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jeudi 7 avril 2016

L'état de santé et la requête pour procès séparé

R. c. Bélanger, 2002 CanLII 11175 (QC CS)


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[10]            Le 2 août 2002, le requérant présentait la présente demande qui vise à l'obtention d'un procès séparé et à sa remise en liberté par voie judiciaire. Il allègue que son état de santé est devenu à ce point «pitoyable» qu'il ne peut plus, tant intellectuellement que physiquement, suivre son procès et supporter l'incarcération.


[14]            Cela étant, la preuve de l'état de santé du requérant est non équivoque et n'a pas été contestée par la poursuite. Les trois rapports d'expertise déposés au dossier et le témoignage de la Dre Louise Clément sont convergents. M. Bélanger souffre d'une cirrhose causée par une infection à l'hépatite B, il est porteur du virus HIV, il est diabétique et souffre d'hypertension. Il a en sus subi deux infarctus. Le pronostic est très réservé, ce qui, en langage médical, signifie qu'il décédera à court terme. La Dre Clément a indiqué que le délai normal est de six mois, un an représentant un terme maximum. Elle a précisé que le requérant est parfaitement au courant de ce fait.
[15]            La Dre Clément a expliqué que M. Bélanger a une maladie sévère du foie qui est en progression inexorable et pour laquelle la médecine ne peut plus rien. Elle a indiqué que son état se détériore, ayant pu constater ce fait lors des quatre rencontres qu'elle a eues avec lui depuis juin 2002. D'ailleurs, le soussigné a lui-même constaté une nette détérioration de l'apparence physique du requérant depuis qu'il est saisi du dossier.
[16]            La Dre Clément a également expliqué que M. Bélanger développe de l'ascite qui fait enfler l'abdomen, lequel doit être ponctionné régulièrement, atteignant la dimension de celui d'une femme en fin de grossesse. Deux ponctions ont eu lieu dans la dernière quinzaine, deux litres de liquide étant retirés la première fois et quatre la seconde. Le renflement causé par la maladie a pour effet de comprimer le poumon et le muscle du poumon, causant un problème respiratoire. Par ailleurs, la dysfonction du foie cause un ralentissement psychomoteur qui peut affecter la conscience et les facultés cognitives et causer un état de fatigue. Le requérant souffre en sus de fonte musculaire et de cachexie, comme un patient en maladie terminale.
[17]            La Dre Clément a résumé la situation en indiquant que M. Bélanger est dans un état quasi-grabataire. Durant l'argumentation, les parties ont reconnu que ce dernier ne pourrait vraisemblablement pas supporter plus qu'une heure d'audition par jour.
[22]            Quant à la requête pour procès séparé, la Cour rappelle que le paragraphe 591(3) du Code précise qu'une ordonnance à cet effet doit être rendue si le juge est convaincu que «les intérêts de la justice l'exigent». Il faut donc déterminer si le requérant a satisfait son fardeau de preuve à cet égard. Le cas échéant, le soussigné devra statuer sur la demande de mise en liberté en se fondant sur la compétence que lui confère le paragraphe 522(1) et le sous-alinéa 523(2)c)(ii) du Code. Dans l'hypothèse contraire, sa compétence découlerait du sous-alinéa 523(2)c)(iii).
ANALYSE
[23]            Eu égard à la demande de procès séparé, la Cour rappelle d'entrée de jeu que les personnes engagées dans une entreprise commune doivent normalement subir leur procès conjointement (R. c. Crawford1995 CanLII 138 (CSC)[1995] 1 R.C.S. 858). Généralement, on a recours à cette procédure lorsqu'une preuve admissible contre un accusé ne l'est pas contre le requérant et que son utilisation pourrait lui causer un préjudice sérieux, ou lorsque celui-ci a besoin du témoignage de son présumé complice dans le cadre de sa défense (voir Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénale, (9e éd.), Thémis, Montréal, 2002, par. 1763).
[24]            La Cour n'a pu trouver de précédent jurisprudentiel relativement à une situation identique à la présente, alors qu'un des accusés ne peut se soumettre au rythme normal du procès. Cela étant, le soussigné n'a aucune hésitation à conclure qu'une ordonnance de procès séparé servirait «les intérêts de la justice». En effet, le présent procès durera environ neuf mois. Or, la preuve démontre clairement que l'état de santé de M. Bélanger l'empêcherait de participer au procès à un rythme normal, ne pouvant guère supporter plus d'une heure d'audition par jour (voir le paragraphe 17 des présentes). Rejeter la demande du requérant aurait en fait pour effet de quadrupler ou quintupler la durée des auditions, rendant la tenue du procès virtuellement impossible. D'ailleurs, la poursuite n'a pas véritablement contesté la requête. La Cour conclut donc que M. Bélanger doit subir son procès séparément des autres accusés.

mercredi 2 mars 2016

Divulgation tardive d'un rapport d’expertise

R. c. Tshiamala, 2013 QCCS 7021 (CanLII)

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[19]        Qu’en est-il de la divulgation du rapport d’expertise de madame Martine Bazinet,  qui a analysé cette preuve ? Le rapport, daté du 13 septembre 2013, a été divulgué à Me Couture trois jours plus tard.

[20]        Tel qu’indiqué, la défense ne soulève pas l’obtention des éléments de preuve en violation des droits ou libertés garantis par laCharte; par conséquent, l’article 24(2) ne s’applique pas; R. c. Harrer1995 CanLII 70 (CSC)[1995] 3 R.C.S. 562, par. 42.

[21]        La défense demande l’exclusion du rapport d’expertise selon l’article 24(1).

