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mardi 10 septembre 2013

La portée de la vie privée en regard de l'article 8 de la Charte

R. v. Atkinson, 2012 ONCA 380 (CanLII)


[50]         The right to be secure from unreasonable search or seizure protects only a “reasonable expectation of privacy”. The limiting term “reasonable” implies that, in each case, the court must assess whether, in the circumstances, the public’s interest in being left alone by the state must give way to the state’s interest in intruding on the individual’s privacy to advance its goals, such as law enforcement: R. v. Edwards1996 CanLII 255 (SCC), [1996] 1 S.C.R. 128, at para. 30; Hunter v. Southam Inc.[1984] 2 S.C.R. 145, at pp. 159-160. The assessment must take into account all the circumstances of the case: Edwards, at paras. 31 and 45.
[51]         Among the privacy interests that s. 8 protects are personal, territorial and informational privacy: R. v. Tessling,2004 SCC 67 (CanLII), 2004 SCC 67, [2004] 3 S.C.R. 432, at para. 20.  Personal privacy protects bodily integrity. Territorial privacy protects privacy in the home, as well as other places, albeit without the same rigour: Tessling, at paras. 21 and 22. Informational privacy has to do with “the claim of individuals, groups or institutions to determine for themselves when, how and to what extent information about them is communicated to others”: Tessling, at para. 23. 
[52]         Not every scrap of information that an individual may wish to keep confidential falls within the sweep of s. 8. What is included is a biographical core of personal information that individuals in a free and democratic society might wish to maintain and control from dissemination to the state, such as information that tends to reveal intimate details about, and personal choices of, the individual:Tessling, at paras. 25-26; R. v. Plant1993 CanLII 70 (SCC), [1993] 3 S.C.R. 281, at p. 293.
[53]         The distinctions between personal, territorial and informational privacy provide useful analytical tools, but in many cases privacy interests may spill over from one category to another. In this case, for example, the privacy interest is informational. It concerns the appellant’s activities to the extent revealed by the material adhering to her shoes. But the interest also implicates territorial privacy because police entered the appellant’s home and observed the shoes there.
[54]         Police conduct that interferes with a reasonable expectation of privacy constitutes a “search” for the purposes of s. 8 of theCharterR. v. Law2002 SCC 10 (CanLII), 2002 SCC 10, [2002] 1 S.C.R. 227, at para. 15; Tessling, at para. 18; R. v. Wise,1992 CanLII 125 (SCC), [1992] 1 S.C.R. 527, at p. 533. Police conduct that amounts to a search, but is not authorized by a warrant, is presumptively unreasonable and shifts the burden of establishing reasonableness to the Crown. In this case, the respondent relies on the appellant’s consent to P.C. Van Dyke’s entrance into her home, and on the operation of the “plain view” doctrine to establish that the search was reasonable.

samedi 7 septembre 2013

La façon dont le juge récapitule un témoignage d'expert ne doit pas avoir pour effet de retirer aux jurés la question de fait qu'il leur appartient de trancher

Delisle c. R., 2013 QCCA 952 (CanLII)


[85]        En vérité, l'appelant reproche principalement au juge de ne pas avoir détaillé et comparé les différentes expertises balistiques dans ses directives, de façon à faire ressortir la supériorité de l'expertise de la défense par rapport à celles de la poursuite, selon la perspective de l'appelant bien sûr. Or, la Cour suprême décourage les juges de se lancer dans une telle interprétation de la preuve d'expert, de crainte qu'ils usurpent le rôle du jury :
[62]   L'interprétation du témoignage d'expert par le juge du procès pose problème, notamment parce que le jury peut avoir l'impression qu'il est tenu d'accepter cette interprétation. La façon dont le juge récapitule un témoignage d'expert ne doit pas avoir pour effet de retirer aux jurés la question de fait qu'il leur appartient de trancher : voir Cooper c. La Reine1979 CanLII 63 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 1149, p. 1171. C'est pourquoi il n'est pas souhaitable que le juge du procès se hasarde à interpréter le témoignage d'un expert. S'il décide de le faire, il doit s'assurer de faire comprendre aux jurés que son interprétation n'est qu'une opinion qu'ils peuvent accepter ou rejeter.
[86]        Les directives du juge étaient suffisantes pour que le jury soit bien au fait de la théorie du tir auto-infligé prônée par la défense. Si cette théorie soulevait un doute raisonnable, l'appelant devait en profiter. Il appartenait au jury d'évaluer la preuve à cet égard. Vu en outre le degré élevé de déférence devant être accordé à la présentation des faits adoptée par le juge et l'absence de contestation de la part de la défense au procès, ce moyen d'appel doit être rejeté.

