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mardi 24 juin 2025

Les peines infligées en matière de voies de fait graves commandent généralement une peine d'emprisonnement ferme pour bien démontrer la réprobation de la société à l'égard des crimes violents contre la personne et pour envoyer un message clair de dissuasion

R. c. Dagenais, 2012 QCCA 244

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[17]           Je suis bien conscient qu'une peine doit être individualisée et qu'une cour d'appel doit faire preuve de retenue. En fait, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d'appel ne peut intervenir que si la peine s'écarte de façon marquée et substantielle des peines habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires (R. c. M. (C.A.)1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 R.C.S. 500, par. 90-92R. c. L.M., [2008] 2 R.C.S. 163, 2008 CSC 31, par. 14 et 36).

[18]           Je retiens aussi que ce genre de crime, voies de fait graves, commande généralement une peine d'emprisonnement ferme pour bien démontrer la réprobation de la société à l'égard des crimes violents contre la personne et pour envoyer un message clair de dissuasion.  Dans l'arrêt Antonelli c. R., J.E. 2008-1693, 2008 QCCA 1573, ma collègue la juge Bich écrit au par. 74 :

[74] En matière de voies de fait graves, sans usage d'une automobile, la fourchette des peines, qui va là encore de la sentence suspendue à l'incarcération, est assez vaste mais la jurisprudence n'est pas avare d'affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées. Par exemple :

-  Dupont c. R., 2008 QCCA 6622008 QCCA 662 : voies de fait graves (entre autres) — l'appelant a assené des coups de barre aux victimes alors qu'elles se trouvaient dans le métro — attaque apparemment impulsive — antécédents judiciaires pour crimes sans violence — risque de récidive — milieu de vie criminogène — confirmation d'une peine d'emprisonnement de 3 ans.

-  Rioux c. R., 2008 QCCA 33, 2008 QCCA 33 : voies de fait graves — séquelles importantes à la victime — acte impulsif posé sans préméditation — absence d'antécédents judiciaires en semblable matière — substitution d'une peine totale de 5 ans et 4 mois à une peine de 7 ans d'emprisonnement.

-  Boulay c. R., 2007 QCCA 1663, 2007 QCCA 1663, J.E. 2008-31 : voies de fait graves — l'appelant a tiré trois fois sur son père avec une arme à feu, lors d'un exercice de tir sur cible — antécédents judiciaires non précisés — confirmation d'une peine de 6 ans d'emprisonnement, une détention provisoire de 16 mois n'ayant pas été comptée en double, d'où une peine totale équivalant à 7 ans et 4 mois d'emprisonnement.

-  R. c. Jackson2007 QCCA 1225, 2007 QCCA 1225; J.E. 2007-1845 : voies de fait graves — bagarre à la sortie d'un bar et usage d'un couteau — nombreux antécédents judiciaires — confirmation d'une peine de 5 ans d'emprisonnement, peine considérée comme clémente, cependant, vu les antécédents judiciaires de l'intimé.

-  R. c. Richards2007 QCCQ 408, 2007 QCCQ 408, B.E. 2008BE-321 : accusé trouvé coupable de voies de fait graves contre un touriste, de vol qualifié sur la personne de cette même victime et d'un de ses compagnons, de voies de fait contre un troisième touriste, menaces de mort contre deux de ces personnes — caractère gratuit de l'agression (commise avec des complices contre un groupe de 5 touristes) — nombreux antécédents judiciaires — séquelles importantes chez la victime de voies de fait graves — peine de 7 ans d'emprisonnement, dont sera déduit une période de détention provisoire de 11 mois (soit 5 mois comptés en double).

-  Allard c. R., J.E. 90-1212(1991) 36 Q.A.C. 137 : voies de fait graves (deux chefs) — geste délibéré mais non prémédité — appelant âgé de 18 ans lors de la commission des crimes — absence d'antécédents judiciaires — ébriété — séquelles importantes chez l'une des victimes — substitution d'une peine de 5 ans d'emprisonnement (tenant compte d'une détention provisoire d'une année), sur chaque chef, à une peine de 9 ans, à être purgée concurremment.

[19]            Le même enseignement se dégage des commentaires dans Clayton C. Ruby et al.Sentencing, 7th ed., Markham, LexisNexis, 2008, au par. 23.217, p. 837 :

The dominant goal in sentencing for this offence is denunciation of the often extreme violence involved, and thus even mitigating circumstances will call for a reformatory sentence if the injuries are very serious. Penitentiary terms are imposed when there is a past record of violence, potential for recidivism, and extreme brutality.  