[22]         Avant d’avoir droit à une réparation selon l’article 24(1), la partie qui la demande - en l’espèce, l’accusé - doit prouver une violation de ses droits garantis par la Charte

[23]        L’article 7 de la Charte protège le droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière, un principe de justice fondamentale. La Couronne doit lui communiquer l’ensemble des renseignements pertinents et non privilégiés en temps opportun pour qu’il ait une occasion suffisante pour répondre à la preuve de la Couronne; R. c. Stinchcombe1991 CanLII 45 (CSC)[1991] 3 R.C.S. 326, pp. 345-346;  R. c. Carosella, 1997 CanLII 402 (CSC)[1997] 1 R.C.S. 80, par. 37; R. c. Horan2008 ONCA 589 (CanLII), par. 26.

[24]        Par contre, l’omission, par la Couronne, de divulguer tous les renseignements ne constitue pas, en soi, une violation de l’article 7.  Il se peut que les renseignements non divulgués ne compromettent pas  l’équité du procès; R. c. Bjelland,  2009 CSC 38 (CanLII)[2009] 2 R.C.S. 651, par. 21; R. c. Dixon1998 CanLII 805 (CSC)[1998] 1 R.C.S. 244, par. 23, 24.

[25]        Évidemment dans le présent cas, le prélèvement de substances corporelles et le rapport d’expertise qui suit, sont des preuves pertinentes.

[26]        L’accusé doit prouver, sur une prépondérance de probabilités que ses droits garantis par l’article 7 ont été violés ; R. c. Dixon, précité, par. 32; R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (CSC)[1987] 1 R.C.S. 265, p. 277.

[27]        Nonobstant l’obligation de la Couronne de divulguer la preuve, la défense a un rôle à jouer également. La défense ne doit pas rester passive, surtout lorsqu’elle est déjà au courant de la nature d’une preuve que la Couronne n’a pas divulgué en temps opportun. La défense doit donc réclamer de manière diligente, à la Couronne, la divulgation en temps opportun. L’observation de cette règle permettrait au juge du procès, de remédier, si possible, à tout préjudice causé à l’accusé. Si l’avocat de la défense ne fait rien en raison d’une décision tactique ou d’un manque de diligence raisonnable, et ne tente pas d’obtenir la communication de cette preuve en temps opportun, il est difficile pour les tribunaux de retenir un argument selon lequel l’omission de divulguer ou la divulgation tardive nuit à l’équité du procès ou cause un préjudice;   R. c. Dixon, précité, par. 37, 38; R. c. Stinchcombe, précité, p. 341; R. c. Bramwell (1996), 1996 CanLII 352 (BC CA)106 C.C.C. (3d) 365 (C.A. C.B.), conf. par 1996 CanLII 156 (CSC)[1996] 3 R.C.S. 1126), p. 374.

[28]        Dans des cas où la divulgation tardive de la preuve viole l’article 7 et afin d’avoir droit à une réparation en vertu de l’article 24(1), l’accusé devra généralement faire la preuve « d’un préjudice véritable » quant à la possibilité pour lui de présenter une défense pleine et entière; R. c. O’Connor1995 CanLII 51 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 411, par. 74;                        R. c. Bjelland, précité, par. 21; R. c. Carosella,précité, par. 37.

[29]         Le préjudice allégué doit être important et non pas insignifiant; R. c. Bjelland,  précité, par. 26.

[30]        L’article 7 de la Charte garantit le droit à un procès équitable; il ne donne pas à l’accusé le droit de bénéficier des procédures les plus favorables que l'on puisse imaginer; R. c. Lyons1987 CanLII 25 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 309, par. 88. « Le procès équitable est celui qui répond à l’intérêt qu’a le public à connaître la vérité, tout en préservant l’équité fondamentale en matière de procédure pour l’accusé »; R. c. Harrer, précité, par. 45.

[31]        Le Tribunal doit se demander si le préjudice causé à l’accusé - s’il y en a un - peut être corrigé sans exclure les éléments de preuve et dénaturer ainsi la fonction de recherche de vérité des procès criminels; R. c. Bjelland, précité, par. 3.

[32]        En présence d’une violation de l’article 7 de la Charte, pour cause de divulgation tardive de la preuve, il faut s’assurer que le préjudice causé à l’accusé par l’utilisation de cette preuve ne rend pas le procès inéquitable ou mine autrement l’intégrité du système de justice. Ce n’est que lorsque le préjudice ne peut être remédié en ordonnant l’ajournement du procès que la réparation, plus draconienne, d’exclusion des éléments de preuve serait convenable et juste selon l’article 24(1); par exemple, si le procès d’un accusé qui est détenu subissait, pour cette raison, un délai déraisonnable; R. c. Bjelland, précité, par. 3, 19, 26, 27; R. c. Horan, précité, par. 31.

[33]        En ce qui concerne le remède d’exclusion d’éléments de preuve divulgué tardivement, la Cour suprême, dans R. c. Bjelland, précité, par. 24, a dit :
Ainsi, un juge de première instance ne devrait écarter des éléments de preuve communiqués tardivement que dans des cas exceptionnels : a) lorsque la communication tardive rend le procès inéquitable et qu’il ne peut être remédié à cette iniquité grâce à un ajournement et à une ordonnance de communication ou b) lorsque l’exclusion est nécessaire pour maintenir l’intégrité du système de justice.  Puisque l’exclusion d’éléments de preuve a une incidence sur l’équité du procès du point de vue de la société, dans la mesure où elle entrave la fonction de recherche de la vérité du procès, lorsque le juge du procès peut concevoir une réparation convenable — pour pallier la communication tardive — qui ne prive pas l’accusé de l’équité procédurale et lorsque l’utilisation des éléments de preuve ne porte par (sic) autrement atteinte à l’intégrité du système de justice, il ne sera ni convenable ni juste de les exclure en application du par. 24(1).
voir aussi, Giroux c. R., 2007 QCCA 1443 (CanLII), par. 43-68; Bernier c. R., 2007 QCCA 1061 (CanLII), par. 44-59; R. c. Spackman2012 ONCA 905 (CanLII) ; R. c. Tomlinson[2008] O.J. No. 817 (C.S.).

