vendredi 24 janvier 2014

Un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client

Succession macdonald c. Martin, 1990 CanLII 32 (CSC), [1990] 3 RCS 1235


Pour décider s'il existe un conflit d'intérêts entraînant une inhabilité, la Cour doit prendre en considération trois valeurs en même temps:  1) le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité de notre système judiciaire; 2) en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix; 3) la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession.  La "probabilité de préjudice", qui est le critère anglais traditionnel, n'est pas une norme assez exigeante pour assurer à la justice ce caractère apparent que le public exige d'elle.  L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver et le critère retenu doit donc tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels.  Il faut répondre à deux questions:  1)  L'avocat a-t-il appris, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, des faits confidentiels relatifs à l'objet du litige?  2)  Y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?  Les tribunaux américains ont répondu à la première question en appliquant le critère du "lien important":  dès qu'il est établi qu'il y a un "lien important" entre la question qui serait à l'origine du renseignement confidentiel et la question en litige, il existe une présomption irréfragable selon laquelle l'avocat a appris des faits confidentiels.  Ce critère est cependant trop rigide.  Il convient plutôt de dire que, dès que le client a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante, un tribunal doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc le tribunal qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué.  La conviction doit être telle qu'un membre du public raisonnablement informé en serait également persuadé.   Il sera difficile de s'acquitter du fardeau de la preuve.

   Pour répondre à la deuxième question, savoir le mauvais usage qui pourrait être fait des renseignements confidentiels, un avocat qui a appris des faits confidentiels pertinents ne peut pas agir contre un client ou un ancien client.  En ce qui concerne les associés d'un cabinet, le concept de connaissance présumée est irréaliste à l'ère des mégacabinets.  Un tribunal doit donc tirer la conclusion que les avocats qui travaillent ensemble échangent des renseignements confidentiels, sauf s'il est persuadé, par des preuves claires et convaincantes, que toutes les mesures raisonnables ont été prises pour veiller à ce que l'avocat en cause ne divulgue rien aux membres du cabinet qui agissent contre son ancien client.  Parmi ces mesures raisonnables, on pourrait compter des mécanismes institutionnels comme les murailles de Chine et les cônes de silence.  Jusqu'à ce que les organes directeurs de la profession les aient approuvés et aient adopté les règles régissant leur fonctionnement, il est improbable qu'un tribunal les accepte comme preuve suffisante d'une protection efficace.   Les engagements et affirmations catégoriques contenus dans des affidavits ne sont pas suffisants parce que les affidavits des avocats sont difficiles à vérifier objectivement et qu'il est peu probable que le public soit convaincu s'il n'a d'autres garanties que les renseignements confidentiels ne seront jamais utilisés.

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