R. c. St-Pierre, 2014 QCCS 2155 (CanLII)
I - Introduction
[1] La poursuite veut faire témoigner un témoin expert qui formulerait l'opinion que l’utilisation du compte en fidéicommis de M. St-Pierre n’était pas lié à l’exercice de la profession de notaire et qu'il n'a pas respecté les règles appropriées de gestion comptable de ce compte.
[2] L'admission d'un témoignage d'opinion est assujettie aux règles énoncées par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Mohan soit : a) la pertinence, b) la nécessité d'aider le juge des faits, c) l'absence de toute règle d'exclusion, et d) la qualification suffisante de l'expert.
[3] Dans leur ouvrage The Law of Evidence, Paciocco et Stuesser résument la règle formulée par la Cour suprême dans Mohan et reformulée par la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. Abbey :
Expert opinion evidence is presumptively inadmissible. It can be admitted only if the party calling it satisfies the following four preconditions to admissibility, on the balance of probabilities:
• The expert evidence must be "necessary" in the sense that the expert deals with a subject-matter that ordinary people are unlikely to form a correct judgment about without assistance;
• The expert evidence must be logically relevant to a material issue;
• The witness must be qualified to offer the opinion in the sense that the expert possesses special knowledge and experience going beyond that of the trier of fact in the matters testified to; and
• The proposed opinion must not run afoul of any exclusionary rule apart entirely from the expert opinion rule ("the absence of an exclusionary rule’’)
Even if these four preconditions are met, the trial judge, as the "the gate keeper" must decide whether the expert evidence is sufficiently beneficial to the trial process to warrant its admission despite the potential harm to the trial process that may flow form the admission of the expert evidence.
II - Analyse
A) La pertinence de la preuve
[4] Dans R. c. J.-L.J., le juge Binnie adopte la définition suivante de la notion de pertinence :
47 Une preuve est pertinente [TRADUCTION] « lorsque, selon la logique et l’expérience humaine, elle tend jusqu’à un certain point à rendre la proposition qu’elle appuie plus vraisemblable qu’elle ne le paraîtrait sans elle » (D. M. Paciocco et L. Stuesser, The Law of Evidence (1996), à la p. 19).
[7] Dans son ouvrage, Manual of Criminal Evidence, 2012, Watt décrit la preuve circonstancielle de la manière suivante :
Circumstantial evidence is any item of evidence, testimonial or real, other than the testimony of an eyewitness to the material fact. It is any fact from the existence of which the trier of fact may infer the existence of a fact in issue. It is for the trial judge to determine whether circumstantial evidence is relevant.
Where evidence is circumstantial, it is critical to distinguish between inference and speculation. Inference is a deduction of fact that may logically and reasonably be drawn from another fact or group of facts found or otherwise established in the proceedings. There can be no inference without objective facts from which to infer the facts that a party seeks to establish. If there are no positive proven facts from which an inference may be drawn, there can be no inference, only impermissible speculation and conjecture.
In circumstantial evidence cases, three types of argument are made in support of relevance:
i. prospectant;
ii. concomitant; and
iii. retrospectant.
Prospectant use of circumstantial evidence involves an argument that the past or previous occurrence of an act, state of mind, or state of affairs justifies an inference that the act was done, or the state of mind or affairs existed at the time that is material in the proceedings.
Concomitant use of circumstantial evidence involves an argument that circumstances existing contemporaneously with the material transaction render the facts alleged by either of the parties more or less probable.
Retrospectant use of circumstantial evidence invokes reasoning that the subsequent occurrence of an act, state of mind, or state of affairs justifies an inference that the act was done, or state of affairs or mind existed in the past at the material time[5].
[8] Il énonce ainsi la distinction suivante entre une inférence et la spéculation :
An inference is a deduction of fact that may logically and reasonably be drawn from another fact or group of facts found or otherwise established in the proceedings. It is a conclusion that may, not must be drawn in the circumstances. It does not change the allocation of the burden of proof, nor alter the standard of proof to be met by any party.
The boundary that separates permissible inference from impermissible speculation in connection with circumstantial evidence is often a very difficult one to determine.
