Gosselin c. R., 2012 QCCA 1874 (CanLII)
[37] Qu’en est-il de l’argument du de minimis non curat lex (« des petites choses la loi ne se soucie pas ») soulevé par l’appelant? Le geste fait par l’appelant est-il trop peu important pour justifier une condamnation dans les circonstances?
[38] L’appelant qualifie de banal son geste en plaidant que retenir sa conjointe comme il l’a fait ne peut sérieusement être considéré comme des voies de fait dignes d’une accusation criminelle. En appui de cet argument, il cite un extrait de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. Jobidon concernant un acte innocent posé par un parent à l’endroit de son enfant récalcitrant. Pour l’appelant, le contact entre conjoints en l’espèce est tout aussi trivial et, par conséquent, doit être également considéré comme innocent. Fait dans le cadre des rapports entre deux individus qui forment un couple, le geste ne peut, dit-il, justifier la qualification d’acte criminel.
[39] L’argument de la banalité du geste est sans mérite.
[40] Contrairement à ce que plaide l’appelant, il ne s’agit pas d’une violation technique de l’article 266 du Code criminel. Sur le plan théorique et pratique, l'application de la maxime de minimis non curat lex à une déclaration de culpabilité pour l'infraction des voies de fait s'avère toujours difficilement soutenable. Dans les faits de l'espèce, le juge ne pouvait écarter la preuve présentée devant lui en application du concept de minimis non curat lex. Les éléments de l’infraction sont ici clairement établis : l’acte de retenir Mme V... a été fait de manière intentionnelle et la victime n’y a pas consenti. Même en l'absence de séquelles physiques, les actes de nature hostile posés dans un contexte de violence conjugale sont généralement considérés incompatibles avec une « défense » fondée sur de minimis.
[41] De fait, le contexte conjugal fait voir que le geste de l’appelant est tout sauf un acte banal. Le professeur Glanville Williams expose les bases de l'application très exceptionnelle de la maxime de minimis dans le contexte de l'infraction d'assault en droit anglais en soulignant que le « contact social ordinaire » ne constitue pas des voies de fait. Or, cette exception ne peut s'appliquer à un acte hostile, commis à l'endroit d'une conjointe sans son consentement, comme l'acte posé par l'appelant. Son comportement n'est pas susceptible d'être qualifié d'« ordinary social contact » pour reprendre l'expression de l'auteur Williams.
[42] Profitant de la confiance que procurent les rapports intimes qui caractérisent l'union conjugale, l’appelant retient physiquement sa conjointe sans son consentement d’une manière que, d’ordinaire, on ne ferait pas avec un étranger. Elle lui résiste et, avant l’intervention de M. Bélair, l’appelant ne la laisse pas aller. Il s’autorise, au nom de son statut de conjoint, à ignorer l’absence de consentement clairement manifestée par sa conjointe avec qui il est censé mener des relations d’égal à égal. Appliquer le concept de minimis non curat lex ici aurait l’effet pervers de ne pas tenir compte de l’absence de consentement de Mme V... du seul fait qu’elle est la conjointe de l’accusé. Il aurait aussi l’effet pervers de nier le mal social – la violence conjugale – dont la conduite de l’appelant est une manifestation claire. Pour reprendre les mots de la Cour suprême dans Jobidon, « [l]e législateur n’a certainement pas voulu cette conséquence absurde ».
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