jeudi 7 juin 2018

Le ministère public n’est pas tenu de prouver ou donner des explications sur ce qui s’est passé pour chaque minute de la détention

Routhier c. R., 2017 QCCS 4652 (CanLII)

Lien vers la décision

[27]        À l’audience, l’avocat de l’appelant insiste plus particulièrement sur le fait que les deux policiers qui ont procédé à l’arrestation et l’ont amené au poste de police n’ont pas été en mesure de fournir des explications sur leur emploi du temps lors de la deuxième séquence, s’étant limités à témoigner sur la base de leur rapport qui ne fournit aucun renseignement à cet égard.
[28]        Le Tribunal est d’avis que cette lacune, si lacune il y a, est sans conséquence.
[29]        Dans l’arrêt Vanderbruggen, la Cour d’appel de l’Ontario rappelait que le juge appelé à décider si les échantillons d’haleine ont été prélevés dès que possible devait considérer l’ensemble des évènements qui se sont produits à l’intérieur du délai limite de deux heures prévu au paragr. 258 (1) c) ii) C.cr., en faisant preuve de « raison » ou de bon sens commun :
[13]      In deciding whether the tests were taken as soon as practicable, the trial judge should look at the whole chain of events bearing in mind that the Criminal Code permits an outside limit of two hours from the time of the offence to the taking of the first test.   The “as soon as practicable” requirement must be applied with reason. […].[3]
[Nous soulignons]
[30]        La Cour d’appel de l’Ontario ajoutait que le ministère public n’est pas tenu de prouver ou donner des explications sur ce qui s’est passé pour chaque minute de la détention :
[13]      […] In particular, while the Crown is obligated to demonstrate that—in all the circumstances—the breath samples were taken within a reasonably prompt time, there is no requirement that the Crown provide a detailed explanation of what occurred during every minute that the accused is in custody.[4]
[Renvois omis; nous soulignons]
[31]        Dans l’arrêt R. c. Singh, la Cour d’appel de l’Ontario réitérait cette règle:
[15]      It is worth repeating that the Crown is not required to call evidence to provide a detailed explanation of what occurred during every minute that the accused is in custody. These provisions of the Criminal Code were enacted to expedite the trial process by facilitating the introduction of reliable evidence to prove an accused’s blood-alcohol level. Interpreting these provisions to require an exact accounting of every moment in the chronology from the time of the offence to the second test runs counter to their purpose. As Rosenberg J.A. said in Vanderbruggen, at para. 12, "The touchstone for determining whether the tests were taken as soon as practicable is whether the police acted reasonably." [5]
[Renvois omis; nous soulignons]
[32]        Plus récemment, dans l’affaire Simard c. R. notre collègue Boucher l’a appliqué :
[30]      Il est vrai que le policier a été incapable d’expliquer en détail certains aspects du déroulement des événements. Cependant, comme le mentionne l’arrêt Vanderbruggen […], la poursuite n’avait pas à présenter une preuve parfaite: « there is no requirement that the Crown provide a detailed explanation of what occurred during every minute that the accused is in custody ».
[31]      Bien que l’exigence de la prise d’échantillons d’haleine dès que matériellement possible soit une norme juridique dont l’interprétation soulève une question de droit, l’appréciation de la preuve relative à son application dans un cas donné soulève une question de fait qui doit être examinée avec déférence en appel.[6]
[Renvois omis]
[33]        Le même principe doit ici trouver application.
[34]        En somme, le Tribunal est d’avis que la juge n’a commis aucune erreur de droit ni erreur d’appréciation en retenant que les délais encourus avant que les prélèvements ne soient effectués étaient plus que raisonnables. Au regard de la preuve, sa conclusion en est une de « raison » pour reprendre les termes employés par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Vanderbruggen[7].
[35]        À cela, le Tribunal ajoute que si violation il y avait eu, il n’aurait pu conclure qu’elle résultait d’un mépris délibéré des droits de l’appelant de sorte que la conduite attentatoire de l’État se serait située à l’extrémité la moins grave de l’éventail des possibilités envisagées dans l’arrêt Grant[8]. L’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée l’aurait donc de toute façon emportée

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