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mardi 4 mars 2014

La défense "de minimis non curat lex" et le contexte conjugal

Gosselin c. R., 2012 QCCA 1874 (CanLII)


[37]        Qu’en est-il de l’argument du de minimis non curat lex (« des petites choses la loi ne se soucie pas ») soulevé par l’appelant? Le geste fait par l’appelant est-il trop peu important pour justifier une condamnation dans les circonstances?

[38]        L’appelant qualifie de banal son geste en plaidant que retenir sa conjointe comme il l’a fait ne peut sérieusement être considéré comme des voies de fait dignes d’une accusation criminelle. En appui de cet argument, il cite un extrait de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Jobidon concernant un acte innocent posé par un parent à l’endroit de son enfant récalcitrant. Pour l’appelant, le contact entre conjoints en l’espèce est tout aussi trivial et, par conséquent, doit être également considéré comme innocent. Fait dans le cadre des rapports entre deux individus qui forment un couple, le geste ne peut, dit-il, justifier la qualification d’acte criminel.

[39]        L’argument de la banalité du geste est sans mérite.

[40]        Contrairement à ce que plaide l’appelant, il ne s’agit pas d’une violation technique de l’article 266 du Code criminel. Sur le plan théorique et pratique, l'application de la maxime de minimis non curat lex à une déclaration de culpabilité pour l'infraction des voies de fait s'avère toujours difficilement soutenable. Dans les faits de l'espèce, le juge ne pouvait écarter la preuve présentée devant lui en application du concept de minimis non curat lex. Les éléments de l’infraction sont ici clairement établis : l’acte de retenir Mme  V... a été fait de manière intentionnelle et la victime n’y a pas consenti. Même en l'absence de séquelles physiques, les actes de nature hostile posés dans un contexte de violence conjugale sont généralement considérés incompatibles avec une « défense » fondée sur de minimis.

[41]        De fait, le contexte conjugal fait voir que le geste de l’appelant est tout sauf un acte banal. Le professeur Glanville Williams expose les bases de l'application très exceptionnelle de la maxime de minimis dans le contexte de l'infraction d'assault en droit anglais en soulignant que le « contact social ordinaire » ne constitue pas des voies de fait. Or, cette exception ne peut s'appliquer à un acte hostile, commis à l'endroit d'une conjointe sans son consentement, comme l'acte posé par l'appelant. Son comportement n'est pas susceptible d'être qualifié d'« ordinary social contact » pour reprendre l'expression de l'auteur Williams.

[42]        Profitant de la confiance que procurent les rapports intimes qui caractérisent l'union conjugale, l’appelant retient physiquement sa conjointe sans son consentement d’une manière que, d’ordinaire, on ne ferait pas avec un étranger. Elle lui résiste et, avant l’intervention de M. Bélair, l’appelant ne la laisse pas aller. Il s’autorise, au nom de son statut de conjoint, à ignorer l’absence de consentement clairement manifestée par sa conjointe avec qui il est censé mener des relations d’égal à égal. Appliquer le concept de minimis non curat lex ici aurait l’effet pervers de ne pas tenir compte de l’absence de consentement de Mme  V... du seul fait qu’elle est la conjointe de l’accusé. Il aurait aussi l’effet pervers de nier le mal social – la violence conjugale – dont la conduite de l’appelant est une manifestation claire. Pour reprendre les mots de la Cour suprême dans Jobidon, « [l]e législateur n’a certainement pas voulu cette conséquence absurde ».

Quelques enseignements relatifs au droit à l'avocat découlant de l'arrêt Sinclair

R c Singh-Murray, 2011 NBCP 32 (CanLII)


J’aimerais me référer à la décision Sinclair, et à quelques paragraphes qu’elle contient, en commençant par le paragraphe 47 :

Alinéa 10b) -
et je cite :
Il faut interpréter l’al. 10b) de manière à respecter pleinement son objet d’étayer le droit du détenu, prévu par l’art. 7, de choisir de coopérer ou non à l’enquête policière. Normalement, une seule consultation, au moment de la mise en détention ou peu après celle-ci, suffit pour atteindre cet objectif. Le détenu peut ainsi obtenir les renseignements dont il a besoin pour faire un choix utile quant à savoir s’il coopérera ou non à l’enquête. Toutefois, comme il ressort de la jurisprudence, il peut se produire des faits nouveaux qui rendent nécessaire une deuxième consultation pour permettre à l’accusé d’obtenir les conseils dont il a besoin pour exercer son droit de choisir dans la nouvelle situation.