[34]        Dans sa requête, Tshiamala allègue :
                     que le rapport d’expertise ferait en sorte que la Couronne « serait en                                     meilleure position qu’elle ne l’était au premier procès »;
                     que l’admission en preuve dudit rapport « sans contre-expertise, romprait l’équité du procès »;
                     que « la confection d’une contre-expertise dans un domaine hautement technique, causerait d’importants délais dans un second procès qui en compte déjà beaucoup ».

[35]        Le Tribunal souligne que le procès devant le jury n’a pas encore débuté. Le rapport d’expertise, communiqué tardivement selon la défense (le 13 septembre 2013), peut toujours être examiné avant l’ouverture du procès devant jury. Est-ce que Tshiamala a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que cette divulgation tardive porterait atteinte à son droit à une défense pleine et entière ?

[44]        Le système de justice criminelle est de nature accusatoire et donc, sujet à la contestation. Pour que le système fonctionne efficacement et équitablement, l’avocat de la défense doit faire preuve de diligence raisonnable en réclamant activement la divulgation par la Couronne. 

[45]        En examinant l’équité globale du procès, il faut tenir compte de la diligence dont l’avocat de l’accusé, en tant qu’officier de justice, a fait preuve en tentant d’obtenir la divulgation en temps opportun et en posant les gestes nécessaires, s‘il y a lieu, après l’avoir reçue. Le manque de diligence raisonnable est un facteur important pour déterminer si la divulgation tardive nuit à l’équité du procès; R. c. Dixon, précité, par. 37.

[46]        Le Tribunal souligne qu’aucune inconduite ne peut être attribuée à la Couronne relativement aux questions en litige en l'espèce.

[47]        La preuve contestée est hautement pertinente et par ailleurs admissible, et ne doit pas être exclue selon les règles de la common lawR. c. Harrer, précité, par. 21, 23, 41, 42.

[48]        Dans les circonstances actuelles, il serait exagéré de suggérer que l’article 7 a été violé, qu’un préjudice a été causé à l’accusé et donc, que le rapport d’expertise de l’experte de la Couronne doit être exclu de la preuve au procès.

Crime Scene Investigation - A Guide For Law Enforcement

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http://www.nist.gov/forensics/upload/Crime-Scene-Investigation.pdf

jeudi 18 février 2016

La diligence de l'avocat de la défense dans le cadre de la divulgation de la preuve / L'appréciation de l'allégation de divulgation tardive

R. c. Tshiamala, 2013 QCCS 7021 (CanLII)


[27]        Nonobstant l’obligation de la Couronne de divulguer la preuve, la défense a un rôle à jouer également. La défense ne doit pas rester passive, surtout lorsqu’elle est déjà au courant de la nature d’une preuve que la Couronne n’a pas divulgué en temps opportun. La défense doit donc réclamer de manière diligente, à la Couronne, la divulgation en temps opportun. L’observation de cette règle permettrait au juge du procès, de remédier, si possible, à tout préjudice causé à l’accusé. Si l’avocat de la défense ne fait rien en raison d’une décision tactique ou d’un manque de diligence raisonnable, et ne tente pas d’obtenir la communication de cette preuve en temps opportun, il est difficile pour les tribunaux de retenir un argument selon lequel l’omission de divulguer ou la divulgation tardive nuit à l’équité du procès ou cause un préjudice;   R. c. Dixon, précité, par. 37, 38; R. c. Stinchcombe, précité, p. 341; R. c. Bramwell (1996), 1996 CanLII 352 (BC CA)106 C.C.C. (3d) 365 (C.A. C.B.), conf. par 1996 CanLII 156 (CSC)[1996] 3 R.C.S. 1126), p. 374.

[28]        Dans des cas où la divulgation tardive de la preuve viole l’article 7 et afin d’avoir droit à une réparation en vertu de l’article 24(1), l’accusé devra généralement faire la preuve « d’un préjudice véritable » quant à la possibilité pour lui de présenter une défense pleine et entière; R. c. O’Connor1995 CanLII 51 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 411, par. 74;                        R. c. Bjelland, précité, par. 21; R. c. Carosella,précité, par. 37.

[29]         Le préjudice allégué doit être important et non pas insignifiant; R. c. Bjelland,  précité, par. 26.

[30]        L’article 7 de la Charte garantit le droit à un procès équitable; il ne donne pas à l’accusé le droit de bénéficier des procédures les plus favorables que l'on puisse imaginer; R. c. Lyons1987 CanLII 25 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 309, par. 88. « Le procès équitable est celui qui répond à l’intérêt qu’a le public à connaître la vérité, tout en préservant l’équité fondamentale en matière de procédure pour l’accusé »; R. c. Harrer, précité, par. 45.
[31]        Le Tribunal doit se demander si le préjudice causé à l’accusé - s’il y en a un - peut être corrigé sans exclure les éléments de preuve et dénaturer ainsi la fonction de recherche de vérité des procès criminels; R. c. Bjelland, précité, par. 3.

