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mardi 24 juin 2025

La tâche du juge n'est pas de simplement noter la présence de facteurs aggravants et d'imposer la peine maximale si ceux-ci se retrouvent dans la situation du contrevenant

R. v. Reeve, 2020 ONCA 381



[28]      Proportionality and parity are key sentencing principles.

[29]      Sentences must be proportionate to the gravity of the offence and the degree of responsibility of the offender: Criminal Code, s. 718.1. The principle of parity must also be taken into account, involving the idea that “similar offenders who commit similar offences in similar circumstances should receive similar sentences”: Friesen, at para. 31Criminal Code, s. 718.2(b).

[30]      While the trial judge referred to some authorities that had been provided to him by counsel during the sentencing hearing, he found that they were not “helpful due to the individual circumstances of each particular case.” In the end, he disregarded those authorities altogether and imposed a sentence well above any sentence that has previously been imposed for like offenders in like circumstances. 

[31]      The fact that each crime has its own unique circumstances, and is committed by its own unique offender, does not mean that parity has no role to play in the sentencing process. While sentencing ranges cannot be seen as “straitjackets”, and under or overshooting a range will not on its own give rise to a demonstrably unfit sentence, parity remains a strong principle of sentencing, one that exists as an expression of the principle of proportionality: Friesen, at paras. 32, 37, 108Lacasse, at paras. 58, 60-61. Consequently, the principle of proportionality is respected, in part, by referring to sentences imposed in other cases, sentences that reflect the “collective experience and wisdom of the judiciary”: Friesen, at para. 33.

[58]      The task is not to simply check off the aggravating factors with a view to imposing the maximum sentence if each box is ticked. The key is to consider the circumstances underlying each factor and position it on the scale of seriousness. If proportionality and parity are to have meaning, calibrating the seriousness of the aggravating factors is critical to the sentencing exercise.

lundi 23 juin 2025

La fourchette de peines applicable aux infractions de production et de possession de pornographie juvénile

R. c. Laganière, 2024 QCCQ 7655

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[26]        Selon la Cour d’appel dans l’arrêt Marien Frenette[62]l’infraction de production et de possession de pornographie juvénile implique généralement une fourchette de peines entre 12 et 18 mois[63]. Pour établir cette fourchette générale, la Cour d’appel réfère[64] aux arrêts Ricard-PerrasDaudelinIbrahim et Rayo, soit des arrêts qui impliquaient plusieurs autres infractions d’ordre sexuel en plus de celle de possession de pornographie juvénile[65]. Dans Marien Frenette, une peine de 18 mois réduite à 12 mois pour tenir compte du principe de totalité considérant les peines imposées pour d’autres accusations est imposée à un jeune délinquant de 24 ans sans antécédents judiciaires qui avait enregistré 16 photos et 9 vidéos intimes de la plaignante âgée de 14 ans. Le délinquant avait toutefois produit ce matériel illicite en plus de le posséder et avait commis d’autres infractions d’ordre sexuel sur un enfant, contrairement au présent dossier.

[27]        Il convient également de préciser que, jusqu’au prononcé de l’arrêt Terroux par la Cour d’appel, des peines minimales d’incarcération de 6 mois pour les affaires sommaires et de 12 mois pour les accusations portées par acte criminel s’imposaient à moins d’une contestation constitutionnelle de la peine minimale[66]. Étant en présence strictement d’une infraction de possession de pornographie juvénile et considérant l’effet net de l’arrêt Terroux au sujet de la peine minimale, le Tribunal estime que la fourchette récemment identifiée par le juge Benoit Gagnon dans l’affaire R.B. à la suite de son analyse actualisée de la jurisprudence, soit de 60 jours à 18 mois d’emprisonnement[67] pour l’infraction de possession et d’accession d’environ 200 fichiers de pornographie juvénile dont l’âge des enfants est estimé entre 2 et 14 ans est appropriée et adaptée au présent dossier.