[3]      Je poursuis par le paragraphe 48 : 
Selon l’idée générale qui se dégage des arrêts où la Cour a reconnu un deuxième droit de consulter un avocat, le changement de circonstances tend à indiquer qu’une nouvelle consultation s’impose pour permettre au détenu d’obtenir les renseignements dont il a besoin pour choisir de coopérer ou non à l’enquête policière. On craint, en effet, que les conseils reçus initialement ne soient plus adéquats par suite du changement de situation ou des faits nouvellement révélés.

[4]      Je passe maintenant au paragraphe 53 :
Le principe général sur lequel reposent les arrêts examinés ci-dessus est le suivant : si le détenu a déjà reçu des conseils juridiques, la police a, dans le cadre de la mise en application, notamment l’obligation prévue à l’al. 10b) de lui fournir une possibilité raisonnable de consulter de nouveau un avocat si, par suite d’un changement de circonstances, cette mesure est nécessaire pour que soit réalisé l’objet de l’al. 10b) de la Charte de fournir au détenu des conseils juridiques quant à son choix de coopérer ou non à l’enquête policière.

[5]      Et je termine par le paragraphe 55 :
D’après la jurisprudence, le changement de circonstances doit être objectivement observable pour donner naissance à de nouvelles obligations pour la police en matière de mise en application. Il ne suffit pas que l’accusé affirme, après coup, qu’il n’avait pas bien compris ou qu’il avait besoin d’aide alors qu’il n’existe aucun élément objectif indiquant qu’une nouvelle consultation juridique était nécessaire pour lui permettre d’exercer un choix utile pour ce qui est de coopérer ou non à l’enquête policière.

TABLEAU DE PEINES CRIME D’INCENDIE/HOMICIDE - INVOLONTAIRE COUPABLE

 Hagan c. R., 2014 QCCA 387 (CanLII)



RÉFÉRENCE


FAITS SAILLANTS
FACTEURS AGGRAVANTS
FACTEURS ATTÉNUANTS
PEINE


R. v. Mathers,2012 BCSC 1980 (CanLII), 2012 BCSC 1980

L'accusé a versé de l'essence sur le porche d'une maison et y a mis le feu. Deux victimes se trouvant à l'intérieur ont été asphyxiées et ont été incapables de s'échapper. L'accusé ne s'est pas soucié de savoir si la maison était occupée et a exécuté le plan d'une autre personne. L'accusé est autochtone et a subi de nombreux abus durant sa vie.

1.  Les deux victimes sont décédées;
2.  Les gestes étaient délibérés;
3.  L'accusé a causé des lésions corporelles à son amie de cœur pour l'empêcher de témoigner auprès des policiers;
4.  Le casier judiciaire de l'accusé;
5.  Le risque de récidive élevé relaté dans les rapports de 2010-2011.

1.  L'histoire personnelle de l'accusé;
2.  L'âge de l'accusé lors de la commission du crime;
3.  Le fait que l'accusé semble maintenant sur le bon chemin;
4.  L'accusé semble atteint du syndrome de l'alcoolisme fœtal;
5.  La présence de remords.




14 ans

R. v. Issaky, 2012 ONSC 2420 (CanLII), 2012 ONSC 2420

L'accusé s'amusait avec son briquet et a décidé de mettre le feu à une décoration de Noël dans le corridor d'un immeuble à logements au milieu de la nuit du 24 décembre 2009. Il a ensuite quitté les lieux avec des amis. Deux femmes sont décédées des suites de l'incendie.

1.  Le crime a été commis alors que l'accusé était en liberté sous caution;
2.  L'insouciance des gestes commis par l'accusé;
3.  La prévisibilité objective des conséquences de ses actes tend à augmenter sa culpabilité morale;
4.  Les deux victimes sont décédées.
1.  Les deux plaidoyers de culpabilité de l'accusé;
2.  La présence de remords;
3.  Le bon potentiel de réhabilitation de l'accusé.

7 ans
R. v. Mason, 2012 MBCA 71 (CanLII), 2012 MBCA 71
L'accusé a délibérément, dans le but de blesser des gens, mis le feu à un divan dans une maison où se trouvaient neuf personnes. Il a ensuite quitté les lieux.

1.  Le fait que 2 victimes aient péri et qu'une autre souffre de brûlures importantes;
2.  Les antécédents judiciaires importants, dont 2 condamnations pour incendies criminels. Il a également 10 antécédents de violence;
3.  L'absence de remords;
4.  Le faible potentiel de réhabilitation.

