Foomani c. R., 2023 QCCA 232
[97] L’étonnement du juge, ponctué par un point d’exclamation, se comprend difficilement. Certes, il formule sa conclusion à la lumière de tous les témoignages entendus, mais si les gestes qui sont reprochés à l’appelant n’ont pas eu lieu, l’appelant ne pouvait que les nier. Comment pourrait-il en être autrement?
[98] En effet, comme l’observe le juge Beauregard dans l’arrêt Prud’homme : « Que peut faire une personne innocente accusée d'un fait qui n'a pas existé et qui, suivant la victime présumée, aurait eu lieu en l'absence de témoins? »[71].
[99] À cet égard, dans l’arrêt Titong[72], la Cour d’appel de l’Alberta explique que la dénégation d’un accusé est compatible avec la présomption d'innocence et que le fait de la rejeter en raison de son caractère intéressé sape cette présomption. Le déni de l’accusé ne peut être transformé en un motif de ne pas le croire, car cela reviendrait à lui imposer un fardeau de preuve injustifié :
[9] Characterizing an accused’s evidence as “self-serving” does not necessarily disclose an error of law, where, for example, use of the descriptor is contextualized with an articulation of why the accused’s evidence is self-serving or why, overall, the accused is found not to be credible: R v SMC, 2020 ABCA 19. However, a simple denial is consistent with the presumption of innocence and to reject it as self-serving, without more, would undermine that presumption and the concerns underpinning the seminal decision of R v W(D), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 SCR 742. One may rhetorically ask what more could an innocent person say in such circumstances. As noted by this court in R v CEK, 2020 ABCA 2 at para 24, a mere denial cannot be turned into a reason to disbelieve the accused. To do so would also place an unwarranted burden of proof on the appellant: R v Huot, 2016 ABCA 339, at para 12.
[Les soulignements sont ajoutés]
[100] Bien évidemment, je tiens à le préciser, cela ne suggère pas qu’un juge ne peut rejeter la dénégation générale d’un accusé, mais le postulat de départ de l’analyse de celle-ci ne peut s’appuyer, comme en l’espèce, sur un raisonnement qui la tient d’emblée pour suspicieuse au premier abord[73]. Ainsi, la dénégation générale par un accusé des faits relatifs à une accusation peut certes être rejetée en tout ou en partie, mais son évaluation ne peut s’amorcer à l’aune de l’incrédulité.
[101] Le fait de rejeter une dénégation générale ou de qualifier le témoignage d’un accusé comme étant intéressé ne révèle pas nécessairement une erreur de droit si la qualification est mise en contexte en énonçant les raisons pour lesquelles le témoignage de l'accusé est intéressé ou encore les raisons pour lesquelles, dans l'ensemble, l'accusé est jugé non crédible[74]. Le juge doit donc expliquer le rejet de la dénégation dans le contexte du dossier, car il ne suffit pas de formuler sa conclusion sans en fournir les motifs[75].
[102] Bien que je convienne que les observations du juge ne s’avèrent que l’amorce de sa réflexion sur la crédibilité et la fiabilité du témoignage de l’appelant, celles-ci enclenchent l’analyse sur des prémisses manifestement erronées qui la faussent et minent, en conséquence, le verdict rendu[76]. Cette erreur a eu une incidence importante sur la déclaration de culpabilité de l’appelant. En effet, comme on le sait, « les raisons invoquées par le juge du procès au soutien de sa décision sont présumées refléter le raisonnement l’ayant conduit à cette décision »[77].
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