[28]        Cela dit, rappelons que les fourchettes de peines constituent des balises utiles, mais non contraignantes[68] et qu’il est permis de s’en écarter lorsque cela est nécessaire pour réaliser le principe cardinal de la proportionnalité[69]. Voilà pourquoi la jurisprudence recense certains cas où la peine infligée s’écarte de cette fourchette, particulièrement lorsque l’infraction est poursuivie par voie sommaire[70].

Un juge doit prendre en compte le jeune âge d'un contrevenant lors de la détermination de la peine

Jean c. R., 2024 QCCA 1137



[39]      L’appelant est âgé de 23 ans au moment des gestes reprochés. Le jeune âge d’un délinquant peut effectivement être considéré à titre de facteur atténuant, surtout lorsqu’il s’agit d’un délinquant qui n’a pas d’antécédents judiciaires. Il est alors possible de croire qu’il s’agit d’une erreur de jeunesse ou de parcours, qui dénote un manque de maturité, mais qui permet d’aspirer à un plus grand potentiel de réhabilitation[5].

[40]      Or, la présence de nombreuses condamnations antérieures[6], de récidives[7] et d’usage de violence[8] minimise grandement l’impact de ce facteur atténuant.

[41]      La juge est pleinement consciente de l’âge de l’appelant, mais elle indique :

[232]   Toutefois, depuis plus de 10 ans, l’accusé, qui a de nombreux antécédents judiciaires, a choisi d’évoluer selon un mode de vie où la criminalité est omniprésente.

[233]   La Cour d’appel du Québec dans Fournier c. R2012 QCCA 1330, rappelle que la jeunesse ne saurait excuser tout comportement et les tribunaux doivent garder présent à l’esprit la nécessité de dissuader d’autres jeunes de commettre les mêmes types de comportements que leurs pairs (par. 43).

[42]      Force est de constater qu’elle tient compte de l’âge de l’appelant, mais exerce sa discrétion dans la pondération qu’elle y accorde[9]. L’appelant ne démontre pas en quoi elle le fait de manière déraisonnable.

Le jeune âge d’un délinquant peut effectivement être considéré à titre de facteur atténuant, surtout lorsqu’il s’agit d’un délinquant qui n’a pas d’antécédents judiciaires

R v Scott, 2015 ABCA 99

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[13]           “Youthfulness” is often recognized as a mitigating factor, because young offenders may have a lower moral culpability due to immaturity in their reasoning, irresponsibility in their decision making, and greater prospects for rehabilitation: R. v Demeter and Whitmore (1976), 1976 CanLII 1413 (ON CA), 32 CCC (2d) 379 at pp. 381-2 (Ont CA); R. v Jackson (2002), 2002 CanLII 41524 (ON CA), 163 CCC (3d) 451 (Ont CA). This factor is, however, of primary importance for first time offenders: Demeter and WhitmoreR. v Ijam2007 ONCA 597 at paras. 55-6, 87 OR (3d) 81; R. v Hussey (1990), 1990 CanLII 6491 (NL CA), 83 Nfld & PEIR 161 (Nfld CA). This factor becomes less important when a young adult has already had a considerable amount of experience in the criminal justice system, has been subject to various forms of probationary and correctional supervision, and has not only breached those conditions but has also re-offended: R. v Quesnel (1984), 1984 CanLII 3475 (ON CA), 14 CCC (3d) 254 at p. 255, 4 OAC 393 (CA). The respondent has had ample contact with the criminal justice system, and ample time to learn from his past mistakes. The gap between his previous offences and the one presently before the Court must be recognized, but youthfulness was not a significant mitigating factor in this case. Even the gap does not merit great weight since a large portion of it represents time that the appellant was either in custody or subject to court supervision.

La consécutivité des peines et le principe des totalités de la peine

R. c. Gagné-Faucher, 2024 QCCS 3574

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La consécutivité des peines

[91]        Les parties ont reconnu lors de leurs plaidoiries que la peine à purger quant au chef de délit de fuite entraînant la mort devait être consécutive.

[92]        Effectivement, il appert de la jurisprudence que lors d’un même événement où se succèdent deux crimes distincts impliquant la conduite d’un véhicule moteur, les peines devraient être purgées de manière consécutive.