L'état du droit quant au comportement postérieur à l'infraction

Delisle c. R., 2013 QCCA 952 (CanLII)


[57]        Contrairement à ce qu'il allègue, la preuve relative à son changement d'attitude n'était pas dénuée de valeur probante. Dans R. c. White, le juge Binnie dissident, mais écrivant pour la majorité sur le droit applicable, présente ainsi le raisonnement devant guider la décision d'admettre une preuve issue du comportement postérieur à l'infraction :
[140]   La preuve du comportement postérieur à l'infraction, dans son ensemble, se retrouvera simplement au dossier comme une partie banale de l'exposé des faits. Lorsqu'elle est invoquée à l'appui de la thèse de la poursuite, elle sera évidemment pertinente et admissible si, selon la logique, le bon sens et l'expérience humaine (comme le veut l'expression), elle aide à trancher une question en litige.
[58]        Il n'est pas contraire à la logique, au bon sens et à l'expérience humaine de supposer que le changement d'attitude de M. Delisle au moment où il apprend qu'une enquête est en cours constitue une preuve de son état d'esprit. Cette preuve était donc pertinente et admissible a priori.
[59]        Ce constat fait, le juge devait décider si cette preuve avait un effet préjudiciable disproportionné par rapport à sa valeur probante. Il lui fallait évaluer si, en raison de sa fiabilité douteuse, elle risquait davantage d'induire le jury en erreur que de l'aider à prendre une décision éclairée. Retenant qu'il était possible de minimiser l'effet préjudiciable par une mise en garde appropriée, le juge a estimé que sa valeur probante devait l'emporter sur son effet préjudiciable. Nous devons un degré élevé de déférence à cet exercice de pondération du juge, avec lequel il n'y a pas lieu d'interférer en l'espèce.

[62]        La preuve du comportement de l'accusé postérieur à l'infraction, englobant autant ses déclarations admissibles que sa conduite, constitue une preuve circonstancielle parmi d'autres dont l'utilisation est, en principe, laissée à l'appréciation du jury. Le juge Binnie le rappelle dans l'arrêt R. c. White :
[137]   […] La règle générale demeure qu'il appartient aux jurés de décider, eu égard à l'ensemble de la preuve, si le comportement postérieur à l'infraction utilisé en preuve contre l'accusé est lié à la perpétration du crime dont il est question, plutôt qu'à autre chose. Le cas échéant, c'est au jury qu'il incombe de déterminer le poids à accorder à cette preuve pour rendre ultimement un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité. Dans la plupart des cas, le juge du procès qui s'immisce dans ce processus usurpe le rôle du juge des faits, dévolu exclusivement au jury.

Le caractère déraisonnable du verdict

Delisle c. R., 2013 QCCA 952 (CanLII)