[20]           Dans Bouchard-Lebrun c. R., J.E. 2010-535, 2010 QCCA 402 (arrêt récemment confirmé par la Cour suprême, J.E. 2011-2005, 2011 CSC 58), on peut lire au par. 86, que les peines d'emprisonnement varient de 18 mois à 3 ans dans les cas où l'accusé n'a pas un profil violent et de 3 à 6 ans en cas de récidive.

La violence et la gravité des crimes commis à l’égard des deux victimes peut justifier l’exercice par la juge de son pouvoir discrétionnaire d’infliger des peines consécutives / l'absence de remords / la prise en compte de condamnations survenues en cours de délibéré doit respecter la règle audi alteram partem

Lubin c. R., 2019 QCCA 1711 



[6]      De toute façon, la violence et la gravité des crimes commis à l’égard des deux victimes justifient l’exercice par la juge de son pouvoir discrétionnaire d’infliger des peines consécutives : Auguste c. R.2017 QCCA 322, paragr. 29Charest c. R.2019 QCCA 1401, paragr. 216

[7]      Quant au deuxième moyen, il est vrai que l’absence de remords est généralement considérée comme un facteur neutre : Cabezas c. R.2018 QCCA 1616, paragr. 131 et ne constitue pas une circonstance aggravante, notamment lorsque l’accusé a contesté sa culpabilité : Gavin c. R.2009 QCCA 1, paragr. 26 et 27Charest c. R., précité, paragr. 214. S’il est vrai que la juge mentionne l’absence de remords dans la liste des facteurs aggravants, il ressort toutefois de ses motifs qu’elle a tenu compte de ce facteur principalement pour distinguer l’arrêt Antonelli :

[16]  C’est d’ailleurs à ce niveau que le profil de l’accusé se distingue d’Antonelli. Ce dernier avait plaidé coupable, n’avait pas d’antécédents, avait exprimé des remords et avait des problèmes médicaux. Nous n’avons rien de tout cela ici.

Ce faisant, elle n’a pas commis d’erreur révisable.

[8]      Le requérant reproche également à la juge d’avoir retenu, à titre de circonstance aggravante, que le risque de récidive ne pouvait être écarté. Bien que la preuve soit silencieuse à cet effet, la juge pouvait tenir compte du degré élevé de violence et du fait qu’il n’y a pas de preuve de réhabilitation.

[9]      Enfin, le requérant conteste la conclusion de la juge voulant que l’agression contre Michel Cormier ait été réfléchie, même si de courte durée. Il s’agit d’une conclusion de fait qui, du reste, est appuyée par la bande vidéo de l’agression.

[10]        Par ailleurs, la juge tient compte de condamnations survenues en cours de délibéré sans que la preuve en ait été faite par les parties et sans en aviser celles-ci avant de prononcer la peine (voir la note no 3 du jugement). Cette façon de procéder doit être dénoncée. Il s’agit d’une erreur de principe ayant eu une incidence sur la peine (R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragr. 41 et 42) puisque la juge, non seulement mentionne ces condamnations à titre de facteur aggravant, mais insiste sur ce point pour donner un poids déterminant à l’objectif de dissuasion.

La fourchette des peines attribuées à travers le Canada pour les infractions en matière de stupéfiants & la dérogation à la fourchette des peines

R. c. Moreira, 2011 QCCA 1828

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[14]           S'il est vrai qu'une peine qui se situe en dehors de la fourchette établie par la jurisprudence pour un type d'infraction en particulier n'est pas « nécessairement inappropriée »[2], le juge doit pouvoir justifier une telle décision en s'appuyant sur un des principes prévus aux articles 718 et 718.2 C.cr., ce qui ne peut être fait en l'espèce. En conséquence, la Cour est d'avis qu'il y a lieu de modifier la peine d'emprisonnement discontinue imposée à l'intimé.