[9] La preuve circonstancielle peut donc être séparée en trois catégories chronologiques : avant, pendant et après la commission de l'infraction.
[10] Ces catégories ne sont qu'une manière utile d'analyser la preuve circonstancielle. Wigmore en donne l'explication suivante :
§ 130. General principle: admissibility of concomitant evidence to show conduct. It has already been noted (§43 supra) that convenience requires the grouping of the various kinds of evidentiary facts on the basis of their appearance in time, before, at, or after the act to be evidenced. The various facts of the first, or prospectant, class have been examined (§§51 through 119 supra). The second, or concomitant, class may now be considered. There is no inherent distinction between the classes; they serve as convenient ways of subdividing the great mass of evidentiary facts and of associating those that are most closely related.
A fact having a concomitant indication is one that is thought of as being in existence at the time of and in connection with the act to be proved; the logical indication or inference is that the person bearing that fact as a mark is thereby to be associated more or less closely with the act.
[Le soulignement est ajouté]
[11] Dans le présent dossier, l'utilisation du compte en fidéicommis de M. St-Pierre est un élément de preuve circonstancielle, concomitant à la commission des infractions qui, selon la logique et l’expérience humaine, tend jusqu’à un certain point à rendre la proposition qu’elle appuie, c'est-à-dire, la volonté des co-conspirateurs à cacher ou à rendre plus difficile la détection des transactions en cause, plus vraisemblable qu’elle ne le paraîtrait sans cette preuve.
[13] Il est aussi vrai que les accusations visent ici un complot pour frauder les autorités fiscales, mais la preuve est pertinente comme élément de preuve circonstancielle que devra évaluer le jury.
B) La nécessité d'aider le juge des faits
[14] Dans l'arrêt R. c. Mohan, le juge Sopinka écrit :
b) La nécessité d'aider le juge des faits
Dans l'arrêt R. c. Abbey, précité, le juge Dickson, plus tard Juge en chef, a dit à la p. 42 :
Quant aux questions qui exigent des connaissances particulières, un expert dans le domaine peut tirer des conclusions et exprimer son avis. Le rôle d'un expert est précisément de fournir au juge et au jury une conclusion toute faite que ces derniers, en raison de la technicité des faits, sont incapables de formuler.[TRADUCTION] « L'opinion d'un expert est recevable pour donner à la cour des renseignements scientifiques qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury. Si, à partir des faits établis par la preuve, un juge ou un jury peut à lui seul tirer ses propres conclusions, alors l'opinion de l'expert n'est pas nécessaire » (Turner (1974), 60 Crim. App. R. 80, à la p. 83, le lord juge Lawton).
Cette condition préalable est fréquemment reprise dans la question de savoir si la preuve serait utile au juge des faits. Le mot «utile» n'est pas tout à fait juste car il établit un seuil trop bas. Toutefois, je ne jugerais pas la nécessité selon une norme trop stricte. L'exigence est que l'opinion soit nécessaire au sens qu'elle fournit des renseignements « qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury »: cité par le juge Dickson, dans Abbey, précité. Comme le juge Dickson l'a dit, la preuve doit être nécessaire pour permettre au juge des faits d'apprécier les questions en litige étant donné leur nature technique. Dans l'arrêt Kelliher (Village of) c. Smith, 1931 CanLII 1 (SCC), [1931] R.C.S. 672, à la p. 684, notre Cour, citantBeven on Negligence (4e éd. 1928) à la p. 141, a déclaré que la preuve d'expert était admissible si [TRADUCTION] « l'objet de l'analyse est tel qu'il est peu probable que des personnes ordinaires puissent former un jugement juste à cet égard sans l'assistance de personnes possédant des connaissances spéciales ». Plus récemment, dans l'arrêt R. c. Lavallee, précité, les passages précités des arrêts Kelliher et Abbey ont été appliqués pour admettre une preuve d'expert sur l'état d'esprit d'une femme « battue ». On a souligné qu'il s'agissait là d'un domaine que la personne ordinaire ne comprend pas.
