dimanche 22 septembre 2024

Indices importants démontant la possession par l'accusé d’une arme à feu dans un sac

Vernelus c. R., 2022 QCCA 138

Lien vers la décision


[34]      La possession d’une arme à feu, infraction pour laquelle l’accusé a été déclaré coupable, repose, comme le souligne mon collègue, sur le contrôle et la connaissance. En l’espèce, la juge retient de la preuve que ces éléments sont établis hors de tout doute raisonnable. Je suis d’avis qu’elle pouvait arriver à une telle conclusion.

[35]      D’abord, il ne faut pas l’oublier, le sac dans lequel l’arme est retrouvée est celui de l’appelant et, outre l’arme elle-même, celui-ci est rempli d’objets -vêtements, papiers de toutes sortes- lui appartenant. C’est d’ailleurs de ce sac que l’appelant tire sa preuve d’identité à la demande des policiers. De plus, l’arme, laquelle n’est pas visible de l’extérieur, se trouve au centre du sac à travers des vêtements placés en dessous, à côté et au-dessus de celle-ci. Enfin, si le sac est près de M. Daniel, il l’est également de l’appelant.

[36]      Tous ces éléments établissent, selon moi, le contrôle de l’arme par l’appelant. Mais ils constituent aussi des indices importants qui, sans explications raisonnables, permettaient à la juge d’inférer la connaissance par l’appelant de la présence de l’arme et, donc, de sa culpabilité. À ce stade, le rejet par la juge du témoignage de l’appelant, en raison de ses contradictions, devient déterminant et fatal pour le sort de sa défense.

[37]      Mais il y a plus. La juge retient aussi le témoignage de l’agent Perreault-Bolduc selon lequel l’appelant « est resté de glace » lorsqu’il l’arrête pour possession d’arme à feu. Or, s’il est vrai qu’une certaine prudence est de mise en cette matière, la juge pouvait, en l’espèce, donner à cet élément, parmi tous les autres, une certaine importance[23]. La juge n’utilise pas cet indice pour évaluer la crédibilité de l’appelant pendant son témoignage en Cour, mais comme un fait rapporté par un policier afin d’apprécier la connaissance ou non de la présence de l’arme par l’appelant au moment des faits.

[38]      J’ajoute que la juge ne rejette pas l’idée que M. Daniel ait pu mettre le pistolet dans le sac, ce qui est d’ailleurs fort probable compte tenu de la preuve de l’ADN que l’on y a retrouvé. Mais cette preuve d’ADN ne doit pas tromper et modifier le fardeau de la poursuite. Il importe peu que l’appelant n’ait pas placé lui-même l’arme dans le sac. La poursuite pouvait se contenter d’établir que celle-ci n’y avait pas été mise à son insu ou contre son gré. Or, c’est spécifiquement la conclusion à laquelle parvient la juge.

[39]      Il est vrai que les inférences compatibles avec l’innocence peuvent être fondées tant sur la preuve que sur son absence[24], mais il revient au juge des faits de tracer la ligne de démarcation, parfois fine, entre doute raisonnable et conjectures[25]. Cela dit, une inférence possible et théorique qui constitue une pure conjecture ne suffit pas pour soulever un doute raisonnable à la troisième étape de la démarche de l’arrêt W.(D.), car même si, en principe, une lacune particulière dans la preuve peut fonder d’autres inférences que la culpabilité, celles-ci doivent être raisonnables compte tenu d’une appréciation logique de l’ensemble de la preuve ou de l’absence de preuve, et suivant l’expérience humaine et le bon sens[26]. C’est à ce stade que le fait pour la juge d’écarter le témoignage de l’appelant, décision qui lui appartenait, était fatal pour celui-ci.

[40]      Le rôle de notre Cour, comme elle le rappelait dans l’arrêt Dubourg[27], n’est pas de se substituer à la juge des faits, mais de vérifier si la détermination de celle-ci est elle-même raisonnable, même si un autre juge aurait pu tirer une conclusion différente[28].

[41]      En l’espèce, si, tout comme dans l’affaire Villaroman, la preuve de la poursuite quant à la connaissance n’était peut-être pas accablante, je suis d’avis qu’ « […] il était néanmoins raisonnable […] de conclure que, considérée globalement, la preuve excluait toute autre conclusion que la culpabilité »[29].

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