jeudi 7 juin 2018

Il est reconnu que la Cour n'a pas compétence pour réviser en appel la décision de l'un de ses juges qui a refusé d'autoriser un appel contre un jugement prononcé par la Cour supérieure qui elle-même agissait en appel dans le cadre de la partie XXVII du Code criminel

Brassard c. R., 2010 QCCA 17 (CanLII)

Lien vers la décision

[30]           L'intimée argue que le Code criminel ne prévoit aucun appel de la décision du juge de la Cour qui refuse d'autoriser l'appel en matière sommaire (art. 839 C.cr.). Par conséquent, selon elle, la Cour n'a pas compétence pour accorder la demande. La requérante réplique qu'il ne s'agit pas d'appeler de la décision du juge unique, mais plutôt de présenter une nouvelle requête à la Cour, qui peut exercer une compétence concurrente à celle du juge unique, à la suite de la découverte de faits nouveaux. On voit que le dossier soulève des questions de nature procédurale qui mettent en cause la compétence même de la Cour. Par ailleurs, il soulève surtout des questions de fond eu égard au fardeau de la requérante en ce qui a trait à la production d'une nouvelle preuve.
[31]           À mon avis, quoique la question de la compétence de la Cour soit évidemment importante, c'est plutôt par l'analyse des exigences en matière de nouvelle preuve qu'il y a lieu de traiter la présente affaire. Je m'explique.
[32]           Il est reconnu que la Cour n'a pas compétence pour réviser en appel la décision de l'un de ses juges qui a refusé d'autoriser un appel contre un jugement prononcé par la Cour supérieure qui elle-même agissait en appel dans le cadre de la partie XXVII du Code criminel : R. c. Graton[1994] J.Q. no 357 (C.A.)R. c. Bédard[2007] J.Q. no 4158 (C.A.)R. v. Gelz (1990), 1990 CanLII 1315 (BC CA)55 C.C.C. (3d) 425 (B.C.C.A.)R. v. Gillespie (1997), 115 C.C.C. (3d) 461 (Man. C.A.)R. v. Scherba (2001), 2001 CanLII 4208 (ON CA)155 C.C.C. (3d) 512 (Ont. C.A.)R. v. Johnson (2001), 2001 ABCA 161 (CanLII)155 C.C.C. (3d) 506 (Alta C.A.).
[33]           La situation serait différente s'il s'agissait d'une décision d'un juge unique rendue en matière d'acte criminel et qui refusait d'autoriser un appel en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'alinéa 675 (1)a)(ii) C.cr. En effet, le paragraphe 675 (4) C.cr. édicte que l'appelant peut alors demander à la Cour de statuer sur sa demande de permission d'appeler. Cet article n'est toutefois pas applicable en matière sommaire, malgré le paragraphe 839 (2), puisque ce paragraphe ne s'applique que si l'appel a d'abord été autorisé conformément au paragraphe 839 (1) C.cr. : R. c. Graton, précité, R. v. Gelz, précité, R. v. Lighting[1993] A.J. No 404 (C.A. Alta)R. v. Gillespie, précité, R. v. Millar[2003] B.C.J. No 241 (B.C.C.A.).
[34]           La requérante exprime l'avis que la compétence de la Cour est néanmoins établie puisqu'il ne s'agit pas de réviser la décision du juge unique, mais bien d'exercer une compétence concurrente en présence de faits nouveaux, en l'espèce la découverte d'une nouvelle preuve.
[35]           Cet argument peut s'apparenter à celui retenu par la Cour dans R. c. Lamontagne (1994), 1994 CanLII 6295 (QC CA)95 C.C.C. (3d) 277[2], qui exprime l'avis qu'une formation peut, à la suite d'une nouvelle demande, accorder une prorogation de délai[3], malgré le refus d'un juge unique, pourvu que les circonstances aient depuis changé et que les fins de la justice le requièrent.
[36]           Je ne suis pas convaincu que cette règle puisse se transposer intégralement au cas qui nous occupe.
[37]           D'une part, la prorogation de délai ne nécessite pas l'examen approfondi des moyens d'appel proposés, si ce n'est que pour en déterminer le sérieux, et une telle demande peut parfois être tranchée et rejetée sur la seule base de l'absence de diligence à procéder en temps utile ou de l'absence de volonté réelle d'appeler dans le délai requis. Par contre, l'autorisation d'appeler prévue au paragraphe 839 (1)C.cr. porte essentiellement sur la valeur des moyens d'appel invoqués et exige que l'on démontre que la question de droit soulevée est suffisamment importante, ou qu'elle comporte des circonstances particulières qui justifient une autorisation d'appeler, ou qui nécessitent l'intervention de la Cour d'appel : R. c. Huneault (1984), 17 C.C.C. (3d) 270 (C.A. Qué.). En d'autres termes, l'autorisation d'appeler cible les moyens d'appel, alors que la prorogation s'attarde tout autant à la conduite de la partie requérante avant la présentation de la demande, de sorte que cette demande peut être refusée pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la valeur des moyens d'appel.
[38]           D'autre part, les arrêts que j'ai cités précédemment portent sur un premier appel, puisqu'il s'agissait d'actes criminels, alors que, dans le présent dossier, nous en sommes au deuxième niveau d'appel, la Cour supérieure s'étant déjà prononcée. Or, il me semble loin d'être acquis qu'il faille adopter une approche aussi libérale lorsque la Cour d'appel constitue un deuxième forum d'appel.

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