Comme la pertinence, analysée précédemment, la nécessité de la preuve est évaluée à la lumière de la possibilité qu'elle fausse le processus de recherche des faits. Comme le lord juge Lawton l'a remarqué dans l'arrêt R. c. Turner, [1975] Q.B. 834, à la p. 841, qui a été approuvé par lord Wilberforce dans l'arrêtDirector of Public Prosecutions c. Jordan, [1977] A.C. 699, à la p. 718 :
[TRADUCTION] « L'opinion d'un expert est recevable pour donner à la cour des renseignements scientifiques qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury. Si, à partir des faits établis par la preuve, un juge ou un jury peut à lui seul tirer ses propres conclusions, alors l'opinion de l'expert n'est pas nécessaire. Dans un tel cas, si elle est exprimée dans un jargon scientifique, elle rend la tâche de juger plus difficile. Le seul fait qu'un témoin expert possède des qualifications scientifiques impressionnantes ne signifie pas que son opinion sur les questions de la nature et du comportement humains dans le cadre de la normalité est plus utile que celle des jurés eux-mêmes; ces derniers risquent toutefois de croire qu'elle l'est. »
La possibilité que la preuve ait un impact excessif sur le jury et le détourne de ses tâches peut souvent être contrecarrée par des directives appropriées.
Il y a également la crainte inhérente à l'application de ce critère que les experts ne puissent usurper les fonctions du juge des faits. Une conception trop libérale pourrait réduire le procès à un simple concours d'experts, dont le juge des faits se ferait l'arbitre en décidant quel expert accepter.
Ces préoccupations sont le fondement de la règle d'exclusion de la preuve d'expert relativement à une question fondamentale. Bien que la règle ne soit plus d'application générale, les préoccupations qui la sous-tendent demeurent. En raison de ces préoccupations, les critères de pertinence et de nécessité sont à l'occasion appliqués strictement pour exclure la preuve d'expert sur une question fondamentale. La preuve d'expert sur la crédibilité ou la justification a été exclue pour ce motif. Voir l'arrêt R. c. Marquard, 1993 CanLII 37 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 223, les motifs du juge McLachlin.
[Le soulignement est ajouté]
[15] Normalement, en droit canadien, la preuve du droit interne n'est pas admissible devant le juge du procès.
[16] Il est vrai aussi que la Cour d'appel écrit dans Soccio c. Leduc, une affaire civile, qu'un « juge peut, à certains égards, puiser dans ses connaissances personnelles des règles de l'art de la pratique du droit, vu sa formation juridique, pour apprécier la conduite de la pratique d'un avocat ou d'un notaire, encore que cela ne soit pas sans limites ». Cependant, les principes énoncés dans l'arrêt Roberge c. Bolduc tel qu'interprétés par la Cour d'appel doivent toutefois être adaptés au contexte d'un procès avec jury.
[19] De plus, la preuve ne concerne pas la question fondamentale (« the ultimate issue »), mais est plutôt l’un des éléments de la preuve circonstancielle présentée.
C) L'absence de toute règle d'exclusion
[20] En l'espèce, il est vrai que l'opinion formulée par l'expert fera état d'une conduite déshonorante au sens de la jurisprudence, en ce qu'elle peut démontrer qu'il n'a pas exercé sa profession d'une manière conforme aux principes généralement reconnus compte tenu des exigences de la Loi sur le notariat (« Loi ») et de la réglementation.
[21] Toutefois, il s'agit ici d'une preuve qui concerne directement la commission des accusations elle-même.
[22] Les auteurs de McWilliams’ Canadian Criminal Evidence écrivent ceci sur cette question :
Evidence of an accused's discreditable conduct that falls within the subject matter of the charge or charges before the court is not subject to the exclusionary rule. 173 In R. v. B. (L.), 174 Charron J.A. described the interaction between evidence of prior misconduct and evidence of charged conduct:
Evidence of the conduct of an accused other than that which forms the subject-matter of the charge is a form of character evidence and, as with other forms of character evidence, its relevance usually depends on the proposition that persons tend to act consistently with their character.
. . . . .