[15]           Récemment, dans la décision R. c. Nasogaluak[3], la Cour suprême a rappelé les principes de détermination de la peine en matière criminelle, un processus en vertu duquel le juge de première instance dispose d'un large pouvoir discrétionnaire :

[43]        Les articles 718 à 718.2 du Code sont rédigés de manière suffisamment générale pour conférer aux juges chargés de déterminer les peines un large pouvoir discrétionnaire leur permettant de façonner une peine adaptée à la nature de l’infraction et à la situation du délinquant. Sous réserve de certaines règles particulières prescrites par la loi, le prononcé d’une peine « juste » reste un processus individualisé, qui oblige le juge à soupeser les objectifs de détermination de la peine de façon à tenir compte le mieux possible des circonstances de l’affaire (R. c. Lyons1987 CanLII 25 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 309; M. (C.A.)R. c. Hamilton (2004), 2004 CanLII 5549 (ON CA), 72 O.R. (3d) 1 (C.A.)). Aucun objectif de détermination de la peine ne prime les autres. Il appartient au juge qui prononce la sanction de déterminer s’il faut accorder plus de poids à un ou plusieurs objectifs, compte tenu des faits de l’espèce. La peine sera par la suite ajustée — à la hausse ou à la baisse — dans la fourchette des peines appropriées pour des infractions similaires, selon l’importance relative des circonstances atténuantes ou aggravantes, s’il en est. Il découle de ce pouvoir discrétionnaire du juge d’arrêter la combinaison particulière d’objectifs de détermination de la peine et de circonstances aggravantes ou atténuantes devant être pris en compte que chaque affaire est tranchée en fonction des faits qui lui sont propres, sous réserve des lignes directrices et des principes fondamentaux énoncés au Code et dans la jurisprudence.

[16]           La Cour, sous la plume du juge LeBel, explique toutefois que ce pouvoir discrétionnaire n'est pas sans limites. Le principe de parité, par exemple, exige une certaine harmonisation des peines pour les crimes semblables commis dans des circonstances semblables[4]. La jurisprudence vient donc circonscrire le pouvoir discrétionnaire du juge en définissant une fourchette de peines appropriées pour une infraction donnée. Cela dit, cette fourchette ne constitue pas une règle absolue, le tribunal pourra s'en écarter si cela est justifié par les principes de détermination de la peine énoncée plus haut :

[44]        Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise.

[Soulignage ajouté]

[17]           Afin de déterminer si la peine de 90 jours d'emprisonnement discontinue imposée à l'intimé par le premier juge respecte ces principes, il importe tout d'abord de déterminer quelle est la fourchette applicable aux infractions commises par l'intimé et, ensuite, d'évaluer s'il existait en l'espèce une justification permettant au juge de s'écarter de cette fourchette.

[18]           L'auteur Clayton C. Ruby présente une revue de la jurisprudence concernant les peines attribuées à travers le Canada pour les infractions en matière de stupéfiants. On constate que ces peines varient énormément en fonction de la nature de la drogue en question. Par exemple, en matière d'héroïne, « [i]t is not uncommon for trafficking sentences to begin at the one – to two – year mark where the offender is not an addict and had no prior record »[5]. En comparaison, il explique que les infractions reliées à la cocaïne étaient généralement considérées comme étant moins graves, mais que cela change, entre autres, en raison du crack, un dérivé de la cocaïne :

Cocaine was once regarded by courts as a drug that is somewhat more serious than marijuana but less serious than heroin. However, due to the existence of crack cocaine and intravenous cocaine users, this attitude appears to be changing. More recent sentences for cocaine seem on par with those imposed for heroin possession or trafficking.[6]

[Soulignage ajouté]

[19]           Le dérivé de la cocaïne que l'on appelle crack ou cocaïne-base serait d'une grande dangerosité et les infractions qui y sont liées entraîneraient des peines importantes[7]. Ainsi, « [o]ffenders caught trafficking even minor amounts may be exposed to incarceration despite mitigating factors »[8].

[20]           Cette Cour a déjà traité des nombreux risques associés au trafic du crack. Dans l'arrêt R. c. Dorvilus[9], le juge Baudouin, s'exprimant au nom d'une cour majoritaire, décrivait ainsi les dangers reliés à cette drogue :

Le crack crée chez l'usager une sensation intense et très rapide, mais de courte durée, et une dépendance forte et pratiquement immédiate. C'est une drogue dont l'usage se propage à grande vitesse à l'heure actuelle surtout chez les enfants et chez les jeunes, parce qu'elle est bon marché par rapport à la cocaïne en poudre ou à l'héroïne. Une "roche" de crack se vend en effet entre 10 $ et 15 $ alors que 25 $ à 40 $ sont nécessaires à l'achat d'un quart de gramme de cocaïne en poudre.  On note aussi qu'elle provoque chez l'usager en manque, de l'agressivité et des tendances à la paranoïa.