1.  L'accusé a une intelligence limitée et est incapable de mesurer les conséquences de ses actes;
2.  L'accusé est une personne vulnérable.
25 ans

R. c. Dardere,2010 QCCQ 8553 (CanLII), 2010 QCCQ 8553

L’accusé a mis le feu à une pizzéria détenue par un ami proche dans le but de commettre une fraude. Le brasier qu’il a allumé s’est propagé rapidement et son ami n’a pu s’échapper.
1.  L’accusé a participé activement à l’incendie.
1.  L’absence d’antécédent.
2 ans et 8 mois
R. v. Ellahib,
2008 ABCA 281 (CanLII), 2008 ABCA 281
Deux toxicomanes engagés par l'appelant ont lancé un cocktail Molotov dans le salon d'une femme. Les deux enfants présents dans la maison ont été incapables de fuir. L'accusé a indiqué aux toxicomanes que personne ne se trouvait dans la maison. Les toxicomanes ont reçu des peines moins longues que l'accusé (15 et 16 ans).

1.  Les deux victimes décédées sont des enfants;
2.  L'accusé est l'instigateur du plan;
3.  Le casier judiciaire de l'accusé;
4.  La planification du crime;
5.  Les conséquences sur les parents des victimes.





1.  Les remords de l'accusé;
2.  La famille de l'accusé le soutient.
20 ans
R. c. Westover,
2007
QCCQ 6029
L'accusé et des complices avaient l'intention de mettre le feu à une maison dans le but de toucher une partie de la prime d'assurance. Cependant, en versant un accélérant par terre, une explosion s'est produite et un complice est décédé. Il a tenté de venir en aide à son ami, mais celui-ci est resté prisonnier des flammes et a péri dans « l'accident ».

1.  La planification et la préméditation;
2.  L'insouciance déréglée;
3.  L'appât du gain et l'implication importante dans le crime.
1.  Les regrets;
2.  La perte d'un ami;
3.  Les tentatives pour secourir la victime;
4.  L'arrêt de la consommation de stupéfiants depuis 2 ans.
6 ans
R. c. Langkamm, [2003] O.J. No 853
L’accusée, une femme de 65 ans vivant en colocation avec la victime, a mis le feu à un amas de papier en raison de sa frustration à l’égard de la victime. La victime a été brûlée sur 70 % de la surface de son corps et est décédée des suites de l’inhalation de fumée.




1.  L’âge de l’accusée (65 ans);
2.  L’état de santé fragile de l’accusée (problème pulmonaire, hypertension, dépression, anxiété et anémie);
3.  Absence d’antécédents judiciaires.
2 ans et demi

R. c. Charron, AZ-50141875

L’accusé était accusé de nombreux crimes, dont celui d’avoir incendié une maison où se trouvait une jeune adolescente qui a été gravement brûlée. Il agissait alors possiblement comme homme de main.

1.  L’accusé a commis l’incendie de sang-froid, agissant possiblement comme homme de main;
2.  L’accusé savait que quelqu’un se trouvait à l’intérieur de la maison et cette personne, une adolescente, a été gravement brûlée;
3.  Les crimes ont été perpétrés alors que l’accusé s’était engagé auprès de la cour à ne pas troubler la paix.
1.  L’accusé est jeune et a vécu une enfance difficile;
2.  Le plaidoyer de culpabilité;
3.  Le bon potentiel de réhabilitation.
7 ans
R. v. Trecartin,
[1993] N.B.J. No. 658
L'accusé s'est rendu à une maison à 5 h, afin d’y mettre le feu à l'aide d'essence, croyant que son propriétaire avait dénoncé un groupe de trafiquants de tabac. Trois enfants se trouvaient à l'intérieur. Deux ont réussi à s'échapper en se jetant du deuxième étage, mais le troisième est décédé.


1.  La victime est un enfant.
1.  Le crime n'était pas prémédité;
2.  L'accusé a tenté de savoir s'il y avait des gens à l'intérieur;
3.  L'accusé était probablement intoxiqué par l'alcool;
4.  Le passé difficile de l'accusé.
12 ans

R. c. Roberge, [1990] J.Q. No 491

L’accusé a allumé un incendie dans un immeuble, alors qu’il savait que des gens s’y trouvaient. Un homme et son jeune enfant sont décédés.