[32]        En présence d’une violation de l’article 7 de la Charte, pour cause de divulgation tardive de la preuve, il faut s’assurer que le préjudice causé à l’accusé par l’utilisation de cette preuve ne rend pas le procès inéquitable ou mine autrement l’intégrité du système de justice. Ce n’est que lorsque le préjudice ne peut être remédié en ordonnant l’ajournement du procès que la réparation, plus draconienne, d’exclusion des éléments de preuve serait convenable et juste selon l’article 24(1); par exemple, si le procès d’un accusé qui est détenu subissait, pour cette raison, un délai déraisonnable; R. c. Bjelland, précité, par. 3, 19, 26, 27; R. c. Horan, précité, par. 31.

[33]        En ce qui concerne le remède d’exclusion d’éléments de preuve divulgué tardivement, la Cour suprême, dans R. c. Bjelland, précité, par. 24, a dit :
Ainsi, un juge de première instance ne devrait écarter des éléments de preuve communiqués tardivement que dans des cas exceptionnels : a) lorsque la communication tardive rend le procès inéquitable et qu’il ne peut être remédié à cette iniquité grâce à un ajournement et à une ordonnance de communication ou b) lorsque l’exclusion est nécessaire pour maintenir l’intégrité du système de justice.  Puisque l’exclusion d’éléments de preuve a une incidence sur l’équité du procès du point de vue de la société, dans la mesure où elle entrave la fonction de recherche de la vérité du procès, lorsque le juge du procès peut concevoir une réparation convenable — pour pallier la communication tardive — qui ne prive pas l’accusé de l’équité procédurale et lorsque l’utilisation des éléments de preuve ne porte par (sic) autrement atteinte à l’intégrité du système de justice, il ne sera ni convenable ni juste de les exclure en application du par. 24(1).
voir aussi, Giroux c. R., 2007 QCCA 1443 (CanLII), par. 43-68; Bernier c. R., 2007 QCCA 1061 (CanLII), par. 44-59; R. c. Spackman2012 ONCA 905 (CanLII) ; R. c. Tomlinson[2008] O.J. No. 817 (C.S.).

samedi 6 février 2016

Saisir un message texte déjà transmis n'équivaut pas à une interception nécessitant une autorisation d'écoute électronique