[21]           Il concluait également à la nécessité pour les tribunaux d'adopter une attitude sévère à l'égard des trafiquants de crack :

[…] les tribunaux ont le devoir de se montrer sévères et non complaisants en matière de trafic de crack, eu égard surtout au fait que la substance crée une grande dépendance et une dépendance quasi-immédiate, qu'elle est une drogue bon marché à la portée donc de la bourse des enfants et des adolescents.

[22]           Il effectue par la suite une revue de la jurisprudence afin de présenter l'éventail des peines attribuées en matière de trafic de crack. Outre une affaire où l'accusé avait été détenu de manière préventive dans des conditions difficiles, toutes les peines mentionnées variaient entre 6 et 54 mois d'emprisonnement. En conséquence, le juge Baudouin décida de confirmer la peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour qui avait été attribuée par le juge de première instance.

[23]           Ainsi, tel que l'intimé l'admet dans son mémoire, la peine de 90 jours d'emprisonnement à purger de manière discontinue imposée par le premier juge se situe clairement à l'extérieur de la fourchette établie par la jurisprudence pour le type d'infraction que l'intimé a commise. Il faut donc évaluer si l'application des principes de détermination de la peine justifiait en l'espèce de s'écarter de cette fourchette.

[24]           L'arrêt majoritaire de cette Cour dans R. c. Lafrance[10] constitue un bel exemple de la possibilité pour un juge de « prononcer une sanction qui déroge de la fourchette établie » à laquelle le juge LeBel faisait référence dans l'arrêt Nasogaluak[11].

[25]           L'arrêt Lafrance portait justement sur l'appel d'une peine discontinue de 90 jours d'emprisonnement infligée à un accusé ayant plaidé coupable aux infractions de trafic et de possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic. L'accusé en était également à sa première infraction et il avait lui aussi commis cette infraction grave dans un esprit de lucre.

[26]           Alors que le juge en chef Bisson, dissident, proposait d'intervenir afin de remplacer la peine retenue par le premier juge par une peine de 9 mois d'emprisonnement, le juge LeBel, alors à la Cour d'appel, et la juge Otis concluaient plutôt au rejet de l'appel.

[27]           Dans ses motifs, le juge LeBel s'attardait à rejeter la théorie du starting point retenue dans d'autres provinces et selon laquelle la jurisprudence aurait défini des minimums absolus concernant la peine attribuable à certaines infractions. Il reconnaît que les tribunaux ont imposé des peines sévères en matière de stupéfiant, mais il considère que le juge a le pouvoir de s'en écarter si les facteurs individuels de l'accusé, par exemple ses possibilités de réadaptation, le justifient :

Clémente, la sentence du premier juge ne paraît pas illégale. Elle repose sur un pari raisonné et justifié par la preuve disponible voulant que Lafrance soit sorti de sa période criminelle. Pour le juge Poirier, il ne pose plus un risque pour la société, dans l'avenir. Il refait sa vie.

[28]           L'importance de l'objectif de réinsertion sociale des délinquants dans cette affaire apparaît encore plus clairement des motifs de la juge Otis. Elle écrit :

Une fois reconnues les dévastations sociales engendrées par les stupéfiants et les drogues et l'adéquation trop fréquente entre l'usage de ces substances et la commission des infractions contre la personne et les droits de propriété, il coule de source que le message de dissuasion et de neutralisation, en regard de ces crimes, doit être porté haut et fort.

Mais il arrive que le juge, à qui incombe le devoir de déterminer la peine, nourisse la conviction sincère que la fonction utilitaire de la sentence, soit la prévention par la dissuasion, ait plus de chances d'atteindre son accomplissement par la mise en oeuvre de la fonction individuelle de la sentence, soit la réhabilitation.

[Soulignage ajouté]

Et plus loin :

Si, dans les infractions reliées au trafic et à la possession pour fins de trafic des stupéfiants, le critère de la dissuasion générale constitue une considération de première importance, il n'en reste pas moins que le critère de la réadaptation, lorsqu'il fait l'objet d'une démonstration particulièrement convainquante, pourra devenir prééminent lors de la détermination de la peine.