Because evidence of discreditable conduct other than that which forms the subject-matter of the charge presents a serious risk of prejudice to the accused, it must not only be relevant and material to gain admission at trial, but must be subject to further screening to ensure that it is worth receiving.
[23] Dans l'arrêt R. c. James, le juge Doherty de la Cour d'appel de l'Ontario écrit :
Evidence of an accused's discreditable conduct other than conduct that falls within the four corners of the charges facing the accused is presumptively inadmissible.
[24] Dans les circonstances de la présente affaire, le témoignage de l'expert ne fait l'objet d'aucune règle d’exclusion de la preuve car les faits concernent les éléments visés par l’acte d’accusation.
D) La qualification de l'expert
[25] Cet élément n'est pas contesté par M. St-Pierre.
E) Analyse du coût et des bénéfices de la preuve
[26] En principe la preuve est admissible. Il convient toutefois de mener une dernière analyse des coûts et des bénéfices de la preuve, à savoir si la preuve en vaut le coût.
[27] Dans Mohan le juge Sopinka écrit :
Bien que la preuve soit admissible à première vue si elle est à ce point liée au fait concerné qu'elle tend à l'établir, l'analyse ne se termine pas là. Cela établit seulement la pertinence logique de la preuve. D'autres considérations influent également sur la décision relative à l'admissibilité. Cet examen supplémentaire peut être décrit comme une analyse du coût et des bénéfices, à savoir « si la valeur en vaut le coût. » Voir McCormick on Evidence (3e éd. 1984), à la p. 544. Le coût dans ce contexte n'est pas utilisé dans le sens économique traditionnel du terme, mais plutôt par rapport à son impact sur le procès. La preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue sur ce fondement si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si elle peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits, en particulier le jury, est disproportionné par rapport à sa fiabilité. Bien qu'elle ait été fréquemment considérée comme un aspect de la pertinence juridique, l'exclusion d'une preuve logiquement pertinente, pour ces raisons, devrait être considérée comme une règle générale d'exclusion (voir Morris c. La Reine, 1983 CanLII 28 (CSC), [1983] 2 R.C.S. 190). Qu'elle soit traitée comme un aspect de la pertinence ou une règle d'exclusion, son effet est le même. Ce facteur fiabilité-effet revêt une importance particulière dans l'appréciation de l'admissibilité de la preuve d'expert.
[28] Paciocco et Stuesser énoncent cette fonction en ces termes :
Even if these four preconditions are met, the trial judge, as the "the gate keeper" must decide whether the expert evidence is sufficiently beneficial to the trial process to warrant its admission despite the potential harm to the trial process that may flow form the admission of the expert evidence.
[29] Dans l’arrêt Abbey, le juge Doherty décrit cette analyse de la manière suivante :
[75] The four criteria controlling the admissibility of expert opinion evidence identified in Mohan have achieved an almost canonical status in the law of evidence. No judgment on the topic seems complete without reference to them. The four criteria are:
• relevance;
• necessity in assisting the trier of fact;
• the absence of any exclusionary rule; and
• a properly qualified expert.
[76] Using these criteria, I suggest a two-step process for determining admissibility. First, the party proffering the evidence must demonstrate the existence of certain preconditions to the admissibility of expert evidence. For example, that party must show that the proposed witness is qualified to give the relevant opinion. Second, the trial judge must decide whether expert evidence that meets the preconditions to admissibility is sufficiently beneficial to the trial process to warrant its admission despite the potential harm to the trial process that may flow from the admission of the expert evidence. This "gatekeeper" component of the admissibility inquiry lies at the heart of the present evidentiary regime governing the admissibility of expert opinion evidence: see Mohan ; R. v. D.D. , 2000 CSC 43 (CanLII), [2000] 2 S.C.R. 275, 148 C.C.C. (3d) 41 ; J.-L.J.; R. v. Trochym , 2007 CSC 6 (CanLII), [2007] 1 S.C.R. 239, 216 C.C.C. (3d) 225 ; K. (A.) ; Ranger ; R. v. Osmar (2007), 2007 ONCA 50 (CanLII), 84 O.R. (3d) 321, 217 C.C.C. (3d) 174 (C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused (2007), 85 O.R. (3d) xviii, 218 C.C.C. (3d) vi.