R. v. Belcourt, 2015 BCCA 126 (CanLII)

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[42]        In my opinion, it is necessary to closely examine the nature of the private communications sought to be obtained in this case to determine the appropriate form of authorization required.
[43]        The text messages in question were transmitted and received on or before March 3, 2010. More than 30 days passed before the judicial authorization to seize the stored copies was granted. In my opinion, it is illogical to characterize a technique that seeks production of stored messages as “prospective”.
[45]        I readily concede that the acquisition of a text message by the police in this interim transit period could constitute an interception within the plain meaning of the word. However, this is because the recipient has yet to receive the message, and may never receive the message. In stepping between a sender and recipient to acquire a message and its content before it is received, and when it may never be received, the police are “intercepting” the message in the most literal sense of the word.
[46]         The distinctive feature of the police investigation discussed above is that they interject themselves in the communication process by using an investigative technique that comes between the sender and receiver of a message. As I discuss below, and as Moldaver J. observes in his reasons in Telus,this is exactly the type of technique that Part VI authorization was meant to encompass. This investigative technique, however, is different from the case where the police seek to obtain a stored electronic record of a text message after it has been sent and received.
[47]        The detailed requirements found in Part VI exist to address the fact that the evidence sought to be acquired by the police has not yet come into existence at the time that the judicial authorization for its acquisition is being sought: see R. v. Finlay (1985), 1985 CanLII 117 (ON CA)23 C.C.C. (3d) 48 (Ont. C.A.) at 63-64. Indeed, the constitutionality of Part VI derives from the safeguards that are imposed by the role of the judge granting the authorization, which exist because of the danger that the interception of private communications could easily transform into a fishing expedition: Finlay78; see also R. v. Araujou2000 SCC 65 (CanLII)[2000] 2 S.C.R. 992 at para. 29. Put simply, it is inherent in the nature of Part VI authorization that the investigative technique to be utilized by the police is prospective, which requires a distinct form of judicial authorization in comparison to other search warrant provisions. In my view, applying Part VI to evidence already in existence is a misapprehension of the form of authorization provided for in that section of the Code.
[48]        It is a necessary consequence of the very nature of the scheme that is set out in Part VI that any retrospective investigation technique is outside its ambit. In contrast to the prospective operation of Part VI, search warrants, whether part of the Code or another Act of Parliament, may not be issued in anticipation of an event or situation in the future which (if it existed in the present) would justify issuing a search warrant: see e.g., R. v. Cameron(1984), 1984 CanLII 474 (BC CA)16 C.C.C. (3d) 240 (B.C.C.A.) at 242. On this point, it is important to note that the law regarding search warrants applies to production orders: see e.g., Canadian Broadcasting Corp. v. Manitoba (Attorney General) (2009), 2009 MBCA 122 (CanLII)250 C.C.C. (3d) 61 (Man. C.A.).
[49]        The requirement that the search warrant only pertain to the search and seizure of specified things already in existence is essential to the operation of the safeguards inherent in the authorization scheme common to s. 487, including s. 487.012 (i.e., that there are reasonable grounds to believe that the specified articles to be seized “will afford evidence with respect to the commission of an offence”): see e.g., CanadianOxy Chemicals Ltd. v. Canada (Attorney General)1999 CanLII 680 (SCC)[1999] 1 S.C.R. 743.
[50]        As I have said, the acquisition of stored, historical communications is not, and cannot be, prospective. As a result, it is outside the ambit of Part VI of the Code to require that existing communications stored in electronic form be authorized under that sectionIn my view, requiring Part VI authorization for acquisitions of evidence already in existence is inconsistent with the law of search and seizure in Canada.
[52]        The mischief created by an overly broad application of the reasons in Telus is exemplified by R. v. Sandhu, 2014 BCSC 303. In that case, the court found that text messages sent by an accused and received and stored on the phone of an extortion victim were “intercepted” when read much later by the police. In my opinion, such a finding is clearly beyond the scope contemplated by the decision in Telus. With respect, the court in Sandhu focused too narrowly on the purported nature of the intrusion by the police into the privacy interest of the accused without regard to the character of the evidence that the police sought to acquire to aid in their investigation.
[53]        As the Crown points out in its factum, the reasoning in Sandhu is problematic because it would have the effect of requiring Part VI authorization for a plethora of investigative techniques that, as yet, have not and have never required such authorization. As a general principle, I consider the court inSandhu erred in failing to closely consider the nature of the evidence sought to be obtained by police or the investigative technique to be used in obtaining the evidence. This error misdirected the court, resulting in an overbroad interpretation of Part VI.
[54]        The nature of the intrusion by an investigative technique into the privacy interest of the target of an investigation does not, by itself, determine the appropriate form of authorization required for the police to lawfully seize evidence relevant to an investigation. For example, it is well-established that the privacy interests that are at issue in personal and workplace computers is substantial: see e.g., R. v. Morelli, 2010 SCC 8 (CanLII), at para. 105R. v. Cole2012 SCC 53 (CanLII)[2012] 3 S.C.R. 34 at para. 3. That does not mean, however, the general search and seizure provision in s. 487 is inadequate for the purpose of ensuring that the state intrusion into the privacy of the investigation target is justified. The appropriate form of authorization is determined by the nature of the evidence sought to be acquired by the police and the type of investigative technique to be used in acquiring it. This explains the separate schemes for the production of data or documents held by third parties (s. 487.012), the production of financial data or documents in particular (s. 487.013) and the acquisition of bodily (DNA) samples (ss. 487.05-487.091). Where the question concerns the proper form of prior judicial authorization, it is imperative to pay close attention to the evidence that the police seek to acquire.
[55]         In conclusion, I would not give effect to the argument that the use of a production order in the circumstances of this case constituted a breach of Belcourt’s privacy rights under the Charter. Privacy rights are not absolute. In this case, the acquisition of the historical text messages by police was authorized by law by way of s. 487.012. No issue has been raised as to the reasonableness of that provision and, as I discuss below, there is no issue as to the reasonableness of the search conducted by police. Consequently, there has been no Charter breach: see Collins v. The Queen1987 CanLII 84 (SCC),[1987] 1 S.C.R. 265.
[59]        As a result of that information, the production orders were directed at two specific telephone numbers and all incoming and outgoing calls made to and from those numbers within a particularly narrow period of time. The issuing judge also attached four conditions to the order, including the non-production of data subject to solicitor-client privilege, and the non-production of “mail” (which I understand to mean the messages themselves) unless or until it is delivered or deemed by law to have been delivered to the addressee (which addresses the concern regarding the status of messages that might be “in transit” at the time the production order is pronounced).
[60]        The foregoing authorization cannot be said to be overbroad. It clearly establishes that the police had reasonable grounds to believe that the specific information mentioned in the ITO would be found in the sought-after text message communications, which satisfies the requirement in s. 487.012(3)(b). There is a clear evidentiary nexus between those items sought to be disclosed under the production order and the offence which was being investigated by the police. As a result, there is no question that the judge could have, on the basis of the ITO, determined whether the text messages were “relevant or rationally connected to the incident under investigation”: CanadianOxy Chemicals Ltd. at 750-751.
[61]        I note that, in any event, the production order in this case clearly provided the voir dire judge with sufficient material to assess whether the police had adequate grounds for seizing the text messages. The materials included information on the following matters: the facts relied upon to justify a belief that the authorization sought be given together with the particulars of the offence under investigation; the type of private communication that was to be acquired by the police; the identity of all known persons of whose private communications there were reasonable grounds to believe may assist with the investigation of the offence; along with a description of the sought-after messages and the proposed mode of acquiring them; and the period of time over which access to the communication was sought. This is the kind of evidence that would have been adduced to obtain authorization under Part VI (see s. 185(1)(c)-(g)). In this regard, it is difficult, in my view, to say that Belcourt did not have the benefit of a probing inquiry into whether an intrusion into his constitutionally protected privacy interest was warranted by public interest in having the police investigate a criminal offence: see e.g., Araujo at para. 29.
[62]        Finally, in my opinion, the search conducted, pursuant to the production order, was not the kind of intrusive search discussed in R. v. Vu2013 SCC 60 (CanLII).
[63]        The Court in Vu was concerned with the issue of whether the doctrine that permitted police to search any receptacle in a location authorized for search included the authorization to search any computer or cellar device that the police found at that location. The Court concluded that prior authorization was required for the police to search the computer or cellular device discovered in the execution of a search warrant: Vu at paras. 40-45. Prior and specific authorization was required on account of the substantial privacy interest that attaches to information stored on a computer or cell phone.
[64]        In this case, the police had the kind of prior authorization that the Court in Vu held was required so as to ensure that the state’s interest in conducting the search justifies the intrusion into individual privacy on the basis of the production orders issued for the text messages under s. 487.012. As I described above, the search was otherwise reasonable and authorized by law. It was, therefore, not intrusive.