[Soulignage ajouté]

[29]           Dans Lafrance, une telle démonstration avait été faite. L'agent de probation avait préparé une évaluation positive de l'accusé en le décrivant comme « une personne autonome et pourvu d'une bonne maturité » et le juge de première instance avait déclaré « [croire] à la réhabilitation possible de l'accusé ».

Hart and Mack: New Restraints on Mr. Big and a New Approach to Unreliable Prosecution Evidence


Dufraimont, Lisa. "Hart and Mack: New Restraints on Mr. Big and a New Approach to Unreliable Prosecution Evidence." The Supreme Court Law Review: Osgoode’s Annual Constitutional Cases Conference 71. (2015).
DOI: https://doi.org/10.60082/2563-8505.1320
https://digitalcommons.osgoode.yorku.ca/sclr/vol71/iss1/18

Wrongful Convictions: The Effect of Tunnel Vision and Predisposing Circumstances in the Criminal Justice System

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Auteur : Bruce A. MacFarlane 

La fourchette des peines en matière de voies de fait graves sans usage d'une automobile ou mettant en cause l'usage d'un véhicule automobile en vue ou avec la conséquence d'infliger à une personne des lésions corporelles ou la mort

Antonelli c. R., 2008 QCCA 1573



[69]           L’appelant a soumis plusieurs affaires dans lesquelles, quoiqu'il ne soit pas questions de voies de fait graves ou de voies de fait causant des lésions corporelles, les faits sont similaires en ce qu'ils mettent en cause l'usage d'un véhicule automobile en vue ou avec la conséquence d'infliger à une personne des lésions corporelles ou la mort. Ainsi :

-           R. c. Gilbert2007 QCCA 1607J.E. 2007-2268 : conduite dangereuse ayant causé la mort et des lésions corporelles ainsi que délit de fuite — geste accidentel — antécédents judiciaires non précisés mais vraisemblablement inexistants — infliction d'une peine de 24 mois d'emprisonnement ferme moins une portion du sursis déjà purgé, pour un total de 18 mois.

-           R. v. Balcha2004 CanLII 396 (ON CA)[2004] O.J. No. 1217 (Ont. C.A.) (QL) : conduite dangereuse causant des lésions corporelles et délit de fuite — acte délibéré consécutif à une dispute dans le cadre de laquelle Balcha a été attaqué et blessé — absence d'antécédents judiciaires — confirmation d'un emprisonnement ferme de 2 ans, mais réduction de la durée d'une interdiction de conduire (de 5 ans à 1 an).

-           Pichette c. La ReineJ.E. 2003-289 (C.A.) : négligence criminelle causant la mort et délit de fuite — ébriété — absence d'antécédents judiciaires — confirmation d'une peine d'emprisonnement de 3 ans.

-           R. v. Stone2001 BCCA 728[2001] B.C.J. No. 2660 (QL) : conduite dangereuse causant des lésions corporelles — acte délibéré à la suite d'une dispute entre automobilistes — antécédents judiciaires mineurs — 22 mois d'emprisonnement avec sursis en remplacement d'une peine de 2 ans d'emprisonnement ferme.

-           R. v. Scott [1992] M. J. No. 538 (Man. C.A.) (QL) : conduite dangereuse causant des lésions corporelles — acte commis à la suite d'une dispute avec son ancienne amie de cœur — absence d'antécédents judiciaires — jeunesse de l'accusé — réduction à 5 mois d'une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois.

-           R. c. Girard1990 CanLII 3096 (QC CA)[1990] R.J.Q. 2077 (C.A.) : négligence criminelle causant des lésions corporelles — acte délibéré — absence d'antécédents judiciaires — la sentence appropriée aurait été de 2 ans d'emprisonnement mais une peine de 1 an d'emprisonnement est imposée, considérant que le délinquant a déjà purgé les deux tiers de la peine discontinue que lui avait infligée le juge de première instance.

-           R. v. Barnes[1984] N.S.J. No. 56 (N.S. C.A.) (QL) : conduite avec facultés affaiblies et négligence criminelle dans la conduite d'un véhicule automobile — acte délibéré — absence d'antécédents judiciaires — peine de 9 mois d'emprisonnement substituée à une peine de 90 jours d'emprisonnement à purger de façon discontinue.

-           R. c Mohan[1983] B.C.J. No. 463 (B.C. C.A.) (QL) : négligence criminelle causant des lésions corporelles et délit de fuite  — acte délibéré — absence d'antécédents judiciaires — emprisonnement de 2 ans moins 1 jour réduit à 1 an.

