vendredi 15 novembre 2024

L'absolution et l'appréciation de la possibilité d’un préjudice professionnel découlant d'une condamnation pour un résident permanent

Z.F. c. R., 2024 QCCA 1428

Lien vers la décision


[9]         Quant à l’absolution, la juge ne l’exclut pas d’emblée, mais conclut que les conditions pour l’accorder ne sont pas remplies[10]. Selon la juge, l’appelante échoue à faire la preuve de son intérêt véritable à être absoute, puisqu’elle ne démontre pas qu’une condamnation lui nuira. Plus précisément, la preuve ne permet pas d’établir : (1) la possibilité d’un préjudice professionnel pour l’appelante et (2) les répercussions négatives d’une condamnation sur son statut de résidente permanente au Canada.

[10]      Sur le premier point, la juge note que l’appelante a commencé des études en soins infirmiers, mais ajoute que l’absence de témoignage à l’audience sur la peine n’étaye pas la possibilité d’un préjudice professionnel découlant de sa condamnation. Cette conclusion est exempte d’erreur révisable en appel. Même si la possibilité d’un préjudice professionnel peut suffire à établir un intérêt véritable à obtenir une absolution[11], celle-ci ne doit pas être théorique ni simplement hypothétique[12]. Il doit exister un certain fondement au soutien d’une allégation de préjudice professionnel[13], démontré par une preuve[14].

[11]      Quant au deuxième point, le statut de résidente permanente de l’appelante, les parties conviennent qu’une peine d’emprisonnement avec sursis n’entraîne pas les effets potentiellement préjudiciables d’une peine de plus de six mois d’emprisonnement ferme, dont une possible expulsion du pays pour « grande criminalité »[15]. Ainsi, l’absolution conditionnelle « ne constitue pas l’unique moyen pour faire échec à une mesure de déportation »[16]. Cette conclusion est conforme aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)[17], où celle-ci conclut que les peines d’emprisonnement avec sursis ne sont pas visées par le terme « emprisonnement » au sens de l’al. 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[18], dont l’objet est de définir la « grande criminalité » pour les résidents permanents déclarés coupables d’une infraction au Canada[19].

[12]      Par ailleurs, comme le souligne notre Cour dans l’arrêt Diawara c. R., « les conséquences indirectes d’une condamnation en matière d’immigration peuvent être considérées, mais cela ne doit pas faire en sorte que la peine infligée ne soit pas proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant »[20].

[13]      En tout état de cause, même si, par hypothèse, la juge avait erré dans son appréciation du critère de l’intérêt véritable – ce que nous ne concluons pas –, elle ne commet aucune erreur en déterminant que l’absolution de l’appelante serait contraire à l’intérêt public dans les circonstances où une jeune victime a subi de mauvais traitements et des voies de fait aux mains de sa belle-mère. Ces faits justifient de conclure à la gravité de la conduite, à son incidence sur la collectivité au regard du besoin de dissuasion générale et à l’importance de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice. En raison de l’âge de la victime, la juge se penche également sur la nécessité d’assurer sa protection adéquate et elle souligne le besoin pressant de dissuasion générale. Selon la juge, il est primordial d’assurer le maintien de la confiance du public dans l’administration de la justice par l’infliction « d’une sanction juste, qui ne banalise pas une conduite répréhensible et criminelle »[21]. La juge ajoute ne pas être en présence d’un cas où l’appelante démontre des efforts de réhabilitation pour enrayer le risque de récidive. Elle conclut :

[72]   L’accusée a exercé son droit d’avoir un procès. Elle exerce son droit d’en appeler de sa condamnation. En aucun cas, l’exercice de ces droits constitue un facteur aggravant. Cependant, en contrepartie, l’absence totale de reconnaissance des faits, implique un manque d’introspection. Par voie de conséquence, il n’y a ni remords, ni regrets, ni empathie vis-à-vis de la victime. Nous ne sommes pas en présence d’une démonstration convaincante de réhabilitation.

[73]   Après analyse, le Tribunal conclut que le cas de l’accusée ne mérite pas le prononcé d’une absolution. En l’espèce, le Tribunal conclut que l’octroi d’une absolution conditionnelle irait à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle minerait la confiance d’un public bien informé dans l’administration de la justice.

[74]   Compte tenu de la gravité des infractions, du préjudice et des atteintes à la victime, du peu d’introspection dont fait preuve l’accusée et de l’attention particulière à apporter aux objectifs de dénonciation et de dissuasion, le Tribunal conclut qu’une peine d’emprisonnement s’impose.

[14]      Bref, l’analyse de la juge est exempte d’erreur révisable à ce chapitre.

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