[93]        Dans la décision R. c. Savard[43], le juge St-Arnaud de la Cour du Québec adopte un tel raisonnement et s’appuie sur la décision rendue dans R. c. Laporte[44], par le juge Conrad Chapdelaine où ce dernier s’exprime ainsi :

[77]        Il est reconnu que les peines infligées pour différentes infractions découlant d'une même transaction criminelle ou d'un même incident sont habituellement purgées concurremment.

[78]        Toutefois, tel que l'affirmait le juge Martin dans R. c. Gummer (1983 CanLII 5286 (ON CA)[1983] O.J. No. 181, par. 13-14) et repris dans R. c. Howe (précitée, par31), vu que les infractions de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort et de délit de fuite protègent des intérêts sociaux différents, les peines imposées pour ces crimes ne devraient pas être purgées concurremment.

[79]        Au surplus, le crime de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort est entièrement commis lorsque son auteur décide, comme dans le présent cas, de fuir les lieux. Non seulement sont-ils distincts par leur nature et par les intérêts sociaux qu'ils visent à protéger, mais ils relèvent de deux transactions criminelles distinctes.[45]

Le principe des totalités de la peine

[94]        Le principe de totalité vise à s’assurer que les peines que le Tribunal impose sont dans l’ensemble justes et appropriées. De sorte que le Tribunal doit jeter « un dernier coup d’œil à la peine globale afin d’évaluer si elle n’est pas exagérément longue au sens où elle serait disproportionnée à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant ».[46]

[95]        Dans le cas où le principe de totalité n’est pas respecté, le Tribunal peut ajuster les peines en rendant certaines d’entre elles concurrentes ou encore, si cela ne donne pas lieu à une peine juste et proportionnée en réduisant la durée d’une ou de plusieurs peines.

Les peines pour délit de fuite entraînant la mort

R. c. Gagné-Faucher, 2024 QCCS 3574

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[86]        L’article 320.21 du Code criminel prévoit que le délinquant déclaré coupable est passible d’un emprisonnement à perpétuité.

[87]        Il y a lieu de signaler qu’à la suite de l’entrée en vigueur du projet de loi C-46, le 21 septembre 2018, la peine d’emprisonnement maximale pour un délit de fuite entraînant la mort a été substantiellement augmentée, et ce, à l’instar d’autres peines prévues pour d’autres infractions relatives à la conduite d’un moyen de transport tuant ou blessant d’autres personnes.[40]

[88]        Aussi, les tribunaux canadiens ont pris acte de ces modifications législatives, et ce, afin de tenir compte de la volonté du législateur que soit puni plus sévèrement ce type d’infraction.[41]

[89]        Selon le poursuivant, une peine de 18 mois consécutifs devrait être imposée à l’accusée. La défense, quant à elle, suggère une peine consécutive mais de six mois moins un jour.

[90]        Le Tribunal constate qu’à la lumière des récents amendements législatifs, la fourchette des peines est difficile à établir précisément, compte tenu de la grande variété de situations. Dans la récente décision de R. v. Bleck, le juge Tranquilli indique :

[91]         This brings the court to the appropriate sentencing range. 

[92]        Both Crown and defence submitted case briefs that illustrated the variable nature of the sentencing range for these offences. Predictably, none of the decisions exactly align with the individual circumstances of this case and several of them involved guilty pleas, no prior criminal record, and an offender of otherwise previously good character. Further, these decisions cover a wide range of years, between 1983 and 2017, through which the maximum sentence for this offence has evolved upward. With one exception that I will address, all pre-date the legislative amendments that increased the maximum penalty to 14 years.