-           R. c. Bilodeau, C.A.M. 500-10-000225-845, 7 novembre 1984 (jj. Montgomery, Dubé et Mayrand) : négligence criminelle causant des lésions corporelles — acte délibéré commis par jalousie et sous l'emprise de la colère — alcoolisme et jalousie pathologique — confirmation d'une peine de 2 mois de prison assortie d'une ordonnance de probation de 2 ans.

[70]           Bien que les comparaisons interinfractions ne soient pas bannies[9], elles doivent tout de même être modulées en fonction de leurs caractéristiques particulières, notamment en termes de peines maximales. C'est le cas ici, l'infraction de voies de fait graves étant passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans (article 268(2) C.cr.), alors que l'infraction de négligence criminelle causant des lésions corporelles (article 221 C.cr.) et celle de conduite dangereuse causant des lésions corporelles (article 249(3) C.cr.) sont passibles d'un emprisonnement maximal de 10 ans.

[71]           Par ailleurs, en matière de voies de fait graves, l’appelant soumet les arrêts suivants, impliquant également l'usage d'une automobile :

-           R. c. Bassenden1989 CanLII 420 (QC CA)J.E. 89-549(1990) 23 Q.A.C. 306; [1989] R.L. 80 (C.A.) : voies de fait graves — acte délibéré — nombreux antécédents judiciaires (aucun emprisonnement) — emprisonnement de 3 ans substitué à une sentence suspendue assortie d'une ordonnance de probation de 3 ans accompagnée de travaux communautaires.

-           R. c. FlibotteSOQUIJ AZ-88012034C.A.P. 88C-3451988 CanLII 1053 (C.A.) : voies de fait graves et délit de fuite — acte délibéré — détention provisoire de 6 mois — antécédents judiciaires — pour les voies de fait graves, substitution d'une peine de 4 ans d'emprisonnement à une peine de 2 ans (compte tenu de la détention provisoire de 6 mois, la peine totale équivaut à un emprisonnement de 5 ans).

[72]           À cette liste, on peut ajouter les arrêts suivants :

-           Kelly c. R.J.E. 97-1570 (C.A.) : conduite dangereuse causant la mort — accident — antécédents judiciaires — récidive en cours d'instance — confirmation d'une peine de 6 ans d'emprisonnement. Cet arrêt est particulièrement intéressant en ce qu'il fait la revue de la jurisprudence en matière de conduite dangereuse causant la mort. Selon cette jurisprudence, la fourchette applicable irait de la sentence suspendue à 5 ans d'emprisonnement, avec une moyenne (qui est somme toute peu révélatrice) tournant autour de 18 mois à 3 ans.

-           St-Laurent c. R.2008 QCCA 781B.E. 2008BE-595 : conduite dangereuse causant la mort et conduite dangereuse causant des lésions corporelles (dépassement interdit et collision frontale avec un autre véhicule) — quelques antécédents judiciaires en d'autres matières — nombreuses infractions au Code de la sécurité routière — confirmation d'une peine globale de 3 ans d'emprisonnement (3 ans pour conduite dangereuse causant la mort et 18 mois, concurremment, pour conduite dangereuse causant des lésions corporelles), seul le point de départ de l'interdiction de conduire étant modifié par la Cour.

[73]           La peine de cinq ans pour des voies de fait graves paraît donc sévère au regard de l'ensemble de cette jurisprudence, encore qu'elle soit semblable à celle qui fut infligée dans l'arrêt Flibotte, où l'on avait toutefois affaire à un appelant possédant plusieurs antécédents judiciaires, ce qui n'est pas le cas de l'espèce. On voit aussi que, dans les deux affaires où il est question de voies de fait graves (Flibotte et Bassenden), plutôt que de conduite dangereuse ou de négligence criminelle causant des lésions corporelles, les peines sont plus sévères, ce qui reflète le fait que la peine maximale est plus sévère elle aussi, entraînant un rajustement corrélatif à la hausse dans la moyenne des peines.