Il n'existe aucune obligation pour la poursuite de faire entendre des témoins

R. c. Cook, [1997] 1 RCS 1113, 1997 CanLII 392 (CSC)



23.                     On allègue que l’obligation du ministère public de citer tous les témoins disponibles tirerait son origine de l’arrêt du Conseil privé Seneviratne c. R.[1936] 3 All E.R. 36.  Dans cette affaire, l’accusé avait été inculpé pour le meurtre de son épouse.  Le ministère public, dans le cours de la présentation de sa preuve, avait cité de nombreux témoins oculaires à témoigner.  En plus, il avait tenté de présenter, à titre de corroboration, une preuve par ouï‑dire provenant de nombreuses autres personnes.  Celles-ci étaient toutes sur la liste des personnes que la défense avait l’intention de faire témoigner.

24.                     L’accusé avait allégué que le ministère public avait l’obligation de citer chacun de ces témoins comme partie de sa preuve, étant donné qu’ils étaient tous des témoins oculaires du crime.  Bien que le Conseil privé ait finalement accueilli l’appel de l’accusé sur une question restreinte, non pertinente ici, il a carrément rejeté l’argument plus général de l’accusé et affirmé qu’il n’existait pas de règle imposant une obligation de citer tous les témoins oculaires d’un crime (aux pp. 48 et 49):


[TRADUCTION]  Leurs Seigneuries ne désirent pas établir de règle pour entraver l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans une affaire comme la présente, parce que chaque affaire est un cas d’espèce.  Encore moins veulent‑elles décourager ceux qui sont chargés des poursuites de faire preuve de la plus grande franchise et du plus grand sens de l’équité; mais, par ailleurs, elles ne peuvent pas, pour parler de façon générale, approuver l’idée que la poursuite doit citer tous les témoins, quels qu’en soient le nombre et la crédibilité, ou que la poursuite devrait se charger à la fois de poursuivre et de défendre.  S’il en est ainsi, il en résultera de la confusion à coup sûr, surtout si la poursuite cite des témoins et qu’elle s’empresse presque automatiquement de les discréditer par un contre‑interrogatoire.  Les témoins essentiels pour la narration de l’histoire sur laquelle la poursuite se fonde doivent, évidemment, être cités par le ministère public, que le résultat de leur témoignage soit favorable ou non à la poursuite.  [Je souligne.]

25.                     Cet obiter qui visait apparemment à clarifier le droit existant dans ce domaine, n’a pas eu entièrement l’effet escompté.  Au contraire, il semble avoir créé encore davantage de confusion.  Ce sont principalement les deux passages que j’ai soulignés qui ont donné lieu, lorsque mis en regard l’un de l’autre, aux plus grandes difficultés.  Le Conseil privé paraît d’abord approuver un large pouvoir discrétionnaire et semble réticent à imposer au ministère public le besoin de citer des témoins pour les deux parties.  Dans le deuxième passage, cependant, la cour semble indiquer que certains témoins, ceux qui sont «essentiels pour la narration de l’histoire», doivent toujours être cités.  À première vue, ces remarques contradictoires ne semblent pas facilement conciliables.

26.                     Le Conseil privé a examiné la question à nouveau quelques années plus tard dans l’arrêt Adel Muhammed El Dabbah c. Attorney‑General for Palestine[1944] A.C. 156.  Dans cet arrêt, le Conseil privé semble avoir tranché en faveur du pouvoir discrétionnaire du ministère public.  Lord Thankerton, au nom de la cour, s’est exprimé assez longuement sur le pouvoir discrétionnaire du ministère public de choisir quels témoins citer.  Il a fait remarquer tout particulièrement, aux pp. 168 et 169, que:


[TRADUCTION]  . . . la poursuite a un pouvoir discrétionnaire quant à savoir quels témoins à charge devraient être cités, et la cour ne devrait pas empiéter sur l’exercice de ce pouvoir à moins que, peut‑être, il puisse être démontré que la poursuite a agi pour des motifs inavoués.  [. . .] Il faudrait aussi se référer à la remarque interlocutoire faite par le lord juge en chef Hewart dans l’arrêt Rex c. Harris, ([1927] K.B. 587, à la p. 590), selon laquelle «dans les affaires criminelles, le ministère public se doit de citer à témoigner devant la cour tous les témoins importants, même si leurs témoignages sont incompatibles, afin que le jury puisse prendre connaissance de l’ensemble des faits».  De l’avis de Leurs Seigneuries, le juge en chef ne pouvait avoir l’intention de nier le droit traditionnel de la poursuite d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer qui sont les témoins importants.

27.                     Au Canada, cette question s’est carrément posée dans l’arrêt Lemay, précité.  Dans cette affaire, le chef d’accusation avait trait au trafic de stupéfiants et le principal élément de preuve présenté par le ministère public était le témoignage d’un agent d’infiltration.  Au procès, ce policier a affirmé qu’un indicateur avait aussi été témoin de l’opération et qu’en plus, une autre personne était présente à la table où la vente avait eu lieu.  Le ministère public n’avait fait entendre aucune de ces deux personnes.