[93]         The decisions submitted by the Crown illustrated sentences at the low end of six to 12 months incarceration and in more recent years, an average of two years. […]

[94]        I have reviewed the decisions submitted by the Defendant. With one exception, all the decisions relied upon by Mr. Bleck for sentences less than two years again predate the legislative amendments and are distinguishable from this offender’s circumstances. The facts in those decisions generally involved a varying constellation of mitigating circumstances such as a guilty plea and expression of remorse, no prior record, a pro-social history, no breaches on bail. […][42]

Le calcul du délai : point de départ, plafond applicable

R. c. Costanzo-Peterson, 2024 QCCA 1282

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[60]      Pour déterminer si le délai pour tenir le procès est déraisonnable, il faut nécessairement établir le plafond qui gouverne les accusations ainsi que le point de départ du calcul du délai.

[61]      La juge, qui n’avait pas le bénéfice de l’arrêt R. c. Poitras2022 QCCA 1561, mais uniquement de l’arrêt R. c. Guimont, 2017 QCCA 1754, a retenu la date d’inculpation initiale, janvier 2020, pour l’ensemble des accusations. Elle a conclu que la substitution et les ajouts des nouvelles accusations n’étaient que la continuité du même dossier et que cela ne marque pas un nouveau départ.

[62]      En appel, cette conclusion est contestée en partie. Comme en première instance, l’appelant prétend qu’il y a un point de départ pour les premières accusations de janvier 2020 et un autre pour les nouvelles accusations de septembre 2020. Les intimés ne sont pas en désaccord avec deux points de départs, mais pour eux, le problème demeure entier puisque dans les deux cas, le plafond de 18 mois est atteint.

[63]      Je veux clarifier ce point. Pour calculer le délai dans cette affaire, il importe d’établir la date initiale d’inculpation. Je rappelle que dans l’arrêt R. c. Poitras2022 QCCA 1561, le juge Cournoyer explique bien le droit à cet égard, retraçant les arrêts pertinents de la Cour suprême. Le début du calcul pour les besoins de l’alinéa 11b) de la Charte commence au moment où une personne est inculpée, c’est-à-dire « quand une dénonciation relative à l'infraction qu’on lui reproche est déposée ou quand un acte d’accusation est présenté directement sans dénonciation » : R. c. Kalanj1989 CanLII 63 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 1594; R. c. Poitras, 2022 QCCA 1561. 

[64]      On reconnaît qu’exceptionnellement, « si la poursuite retire l’accusation pour la remplacer par une autre mais pour la même affaire, le calcul du délai pourrait bien commencer à partir de la première accusation » : R. c. Carter1986 CanLII 18 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 981, p. 985. Ainsi, il est évident que les chefs 10 à 29 du nouveau dossier 206 sont identiques à ceux du dossier 191. À mon sens, il s’agit d’un cas clair du principe énoncé dans l’arrêt R. c. Antoine, 1983 CanLII 1743 (C.A.O.), repris notamment dans l’arrêt R. c. Poitras2022 QCCA 1561. Pour ces chefs, le point de départ est janvier 2020.

La connaissance d’office et l’équité procédurale

R. c. Lefebvre, 2018 QCCS 4468

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[102]     Dans un premier temps, il faut reconnaître au bénéfice du juge d’instance que la règle d’équité procédurale entourant la mise en œuvre de la connaissance d’office n’a pas reçu une si grande attention en droit criminel et pénal.

[103]     À ce titre, dans le célèbre arrêt Baie-Comeau c. D’Astous[34], le juge Gendreau formule implicitement une exigence d’équité procédurale en cette matière.

[104]     Dans cette affaire, le juge Gendreau examine la portée de la connaissance d’office et il explique qu’un juge « ne peut référer à des connaissances acquises à l'occasion de l'audition d'autres affaires ou par l'étude personnelle de certains sujets »[35], car « [n]otre régime de débats contradictoires commande qu'il en soit ainsi »[36]. Le juge a « l'obligation de ne fonder sa décision que sur les faits dont les parties lui ont légalement fait la preuve »[37].

[105]     Or, puisque le principe audi alteram partem constitue une règle de justice naturelle et un précepte fondamental de notre système de justice contradictoire, il exige que les tribunaux accordent aux personnes visées par leurs décisions, l'occasion d'être entendues[38].

