jeudi 7 juin 2018

Le fait de purger la peine dans la collectivité d'un autre pays, sans contrôle réel par un agent de surveillance, a pour effet de rendre illusoires les objectifs recherchés

R. c. E.R., 2008 QCCA 173 (CanLII)

Lien vers la décision

[14]           Les procureurs n'ont pas été en mesure de retracer un précédent dans lequel le délinquant aurait été autorisé à purger sa peine dans la collectivité d'un autre pays.
[15]           Les prétentions de l'intimée à ce sujet heurtent le texte de l'article 742.3(1)d) du Code criminel, qui oblige le délinquant à «rester dans le ressort du tribunal».  Bien plus, le législateur a prévu de façon spécifique le transfert d'une ordonnance dans une autre circonscription territoriale de la même province ou, avec le consentement du procureur général, dans une autre province au Canada.  A contrario, le transfert vers un pays étranger ne peut être autorisé.
[16]           À l'évidence, le fait de purger la peine dans la collectivité d'un autre pays, sans contrôle réel par un agent de surveillance, aurait pour effet de rendre illusoires les objectifs recherchés par le législateur en matière de sursis.
[17]           L'avocat de l'intimée plaide toutefois que la décision du juge de première instance n'est pas contraire aux exigences du Code criminelpuisque sa cliente a obtenu du juge, conformément à l'article 742.3(1)d), la permission de s'absenter du «ressort du tribunal».
[18]           Il est exact que certains juges ont autorisé, dans des circonstances particulières, les délinquants à s'absenter durant certaines périodes alors qu'ils purgeaient une peine d'emprisonnement dans la collectivité.
[19]           Ainsi, un délinquant a été autorisé à s'absenter pour subir des traitements médicaux en Autriche, un deuxième pour des raisons d'affaires et un troisième pour participer à un procès civil en Jamaïque.  Toutes ces permissions ont fait l'objet d'un encadrement précis.
[20]           L'avocat de l'intimée invoque plus particulièrement l'affaire Her Majesty The Queen v. Le Maguer.  L'accusé avait été reconnu coupable de possession de matériel pornographique.  Le délinquant, professeur d'université, ne pouvait obtenir d'emploi au Canada.  Le juge d'instance lui a permis de s'absenter 15 jours par mois pour la recherche ou l'occupation d'un emploi :
CONDITIONS:
[…]
c.         To permit travel for the sole purpose of engaging in gainful employment, or the pursuit of activities directly related to his profession, Marc Le Maguer shall be entitled to have his passport(s) delivered up to him no more than 86 hours prior to his planned departure from Canada, and he shall return the said passport(s) within 48 hours of his return.
d.                  Marc Le Maguer may leave Canada for no more than 15 days in any calendar month, and no more than 15 consecutive days, to permit him the pursue his profession.  Before doing so he shall provide the Guelph Police Service with a true copy of his travel itinerary upon retrieving his passport.  In addition, he shall provide his supervisor with 90 days proposed schedules in advance with full particulars of his whereabouts and methods of contact while he will be out of the country.
[21]           La Cour d'appel d'Ontario conclut que le juge d'instance avait compétence en vertu de l'article 743.3(1)d) du Code criminel pour imposer une telle condition et que, ce faisant, il n'avait pas commis d'erreur de principe; de plus la Cour d'appel estime que la peine imposée n'était pas manifestement inadéquate.
[22]           En l'espèce, je le répète, la situation est toute autre.  Madame R... n'a pas été autorisée par le premier juge à s'absenter temporairement de sa résidence pendant qu'elle purgerait sa peine dans la collectivité à ville A.  Tout au contraire, selon la décision du juge de première instance, elle s'absenterait périodiquement de sa résidence [au Pays A] pour se conformer à une assignation à domicile à ville A durant diverses périodes totalisant six mois.
[23]           Les mêmes remarques trouvent application quant au service communautaire dans un pays étranger sans contrôle réel par un agent de surveillance ou un agent de probation.
[24]           Je suis donc d'avis que la peine imposée n'est pas conforme aux dispositions du Code criminel.  Dans les circonstances, il appartient à la Cour d'imposer la peine qu'elle estime appropriée (art. 687(1) C.cr.).

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Le processus que doit suivre un juge lors de la détermination de la peine face à un accusé non citoyen canadien

R. c. Kabasele, 2023 ONCA 252 Lien vers la décision [ 31 ]        En raison des arts. 36 et 64 de la  Loi sur l’immigration et la protection...