[Le soulignement est ajouté]
[30] Le Juge Doherty ajoute :
[77] I appreciate that Mohan does not describe the admissibility inquiry as a two-step process. It does not distinguish between what I refer to as the preconditions to admissibility and the trial judge's exercise of the "gatekeeper" function. My description of the process as involving two distinct phases does not alter the substance of the analysis required by Mohan. In suggesting a two-step approach, I mean only to facilitate the admissibility analysis and the application of the Mohan criteria.
[78] It is helpful to distinguish between what I describe as the preconditions to admissibility of expert opinion evidence and the performance of the "gatekeeper" function because the two are very different. The inquiry into compliance with the preconditions to admissibility is a rules-based analysis that will yield "yes" or "no" answers. Evidence that does not meet all of the preconditions to admissibility must be excluded and the trial judge need not address the more difficult and subtle considerations that arise in the "gatekeeper" phase of the admissibility inquiry.
[79] The "gatekeeper" inquiry does not involve the application of bright line rules, but instead requires an exercise of judicial discretion. The trial judge must identify and weigh competing considerations to decide whether on balance those considerations favour the admissibility of the evidence. This cost-benefit analysis is case-specific and, unlike the first phase of the admissibility inquiry, often does not admit of a straightforward "yes" or "no" answer. Different trial judges, properly applying the relevant principles in the exercise of their discretion, could in some situations come to different conclusions on admissibility.
[31] Le juge Doherty formule aussi l'observation suivante sur cet aspect de l'analyse :
[93] The cost-benefit analysis demands a consideration of the extent to which the proffered opinion evidence is necessary to a proper adjudication of the fact(s) to which that evidence is directed. In Mohan, Sopinka J. describes necessity as a separate criterion governing admissibility. I see the necessity analysis as a part of the larger cost-benefit analysis performed by the trial judge. In relocating the necessity analysis, I do not, however, depart from the role assigned to necessity by the Mohan criteria.
[32] En l'espèce, la preuve n'exige pas « un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur [et] elle [ne] peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits, en particulier le jury, [n']est [pas] disproportionné par rapport à sa fiabilité ».
[33] Dans le présent dossier, on ne peut craindre qu'en raison des qualifications impressionnantes de l'expert et sa maîtrise du langage scientifique, les jurés soient plus susceptibles d’abandonner leur rôle de juge des faits et de simplement s’en remettre à l’opinion de l’expert dans leur désir d’en arriver à un juste résultat. En effet, il s'agit ici de concepts relativement simples quant à la question de savoir si l'utilisation du compte en fidéicommis de M. St-Pierre était liée à l'exercice de la profession et si les règles de gestion prudente de ce compte ont été respectées.
[34] Toutefois, l'effet préjudiciable de cette preuve peut se manifester de trois manières. Premièrement, si le jury accepte que M. St-Pierre n'a pas utilisé son compte en fidéicommis conformément à la Loi, à la réglementation et à la bonne pratique notariale, le jury peut alors supposer qu'il est une « mauvaise personne » qui est vraisemblablement coupable de l'infraction qui lui est reprochée. Deuxièmement, le jury pourrait avoir tendance à punir l'accusé pour cette inconduite notariale en le déclarant coupable de l'infraction qui lui est imputée. Troisièmement, il y a un danger que les jurés s'embrouillent à force d'essayer de déterminer si M. St-Pierre a en fait commis les omissions notariales en cause.
[35] Afin d'éviter tout préjudice supplémentaire, le témoin expert évitera de formuler son opinion en utilisant des termes comme : 1) infraction déontologique; 2) violation de la Loi sur le notariat et les règlements encadrant la profession de notaire; 3) contraire à la Loi sur le notariat et les règles encadrant la profession de notaire ou toute expression équivalente.
[36] Finalement, les directives finales expliqueront au jury comment il peut utiliser cette preuve et le mettront en garde à l'encontre d'une utilisation incorrecte ou injustifiée.
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