[106]     Sans formuler ou établir explicitement un droit d’être entendu au sujet de la prise de connaissance d’un fait en litige, il découle, implicitement et inévitablement, de la référence au système de justice contradictoire dans l’extrait qui précède, l’existence d’une telle exigence envers les parties avant la prise de connaissance d’office d’un fait en litige[39].

[107]     Il est vrai que l’exigence d’équité procédurale s’avère, au mieux, implicite.

[108]     Cependant, il existe des limites reconnues à l’utilisation des faits établis dans le cadre d’autres dossiers et la prudence s’impose[40].

[109]     Un juge ne peut prendre connaissance d’office de la preuve produite devant d’autres juges, car un témoignage antérieur ou une preuve produite dans une autre instance constitue du ouï-dire, à moins que cette preuve ne soit versée du consentement des parties[41].

[110]     Pour ces raisons, un « juge ne peut pas fonder sa décision sur des éléments externes non mis en preuve lors du procès »[42].

[111]     Comme le précise la Cour d’appel dans l’arrêt R. c. Perron, le « juge de procès ne doit pas ajouter à la preuve de son propre chef sans donner l'opportunité aux parties, s'il a des interrogations, d'y répondre »[43].

[112]     Dans l’arrêt R. c. Fraillon[44], même s’il considérait une question différente, le juge Vallerand exprime une opinion similaire :

C'est tout d'abord à tort que le premier juge a statué comme il l'a fait sans donner le loisir aux parties de plaider sur le sujet. Il est, en thèse générale, loisible au juge de signaler aux parties que, dans sa mission de rendre justice, il est troublé par un point de faits ou de droit que ni l'une ni l'autre n'a soulevé. Et cela surtout lorsqu'il s'agit d'un droit reconnu par la Charte. Mais encore faut-il qu'il le signale aux parties et leur donne tout le loisir de vider la question avant qu'il ne statue en conséquence. Or ici, les parties ont, à leur grand étonnement, appris au prononcé du jugement que celui-ci était fondé et uniquement fondé sur une question que le juge n'avait qu'alors soulevée et résolue proprio motu. Le procédé est inadmissible et suffirait à lui seul à soutenir le pourvoi. Mais il y a plus et il nous faut, je pense, en traiter.

[Le soulignement est ajouté]

[113]     Bref, les parties ne doivent pas être informées du caractère notoire d’un fait en litige lorsque le jugement est rendu.

[114]     Cette règle s’applique aussi dans le domaine du droit administratif.

[115]     Dans l’affaire Syndicat des producteurs de bois de la Gaspésie c. Damabois, division Cap-Chat inc.[45], la Cour d’appel devait déterminer si lors d’un arbitrage sous l’égide de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles alimentaires et de la pêche[46], la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec avait, en fixant le du prix d’une essence de bois, transgressé la règle audi alteram partem « en se basant sur la moyenne des prix offerts pour la même essence par les acheteurs dans d’autres régions »[47].

[116]     Dans un premier temps, la juge Thibault établit les règles d’équité procédurale entourant la connaissance d’office :

[17]      En principe, la jurisprudence ne permet pas à un tribunal de recueillir une preuve sans en aviser les parties et leur permettre de faire des observations. Sur cette question, le professeur Patrice Garant écrit :

Sous réserve de la connaissance d’office, la jurisprudence ne permet pas à un tribunal de recueillir sa propre preuve sans en aviser les parties au dossier et sans les inviter à faire valoir leurs prétentions à l’encontre de celle-ci avant de rendre sa décision. […] Que les observations du tribunal découlent d’une visite ou d’une photographie présentée en preuve, le requérant savait sans doute ce qu’il avait vu et l’équité procédurale est respectée s’il a eu la possibilité de formuler des arguments pertinents.

[Je souligne].