[139]     Le paragraphe 686(1)a)(i) C.cr. accorde à l'appelant le droit d'interjeter appel d'un verdict de culpabilité au motif qu'« il est déraisonnable ou ne peut pas s'appuyer sur la preuve/it is unreasonable or cannot be supported by the evidence […] ». Dans ses arrêts de principe R. c. Yebes et R. c. Biniaris, la Cour suprême enseigne qu'un verdict est déraisonnable ou ne peut s'appuyer sur la preuve que si un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant de manière judiciaire ne pouvait raisonnablement le rendre. Rappelant récemment la pertinence de ce critère dans R. c. W.H., le juge Cromwell écrit que le seul fait d'avoir un doute raisonnable, après l'examen du dossier, ne peut permettre à une cour d'appel de conclure au caractère déraisonnable du verdict :
[27]   La cour d’appel qui se penche sur le verdict de culpabilité prononcé par un jury doit respecter deux balises très nettes. D’une part, elle doit dûment prendre en compte la situation privilégiée du jury à titre de juge des faits ayant assisté au procès et entendu les témoignages. Elle ne doit ni devenir un « treizième juré », ni donner suite à un vague malaise ou à un doute persistant qui résulte de son propre examen du dossier, ni conclure au caractère déraisonnable du verdict pour le seul motif qu’elle a un doute raisonnable après examen du dossier.
[140]     Toujours dans R. c. W.H., la Cour suprême précise qu'une cour d'appel doit néanmoins évaluer la preuve, en s'appuyant sur son expérience judiciaire. Voici ce qu'en dit le juge Cromwell :
[28]   D’autre part, le tribunal d’appel ne peut se contenter d’apprécier le caractère suffisant de la preuve. Il ne s’acquitte pas de la tâche qui lui incombe en concluant qu’il existe des éléments de preuve qui, s’il leur est ajouté foi, étayent la déclaration de culpabilité. Il doit plutôt « examiner, [] analyser et, dans la mesure où il est possible de le faire compte tenu de la situation désavantageuse dans laquelle se trouve un tribunal d’appel, [] évaluer la preuve » (Biniaris, au par. 36) et se demander, à la lumière de son expérience, si « l’appréciation judiciaire des faits exclut la conclusion tirée par le jury » (par. 39, italique ajouté). Ainsi, pour déterminer si le verdict est de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire aurait raisonnablement pu rendre, le tribunal d’appel doit se demander non seulement si le verdict s’appuie sur des éléments de preuve, mais également si la conclusion du jury ne va pas à l’encontre de l’ensemble de l’expérience judiciaire (Biniaris, au par. 40).

Certains principes relatif à la plaidoirie du ministère public

Delisle c. R., 2013 QCCA 952 (CanLII)


[118]     L'appelant présente une série de critiques à l'endroit de la plaidoirie du ministère public. Il lui reproche d'avoir représenté faussement la preuve, d'avoir invité le jury à spéculer, d'avoir donné son avis personnel sur la crédibilité des témoins et d'avoir, selon lui, ridiculisé la position de l'appelant. Le juge n'aurait pas remédié adéquatement à ces irrégularités, ce qui aurait compromis le droit de l'appelant à un procès équitable.
[119]     Le ministère public rétorque qu'il est en droit d'argumenter et que son rôle ne se limite pas à résumer la preuve, comme semble le croire l'appelant. Il répond aux principaux reproches qui lui sont adressés, soulignant qu'il a rappelé maintes fois aux jurés qu'ils ne devaient pas se fier à son opinion et que la tâche d'apprécier les faits leur revenait. Le ministère public termine en notant que l'appelant a porté ces irrégularités alléguées à l'attention du juge lors du procès, qui a corrigé certaines d'entre elles, mais en a sciemment écarté d'autres, une décision qui mérite déférence.
[120]     Le juge Rand décrit le rôle du procureur du ministère public dans un passage maintes fois cité de l'arrêt Boucher c. R.  :
It cannot be over-emphasized that the purpose of a criminal prosecution is not to obtain a conviction, it is to lay before a jury what the Crown considers to be credible evidence relevant to what is alleged to be a crime. Counsel have a duty to see that all available legal proof of the facts is presented: it should be done firmly and pressed to its legitimate strength but it must also be done fairly. The role of prosecutor excludes any notion of winning or losing; his function is a matter of public duty than which in civil life there can be none charged with greater personal responsibility. It is to be efficiently performed with an ingrained sense of the dignity, the seriousness and the justness of judicial proceedings.
[121]     Ce rôle restreint la liberté du ministère public lorsqu'il s'adresse au jury dans son exposé final. Ces limites sont énoncées en ces termes par la Cour suprême dans l'arrêt Rose :
[107]   […] Dans cet exposé, le substitut du procureur général doit faire preuve de rigueur et d'objectivité. Il ne doit faire allusion à aucun fait qui n'a pas été établi et il ne peut présenter comme des faits à prendre en considération en vue de déclarer l'accusé coupable des affirmations pour lesquelles il n'y a pas de preuve ou qui sont fondées sur son observation et son expérience personnelle comme avocat. […] Lorsqu'il présente son exposé, le substitut du procureur général a le devoir de s'en tenir à la preuve et de limiter ses moyens de persuasion aux faits qui ont été déposés en preuve devant le jury; […]
[122]     Par contre, cela ne signifie pas que le ministère public ne peut pas s'efforcer de convaincre le jury de sa position, comme le fait remarquer la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. Daly :
A closing address is an exercise in advocacy. It is a culmination of a hard fought adversarial proceeding. Crown counsel, like any other advocate, is entitled to advance his or her position forcefully and effectively. Juries expect that both counsel will present their positions in that manner and no doubt expect and accept a degree of rhetorical passion in that presentation.
[123]     Pour décider si la Cour d'appel doit intervenir en raison d'une plaidoirie inappropriée du ministère public, il faut tenir compte à la fois de la plaidoirie et des directives finales du juge, dans l'objectif ultime de déterminer « whether the objectionable comments are seen to have deprived the accused of his right to a fair hearing on the evidence presented at trial ».