28.                     L’accusé a soutenu que les deux témoins en question étaient «essentiels pour la narration de l’histoire» et, s’appuyant sur l’arrêtSeneviratne, il a fait valoir que le ministère public avait l’obligation de les citer.  La Cour a rejeté ce moyen d’appel (le juge Cartwright, alors juge puîné, était dissident) et a statué que la règle qu’invoquait l’accusé n’existait pas.  En fait, le juge Kerwin, alors juge puîné, a affirmé au nom des juges majoritaires que l’arrêt Seneviratne, interprété à la lumière de l’arrêt Adel Muhammed rendu subséquemment, établissait clairement que la règle applicable était le pouvoir discrétionnaire et que les témoins devraient généralement être cités par la partie qui désire obtenir leur témoignage.  Le juge Kerwin a conclu en disant (à la p. 241):


[TRADUCTION]  Évidemment, le ministère public ne doit pas dissimuler d’éléments de preuve pour le motif qu’ils aideraient l’accusé, mais on n’a pas donné à entendre que c’est le cas en l’espèce ou, pour emprunter les mots de lord Thankerton, «que la poursuite a agi pour des motifs inavoués».  Il est oiseux d’invoquer des expressions comme celle‑ci ou celle utilisée par lord Roche [dans Seneviratne] sans les placer dans leur contexte; mais ce qui est important, c’est que, à moins qu’il n’y ait des circonstances particulières de la nature envisagée, la poursuite est libre d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer qui sont les témoins importants.

29.                     Malgré ce qui semblerait avoir été une prise de position claire sur la question, celle‑ci n’en a pas moins continué d’être soulevée avec une régularité étonnante.  Il semblerait qu’en dépit de l’arrêt Lemay, la question de savoir exactement quel témoin est «essentiel pour la narration de l’histoire» ait continué d’être considérée comme controversée.  Dans de nombreuses décisions, le large pouvoir discrétionnaire reconnu par l’arrêt Lemay a été restreint et ou bien le ministère public a été forcé de citer des témoins, ou bien des affirmations ont été faites voulant que le ministère public pourrait y être forcé dans certaines circonstances:  voir, par exemple, R. c. Murdoch (1978), 40 C.C.C. (2d) 97, (C.A. Man.), à la p. 116, les motifs dissidents du juge O’Sullivan; R. c. Jewell and Wiseman (1980), 1980 CanLII 2373 (SK QB)54 C.C.C. (2d) 286 (B.R. Sask.);R. c. Oliva[1965] 3 All E.R. 116 (C.C.A.).

30.                     La question de savoir quels témoins sont «essentiels pour la narration de l’histoire» a été soulevée à nouveau devant notre Cour dans l’affaire R. c. Yebes1987 CanLII 17 (CSC)[1987] 2 R.C.S. 168.  Le juge McIntyre, au nom de la Cour, a fermement rejeté une restriction du pouvoir discrétionnaire du ministère public mais a plutôt affirmé que l’expression «essentiel pour la narration de l’histoire», du moins dans le contexte de cette affaire, signifiait ni plus ni moins que le ministère public devait présenter assez de témoins pour prouver adéquatement les éléments essentiels du crime.  Par conséquent, si le ministère public décidait de ne pas faire entendre un témoin, il s’exposerait à ne pas pouvoir s’acquitter de son fardeau de la preuve et à perdre sa cause.  Plus précisément, le juge McIntyre a affirmé (aux pp. 190 et 191):


L’autre moyen portant que le ministère public n’a pas cité un témoin essentiel pour la narration de l’histoire, soit Mme Yebes, doit également échouer à mon avis.  Le ministère public a le pouvoir discrétionnaire de choisir les témoins qui seront cités lorsqu’il présentera sa preuve à la cour.  On ne doit pas intervenir à cet égard à moins que le ministère public ne l’ait exercé pour une raison détournée ou inappropriée:  voir Lemay v. The King, précité.  En l’espèce aucun motif inapproprié n’est allégué.  Bien que le ministère public ne puisse pas être tenu de citer un témoin donné, l’omission de le faire peut créer une faille dans sa preuve, ce qui fera en sorte qu’il ne se sera pas déchargé de son fardeau de la preuve et permettra à l’accusé de demander un acquittement.  C’est en ce sens que l’on peut s’attendre que le ministère public cite tous les témoins essentiels à la narration des événements sur lesquels sa preuve est fondée.  [Je souligne.]

31.                     À mon avis, le raisonnement exprimé dans ce passage est tout à fait clair.  L’expression «essentiel pour la narration de l’histoire» ne signifie pas, comme beaucoup ont tenté de le donner à entendre, que tous les témoins dont la déposition serait pertinente doivent être cités par la poursuite.  Au contraire, il ne porte que sur la charge de la preuve qui incombe au ministère public dans une procédure criminelle.  Lorsque la «narration» de la perpétration d’un acte criminel donné n’est pas adéquatement faite, des éléments de l’infraction peuvent ne pas être suffisamment prouvés et le ministère public risque de perdre sa cause.  De plus, l’omission de citer certains témoins peut devenir un facteur dont une cour d’appel tiendra compte pour décider si le verdict rendu était déraisonnable:  Whitehorn c. The Queen (1983), 152 C.L.R. 657 (H.C. Austr.)The Queen c. Apostilides (1984), 154 C.L.R. 563 (H.C. Austr.).


32.                     Je ne vois aucune faille dans cette procédure et je crois qu’elle s’appuie tant sur le droit que sur la politique judiciaire.  Étant donné la préférence marquée de notre Cour en faveur de la reconnaissance du pouvoir discrétionnaire du ministère public, il faudrait, quant à moi, une raison primordiale pour aller à l’encontre de cette préférence et justifier la création d’une obligation qui empiéterait si manifestement sur ce pouvoir.  Le principal moyen traditionnellement invoqué concerne l’équité.  On a donné à entendre que, lorsque le ministère public omet de citer un témoin qui a une connaissance pertinente des faits en cause,  [TRADUCTION] «on risque énormément de faire un retour aux arguments surprises présentés pendant le procès», comme l’a dit en l’espèce le juge Ryan, à la p. 90.  De plus, le juge Ryan a mentionné le préjudice subi par l’accusé qui est forcé de citer un témoin qui aurait dû l’être par le ministère public.  Essentiellement, cela tourne autour de l’impossibilité pour l’accusé de contre‑interroger le témoin.  L’intimé a aussi soulevé un troisième facteur dans le présent pourvoi, soit que de forcer les accusés à faire eux‑mêmes entendre le témoin les contraint à abandonner leur droit de s’adresser au jury en dernier.  J’examinerai chacun de ces moyens à tour de rôle.