[18]      Pour sa part, le professeur Jean-Claude Royer écrit que la connaissance judiciaire de faits est plus étendue devant les tribunaux spécialisés, mais que ceux-ci doivent tout de même, avant de fonder leur décision sur un tel fait, inviter les parties intéressées à faire leurs observations :

Devant des tribunaux administratifs ou spécialisés ou devant des arbitres, la connaissance judiciaire des faits est encore plus étendue. Les membres de ces tribunaux sont souvent nommés en raison de leurs connaissances et de leur expérience dans un domaine spécialisé. Ils peuvent parfois prendre connaissance d'office des faits qui, sans être connus de tout le monde, sont notoires à l'égard des parties qui plaident devant ces tribunaux. [...] Toutefois, dans ces derniers cas, le tribunal ne peut fonder sa décision sur un fait relevé d'office par un membre sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, sauf si elles ont renoncé à exposer leurs prétentions.

[19]      J'en retiens qu'il est largement reconnu dans la doctrine et la jurisprudence qu’un tribunal administratif ne peut importer de nouvelles données sans permettre aux parties de les commenter ou d’en discuter[48].

[Le soulignement dans le paragraphe 19 de l’arrêt est ajouté]

[117]     Dans cette affaire, la juge Thibault estime que la Régie n’avait pas violé le droit des parties d’être entendues, car elle avait été invitée par l’une des parties à le faire; les données n’étaient pas intrinsèquement nouvelles; les parties pouvaient s’attendre à ce que la Régie puise dans son expérience; et finalement, il s’agissait de données publiques connues de tous :

[27]      La Régie a donc déterminé le prix du tremble en se basant sur la moyenne des prix offerts pour la même essence par les acheteurs dans d’autres régions. À l’instar du juge de première instance, je suis d’avis que la Régie n’a pas violé la règle audi alteram partem en procédant comme elle l’a fait. Les parties savaient que la Régie, dans son rôle de régulation de la mise en marché du bois, devait fixer le prix du tremble pour les années concernées et que, pour ce faire, elle pouvait, comme le lui avait suggéré le Syndicat, prendre en compte « l’état du marché » et « l’évolution des prix payés aux producteurs par les entreprises concurrentes ». Il ne faut pas oublier que, lors de l’arbitrage d’une convention de mise en marché, la Régie entend, dans un débat contradictoire, les parties à une future convention. Dans ce cadre, son pouvoir ne se limite pas à appliquer une règle de droit, mais elle agit dans une perspective plus large de régulation économique. Elle jouit, en conséquence, d’une large discrétion dans ce rôle et dans la décision qu’elle est appelée à rendre.

[28]      Je suis donc d’accord avec le juge de première instance pour dire que les données utilisées par la Régie n’étaient pas intrinsèquement nouvelles et que les parties pouvaient s’attendre à ce que la Régie puise dans l’expérience du marché des données publiques connues de tous et qui étaient de nature à lui permettre de fixer le juste prix du tremble pour les années concernées. S'il fallait exiger de la Régie qu'elle soumette à tous les intéressés chacune des données publiques connues, pertinentes et de la même nature que celles soumises lors des séances publiques et dont elle envisage de tenir compte, cela pourrait scléroser son action.

[Le soulignement et le caractère gras sont ajoutés]

[118]     Ainsi, en principe, le décideur ne peut importer de nouvelles données sans permettre aux parties de les commenter ou d’en discuter.

[119]     Il s’avère aussi crucial de déterminer si le décideur a été invité par l’une des parties à considérer certaines données relatives à la question qui doit être tranchée.

[120]     L’expectative des parties, tant à l’égard de la question que le décideur doit trancher que les données qu’il aura à considérer pour ce faire, se révèlent pertinentes à tout accroc au droit d’être entendu.

[121]     Par ailleurs, la nouveauté des données qui doivent faire l’objet de la connaissance d’office par le décideur et leur caractère public notoire se révèlent importants à la démonstration de toute contravention au droit d’être entendu.

[122]     Voilà les jalons posés par la jurisprudence québécoise sur le droit d’être entendu avant qu’un juge prenne connaissance d’office d’un fait.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

De simples mots ne constituent pas un voies de fait & la nécessité de prouver le caractère intentionnel de l'usage de la force permet une défense d'accident ou d'erreur de consentement honnête mais erroné

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