront importantes, faisant ainsi échec à la recevabilité d'une telle preuve.

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