Il est permis de précoter les pièces et de les remettre préalablement au juge des faits

N'Drin Beugré c. R., 2014 QCCA 2002 (CanLII)

Lien vers la décision

[50]        Pour faciliter le travail des jurés et assurer un procès ordonné et efficace, les parties avaient, en juin 2010, consenti au dépôt des pièces P-181 et P-182, sous réserve des objections à l’introduction subséquente en preuve de leur contenu qui pourraient, le cas échéant, être formulées et de directives interdisant aux jurés de prendre connaissance des pièces avant leur production.
[51]        Au début du procès, le 20 septembre 2010, les pièces P-181 et P-182 furent donc remises aux jurés par le juge avec instructions de ne consulter que les documents effectivement reçus en preuve :
À cet effet, j’ai demandé que la preuve documentaire électronique soit mise à votre disposition dès le début du procès. Vous recevrez donc deux (2) CD de la preuve documentaire électronique. De cette façon, vous pourrez consulter la preuve documentaire dans votre salle de délibéré au fur et à mesure durant le procès. Par contre, les documents qui sont contenus dans les CD seront déposés en preuve individuellement, tout au long du procès. Madame la Greffière tiendra un registre des documents qui sont mis en preuve chaque jour. Avant qu’un document ne soit déposé en preuve dans la salle de Cour, il ne constitue pas de la preuve. Je répète. Avant qu’un document ne soit déposé en preuve dans la salle de Cour, il ne constitue pas de la preuve. Vous ne devez donc consulter que les documents qui portent une cote dans le dossier de la Cour. À moins qu’un document ne soit coté, il n’est pas en preuve et il vous est interdit de les consulter.
Cette directive est importante car ce sont uniquement les avocats qui décident des éléments de preuve que vous avez à considérer dans un procès. Ce sont les avocats qui contrôlent la preuve, et c’est donc important que vous ayez accès aux seuls éléments de preuve qui portent une cote de la Cour. D’autre part, il se pourrait qu’un document contenu dans votre CD soit déclaré inadmissible selon une décision que je rendrais. À ce moment, vous n’auriez pas le droit de consulter ou de prendre en considération ce document contenu dans votre CD, et je serai contraint de vous demander de ne pas en tenir compte… de ne pas tenir compte d’un tel document. C’est une des raisons pour lesquelles vous ne devez pas consulter les documents sur votre CD avant qu’ils ne soient déposés formellement en preuve en salle de Cour, avec une cote précise.
                                                                                                            [Je souligne]
[52]        Or, cette directive répond à toutes les préoccupations soulevées par l’avocate qui représentait l’appelant lors de la conférence préparatoire et constitue des instructions on ne peut plus claires sur la façon d’utiliser les pièces P-181 et P-182.
[53]        L’appelant soutient que le jury n’a pas respecté cette directive et qu’il « circulait allègrement » dans la preuve comme le démontreraient les notes J-2 et J‑3 que les jurés ont fait parvenir au juge.
[54]        La note J-2, qui est datée du 25 octobre 2010, indique au juge :
Il nous est impossible d’ouvrir les fichiers .doc et .xls, la suite de logiciels Word et Excel n’est pas installée sur nos ordinateurs.
[55]        Pourtant, les logiciels mentionnés ne sont pas requis pour consulter les pièces P‑181 et P‑182, mais le sont pour visualiser des documents contenus dans deux autres pièces déjà produites en preuve, mais qui n’apparaissent pas dans P-181 et P-182.
[56]        Ce n’est donc pas pour « circuler allègrement » dans P-181 et P-182 que les jurés adressent cette demande au juge, mais pour avoir accès à des pièces déjà admises en preuve. D’ailleurs, dans les minutes précédant la transmission de la note J-2, les jurés avaient assisté au témoignage de Veda Nancoo qui avait commenté des documents contenus dans la pièce INF-3 dont la consultation nécessitait l’utilisation du logiciel Word.
[57]        Le texte de la note J-3 que les jurés font parvenir au juge le 26 octobre 2010 mentionne par ailleurs ce qui suit :
Il manque les pages 434 et 435 de la pièce P-182 (cartable noir qui est la liste de pièces).
[58]        Les pages manquantes (434 et 435 de P-182) énumèrent des documents relatifs au chef de fraude n° 51 et, plus particulièrement, les pièces P-51.5 et P-51.6 qui avaient été discutées le 14 octobre précédent à l’occasion du témoignage de Ginette Rouleau.
[59]        Il était en conséquence tout à fait légitime et conforme aux instructions du juge que les jurés consultent P-182 et remarquent que des pages pertinentes étaient manquantes.
[60]        L’argument de l’appelant selon lequel les jurés ont fait fi des directives du juge relativement à la consultation des pièces P-181 et P-182 est en conséquence sans aucun fondement.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La possession d'une quantité de drogue plus grande que pour usage personnel est une assise permettant au juge de conclure à la possession en vue de trafic / se débarrasser de la drogue via une toilette ne permet pas de conclure à la possession en vue de trafic de ladite substance

R. v. Scharf, 2017 ONCA 794 Lien vers la décision [ 9 ]           Although not the subject of submissions by the appellant, we do not agree ...