Lien vers la décision
[6] N’ayant pas communiqué avec un avocat de sa mise en état d’arrestation jusqu’à son arrivée au poste de police, les policiers ont-ils porté atteinte au droit du requérant garanti par l’article 10 b) de la Charte?
[42] Cette obligation de « faciliter l’accès à un avocat prend (…) naissance immédiatement après que le détenu a demandé à parler à un avocat. Le policier qui procède à l’arrestation a donc l’obligation constitutionnelle de faciliter à la première occasion raisonnable l’accès à un avocat qui est demandé. Il incombe au ministère public de démontrer qu’un délai donné était raisonnable dans les circonstances » (R. c. Taylor, 2014 CSC 50 (CanLII), [2014] 2 R.C.S. 495, par. 24).
[43] « (…) l'existence d'obstacles à l'accès [à un avocat] doit être prouvée (…) » (R. c. Taylor, 2014 CSC 50 (CanLII), [2014] 2 R.C.S. 495, par. 33). La question est de savoir si le ministère public a démontré que les circonstances étaient telles qu’une conversation téléphonique privée n’était pas raisonnablement possible en pratique (R. c. Taylor, [2014] 2 R.C.S. 495, par. 34).
[57] Deux obstacles importants ont été soulevés par les policiers : la sécurité et en corollaire, le caractère confidentiel de la communication.
• La sécurité
[58] On se trouve en bordure d’une route nationale en milieu rural, dans un endroit mal éclairé. Il s’agit, tous en conviennent, d’un endroit dangereux. Malgré sa collaboration et sa bonne attitude (le requérant n’a pas été menotté), les policiers sont en présence d’une personne fortement intoxiquée.
[59] Le véhicule-patrouille n’est pas muni d’une cloison séparant l’espace avant et arrière du véhicule, ce qui rend impossible, pour des raisons de sécurité, que le requérant se retrouve seul dans le véhicule de patrouille et puisse avoir accès à certains équipements.
[60] De plus, il est difficile de s’assurer, en laissant le requérant seul dans le véhicule-patrouille, qu’il effectue véritablement son appel téléphonique à un avocat. La pratique veut que le policier place d’abord l’appel afin de s’assurer qu’il s’agit d’un avocat pour laisser ensuite la personne détenue s’entretenir avec lui.
• L’observation de la personne devant se soumettre à l’alcootest
[61] La décision de Cyr-Langlois c. La Reine (2017 QCCA 1033 (CanLII)) illustre bien la situation à laquelle sont confrontés les policiers qui ordonnent à une personne de se soumettre à l’alcootest. Cette personne doit être sous observation. Donc, tout au long de cet entretien téléphonique, la personne détenue doit être observée afin de s’assurer qu’elle ne régurgite pas, ne vomisse pas ou encore ne pose pas certains gestes qui pourraient par la suite interférer avec une analyse optimale des échantillons d’haleine prélevés.
[62] Cette observation ne pouvait se faire qu’à la condition d’être en présence immédiate du requérant, car il s’agit d’un endroit peu éclairé et dangereux.
[63] Cette situation constitue un autre obstacle important à l’exercice du droit à l’avocat sur les lieux de l’interception.
[64] Aurait-il fallu que les policiers offrent au requérant de renoncer à la confidentialité afin d’exercer immédiatement son droit à l’avocat?
[65] Le Tribunal estime que non. Les policiers sont en présence d’une personne intoxiquée, dont le jugement peut être altéré et qui ne détient pas toutes les informations pour communiquer sans assistance avec un avocat de son choix.
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