[136]     Il était certes inhabile de la part du procureur du ministère public de donner son opinion sur la crédibilité des témoins. De tels propos sont à éviter puisqu'il appartient au jury, et non aux avocats, de décider de la crédibilité des témoins. Or, cette technique n'est illégale que si le procureur suggère au jury que son opinion repose sur des faits dont il n'a pas connaissance, ou bien s'il invite le jury à suivre son opinion sur la foi de son autorité ou de son expérience. Il n'y a rien de tel en l'espèce, puisque le procureur a répété à plusieurs reprises au cours de sa plaidoirie que le jury était le seul maître des faits et de l'appréciation de la crédibilité des témoins. Dans ses directives finales, le juge a également rappelé au jury qu'il lui appartenait de décider des faits et de la crédibilité des témoins.

mardi 3 septembre 2013

L'exception au privilège: la «communication criminelle» (ou l'exception de crime)

Le Caporal Normand Leblanc c. Maranda, 2001 CanLII 15883 (QC CA)

Lien vers la décision

[69]           Le privilège constitue donc une immunité judiciaire contre la divulgation des communications privilégiées.  Toutefois, le privilège n'est pas absolu, comme l'a affirmé encore récemment la Cour suprême, notamment dans Jones c. Smith et R. c. McClure, précités.  L'une des exceptions reconnues depuis des siècles a trait aux communications du client dans le but de faciliter la perpétration d'une infraction, qui constituent en elles-mêmes une infraction; un client ne peut bénéficier du privilège s'il consulte un avocat pour pouvoir perpétrer plus facilement un crime ou une fraude (Solosky c. La Reine1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 R.C.S. 821, 835, 836; Descôteaux, précité, p. 894 etR. c. Campbell, précité, p. 605 à 612), et ce même à l'insu de l'avocat.  Le privilège ne peut servir d'écran au client qui utilise les services de son avocat dans la poursuite d'une fin illégale:  «… the privilege is designed to facilitate the administration of justice and is not intended to assist in the aiding or abetting of criminal activities».

Les exceptions du privilège entre avocat et client

Solosky c. La Reine, 1979 CanLII 9 (CSC), [1980] 1 RCS 821


Le privilège connaît des exceptions. Il ne s’appli­que pas aux communications qui n’ont trait ni à la consultation juridique ni à l’avis donné, c’est-à-dire, lorsque l’avocat n’est pas consulté en sa qualité professionnelle. De même, le privilège ne se rattache pas à une communication qui n’est pas censée être confidentielle, O’Shea v. Woods, à la p. 289. Plus significatif, si un client consulte un avocat pour pouvoir perpétrer plus facilement un crime ou une fraude, alors la communication n’est pas privilégiée et il importe peu que l’avocat soit une dupe ou un participant. L’arrêt classique est R. v. Cox and Railton, où le juge Stephen s’ex­prime en ces termes (p. 167): [TRADUCTION] «Une communication faite en vue de servir un dessein criminel ne «relève pas de la portée ordinaire des services professionnels.»

Une jurisprudence récente a placé la doctrine traditionnelle du privilège sur un plan nouveau. Le privilège n’est plus considéré seulement comme une règle de preuve qui fait fonction d’écran pour empêcher que des documents privilégiés ne soient produits en preuve dans une salle d’audience. Les tribunaux, peu disposés à restreindre ainsi la notion, ont élargi son application bien au-delà de ces limites

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Celui qui propose d'acheter une arme à feu ou de la drogue ne peut pas être reconnu coupable de trafic de cette chose

R. v. Bienvenue, 2016 ONCA 865 Lien vers la décision [ 5 ]           In  Greyeyes v. The Queen  (1997),  1997 CanLII 313 (SCC) , 116 C.C.C. ...