Siciliano c. R., 2025 QCCA 335
[51] Selon les appelants, le juge se trompe lorsqu’il inclut, en tant que facteur aggravant, la situation de vulnérabilité de la victime, suivant l’article 718.04 C.cr.
[52] En général, la vulnérabilité d’une victime s’apprécie à la lumière de l’ensemble des faits retenus par le juge. Il s’agit d’un facteur dont l’importance variera selon les circonstances particulières du dossier. Une victime peut être vulnérable en raison de ses caractéristiques personnelles la rendant « plus susceptible d’être blessée, attaquée ou exploitée »[43], mais elle peut aussi devenir vulnérable à cause des circonstances précises de l’infraction.
[53] En l’espèce, la conduite des appelants a placé X dans une situation de vulnérabilité, alors qu’elle se trouve seule dans une chambre d’hôtel avec eux. L’inégalité dans le rapport de force, dans ces circonstances, est évidente. Au surplus, Daigle, à qui X avait fait part des règlements de l’hôtel et de ses préoccupations quant au fait qu’elle devait rester dormir dans la chambre pour ne pas être vue, connaissait la situation délicate dans laquelle X se plaçait en lui rendant visite.
[54] Par ailleurs, le témoignage de X illustre de façon éloquente la vulnérabilité qu’elle ressentait, alors qu’elle décrit être « tombée dans un piège » et avoir été « la sardine idéale pour leur filet à poissons ».
[55] Je ne vois aucune erreur commise par le juge lorsqu’il tient compte de cette situation de vulnérabilité, d’autant plus que l’argument des appelants sur cette question est fondé sur des mythes et stéréotypes. Ils soutiennent en effet que X n’était pas vulnérable puisqu’elle était « libre de partir à tout moment ». Cet argument occulte complètement la réalité d’une victime d’agression sexuelle en général, et de cette victime en particulier. Bien que les appelants n’invoquent pas l’inférence prohibée selon laquelle l’absence de résistance équivaut à consentement[44] (en fait, ils reconnaissent, par leur plaidoyer de culpabilité, l’absence de consentement de X), il est tout aussi aberrant pour eux de soutenir que le « libre arbitre » de la victime permet de conclure qu’elle n’était pas vulnérable.
[56] Comme les auteures Desrosiers et Beausoleil-Allard l’écrivent :
[…] la majorité des victimes connaissent leur agresseur et […] nombre d’entre elles entretiennent une relation d’autorité et de confiance avec celui-ci, de sorte qu’elles n’ont d’autre choix que de se soumettre. De plus, les victimes ont peur. Les forces physiques en présence sont inégales et leur sécurité physique est menacée. Si elles résistent, elles risquent de se faire blesser, parfois tuer. La crainte d’attiser la violence contraint souvent à la passivité.[45]
[soulignements ajoutés]
[57] Bref, la prétention selon laquelle X aurait pu quitter si elle l’avait voulu et qu’elle n’était conséquemment pas dans une situation de vulnérabilité s’inscrit dans une logique stéréotypée et depuis longtemps dépassée[46].
[58] La vulnérabilité de X qui se trouve seule dans une chambre d’hôtel avec deux hockeyeurs, qui ensemble l’agressent sexuellement, ne saurait être remise en cause.
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