1.  L’accusé avait plusieurs antécédents d’incendies :
•         3 mois d’emprisonnement pour 5 incendies (1981);
•         4 ans d’emprisonnement pour 2 incendies (1982);
2.  L’incendie mortel a été allumé cinq jours après sa sortie de prison.

15 ans

R. v. Lamoureux, [1986] O.J. No. 2784

L’accusé avait de graves problèmes de santé mentale et problèmes personnels. Il possède un QI de 78 et a un trouble de la personnalité. Le juge croit que puisque l’accusé souffre de sérieux problèmes mentaux le rendant dangereux et puisqu’il ne peut pas être traité en institution, la peine appropriée est l’emprisonnement à vie. Il souligne que l’individu pourra être libéré lorsqu’il ne présentera plus un danger pour la société.
1.  L’accusé avait un antécédent d’incendie criminel.

Emprison-nement à perpétuité
Cantin c. R.,
AZ-82011010
L'accusé a mis le feu à une arche décorative faite de branches de sapin dans une salle communautaire où se trouvaient de nombreuses personnes. Une personne est décédée.

1.  L'individu n'est pas criminalisé;
2.  Le faible esprit coupable.
2 ans moins 1 jour

R. c. Charest, AZ-80021518

L’accusé a fait le guet pendant que son frère mettait le feu à un immeuble à logements. Un homme est mort des suites de l’incendie.
1.  L’accusé avait un antécédent récent (2 ans) d’incendie criminel (condamnation avec sursis et probation).

1.  Le crime n'était pas prémédité;
2.  L’accusé a déposé un plaidoyer de culpabilité;
3.  L’accusé avait un « potentiel mental limité ».







15 ans

R. v. Julian, [1973] N.S.J. No 235

L’accusé a bu une grande quantité d’alcool. Il s’est déshabillé à la plage et s’est ensuite rendu chez son beau-frère. Il l’a alors agressé et menacé sa belle-sœur d’agression sexuelle. Il a ensuite mis le feu à des vêtements dans une boite à souliers. Il a de nouveau attaqué son beau-frère une lampe de poche. Sa belle-sœur a quitté la maison pour aller chercher de l’aide, mais les enfants sont demeurés prisonniers de la maison qui s’était remplie de fumée.


1.  L’accusé a intentionnellement mis le feu à des vêtements en scandant : « Are you afraid to die? » à l’homme qu’il venait d’attaquer de nouveau;
2.  Plus tard, l’accusé a attaqué un agent de la police avec un couteau;
3.  Les trois enfants présents dans la maison ont été brûlés vifs.

20 ans


lundi 24 février 2014

L'accusé a un droit absolu de décider de l’ordre de présentation de ses témoins et aucune inférence négative ne peut être tirée du seul fait qu’un accusé témoigne en dernier

Vaillancourt c. R., 2013 QCCA 2167 (CanLII)

Lien vers la décision

[12]        Il est vrai, comme le rappelle la Cour dans l’affaire Kabamba, qu’un accusé a un droit absolu de décider de l’ordre de présentation de ses témoins. Il est vrai qu’en soi, aucune inférence négative ne peut être tirée du seul fait qu’un accusé témoigne en dernier, tout comme il est fait interdiction au juge du procès d’imposer l’ordre dans lequel l’accusé doit faire entendre ses témoins.

La portée du privilège générique relativement à la preuve matérielle

United States of America v. Berke, 2013 BCSC 619 (CanLII)


[26]        I am not satisfied that Mr. Berke has met the onus on him of showing that any of these documents are subject to solicitor-client privilege. The mere fact that they may have been sent to or received from a lawyer does not establish that they are privileged. As Gray J. put it in Keefer Laundry Ltd. v. Pellerin Milnor Corp., 2006 BCSC 1180 (CanLII), 2006 BCSC 1180 at para. 61:
A lawyer is not a safety-deposit box. Merely sending documents that were created outside the solicitor-client relationship and not for the purpose of obtaining legal advice to a lawyer will not make those documents privileged. Nor will privilege extend to physical objects or “neutral” facts that exist independently of clients’ communications. (R. v. Murray 2000 CanLII 22378 (ON SC), (2000), 48 O.R. (3d) 544, 186 D.L.R. (4th) 125.)

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Une agression sexuelle peut être commise même en l’absence d’un contact physique proprement dit, car la menace ou la tentative d'employer la force suffise pour entraîner la culpabilité de l'accusé

R. v. Edgar, 2016 ONCA 120  Lien vers la décision [ 10 ]        To commit a sexual assault, it was not necessary for the appellant to touch ...