[74]           En matière de voies de fait graves, sans usage d'une automobile, la fourchette des peines, qui va là encore de la sentence suspendue à l'incarcération, est assez vaste mais la jurisprudence n'est pas avare d'affaires où des peines de 3 à 5 ans sont imposées. Par exemple :

-           Dupont c. R.2008 QCCA 662 : voies de fait graves (entre autres) — l'appelant a assené des coups de barre aux victimes alors qu'elles se trouvaient dans le métro — attaque apparemment impulsive — antécédents judiciaires pour crimes sans violence — risque de récidive — milieu de vie criminogène — confirmation d'une peine d'emprisonnement de 3 ans.

-           Rioux c. R., 2008 QCCA 33 : voies de fait graves — séquelles importantes à la victime — acte impulsif posé sans préméditation — absence d'antécédents judiciaires en semblable matière — substitution d'une peine totale de 5 ans et 4 mois à une peine de 7 ans d'emprisonnement.

-           Boulay c. R.2007 QCCA 1663J.E. 2008-31 : voies de fait graves — l'appelant a tiré trois fois sur son père avec une arme à feu, lors d'un exercice de tir sur cible — antécédents judiciaires non précisés — confirmation d'une peine de 6 ans d'emprisonnement, une détention provisoire de 16 mois n'ayant pas été comptée en double, d'où une peine totale équivalant à 7 ans et 4 mois d'emprisonnement.

-           R. c. Jackson2007 QCCA 1225; J.E. 2007-1845 : voies de fait graves — bagarre à la sortie d'un bar et usage d'un couteau — nombreux antécédents judiciaires — confirmation d'une peine de 5 ans d'emprisonnement, peine considérée comme clémente, cependant, vu les antécédents judiciaires de l'intimé.

-           R. c. Richards2007 QCCQ 408B.E. 2008BE-321 : accusé trouvé coupable de voies de fait graves contre un touriste, de vol qualifié sur la personne de cette même victime et d'un de ses compagnons, de voies de fait contre un troisième touriste, menaces de mort contre deux de ces personnes — caractère gratuit de l'agression (commise avec des complices contre un groupe de 5 touristes) — nombreux antécédents judiciaires — séquelles importantes chez la victime de voies de fait graves — peine de 7 ans d'emprisonnement, dont sera déduit une période de détention provisoire de 11 mois (soit 5 mois comptés en double).

-           Allard c. R.J.E. 90-1212(1991) 36 Q.A.C. 137 : voies de fait graves (deux chefs) — geste délibéré mais non prémédité — appelant âgé de 18 ans lors de la commission des crimes — absence d'antécédents judiciaires — ébriété — séquelles importantes chez l'une des victimes — substitution d'une peine de 5 ans d'emprisonnement (tenant compte d'une détention provisoire d'une année), sur chaque chef, à une peine de 9 ans, à être purgée concurremment.

[75]           Par contraste, pour des peines plus clémentes, on pourra citer :

-           Pinto c. R.2006 QCCA 303J.E. 2006-571 : voies de fait graves — coup de poing dans le cadre d'une dispute dans un bar — caractère impulsif et non prémédité de l'agression — lourdes conséquences pour la victime — absence d'antécédents judiciaires — thérapie entreprise afin de contrôler impulsivité et agressivité — confirmation d'une peine de 18 mois d'emprisonnement à purger dans la collectivité et d'une probation d'une année.

-           Seyfeddin-Salemi c. R.J.E. 95-1050 (C.A.) : voies de fait graves — usage d'un couteau — acte délibéré mais non prémédité — querelle au sortir d'un bar — antécédents judiciaires en matière de fraude — confirmation d'une peine de 32 mois d'emprisonnement. Dans cette même affaire, la Cour confirme par ailleurs la peine de 20 mois d'emprisonnement infligée à l'autre appelant, âgé de 19 ans, frère du premier, sans antécédents judiciaires, coupable de voies de fait causant des lésions corporelles.

[76]           L’appelant n'a utilisé ici ni couteau ni arme à feu, mais le juge de première instance n'a pas tort d'affirmer qu'il s'est servi de son véhicule automobile comme d'une arme, infligeant des blessures graves à l'une des victimes, et, en ce sens, la comparaison est appropriée entre sa situation et celles qui sont en cause dans les affaires où l'on utilise un autre type d'arme[10].

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Une agression sexuelle peut être commise même en l’absence d’un contact physique proprement dit, car la menace ou la tentative d'employer la force suffise pour entraîner la culpabilité de l'accusé

R. v. Edgar, 2016 ONCA 120  Lien vers la décision [ 10 ]        To commit a sexual assault, it was not necessary for the appellant to touch ...