jeudi 21 janvier 2010

L'infraction de délit de fuite / présomption et principes

R. c. Dubois, 2008 CanLII 50594 (QC C.M.)

[73] La poursuite doit établir chacun de ces éléments essentiels. Cependant, à l'égard de l'élément intentionnel, elle bénéficie de la présomption formulée au paragraphe 2 de l'article 252 :

« Dans les poursuites prévues au paragraphe (1), la preuve qu’un accusé a omis d’arrêter son véhicule, bateau ou aéronef, d’offrir de l’aide, lorsqu’une personne est blessée ou semble avoir besoin d’aide et de donner ses nom et adresse constitue, en l’absence de toute preuve contraire, une preuve de l’intention d’échapper à toute responsabilité civile ou criminelle. »

[74] Ainsi, si l'accusé fait défaut de remplir l'une des obligations que lui impose l'article 252(1), la présomption prend effet. Celle-ci peut cependant être renversée en présence d'une preuve de nature à soulever un doute raisonnable. Si la présomption est renversée, il appartient alors à la poursuite d'établir l’aspect intentionnel selon son fardeau habituel de preuve (Fournier c. R., précitée, p. 251-252; Guay c. R., J.E. 78-365, par. 9 et 34 (C.A.); Gosselin c. R., reflex, (1988) 45 C.C.C. (3d) 568, par. 10-11 (C.A. Ont.); R. c. Poulin-Chénard, J.E. 2007-651, par. 2 (C.A.)). La présomption de l'article 252(2) a donc une portée similaire à celles des présomptions d'identité et d'exactitude en matière d'alcoolémie. L'accusé n'assume aucun fardeau de preuve.

[75] Ce dernier peut donc fournir des explications relatives à son défaut de rencontrer l'une des obligations que lui impose l'article 252(1). Si ses explications sont « raisonnablement vraies » eu égard à l'ensemble de la preuve et, soit qu'elles convainquent le Tribunal de l'absence d'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement, soit qu'elles soulèvent un doute raisonnable à cet égard, l'accusé doit être acquitté.

[76] Toutefois, la preuve d'une intention autre que celle d'échapper à sa responsabilité civile ou criminelle, ne suffit pas pour neutraliser la présomption. Plusieurs intentions peuvent être concomitantes. La preuve doit donc nécessairement tendre à nier l'intention d'échapper à toute responsabilité civile ou criminelle en relation avec l'événement (R. c. Hofer, précitée, p. 234-235).

[77] D'autre part, le Code criminel ne définit pas le terme « accident ». Eu égard à l'objet de l'article 252 et à l'intention du législateur, la jurisprudence a établi qu'il y a « accident » que le comportement qui lui donne lieu soit intentionnel ou non (Hansen c. R., reflex, (1988) 46 C.C.C. (3d) 504, par. 27 et 30 (C.A. C.-B.), qu'il y ait eu contact entre les véhicules ou non (Thériault c. R., REJB 2005-91233, par. 5 (C.A.Q.); Hannam et al. c. R., (1986) 1 M.V.R. (2d) 361, par. 10 et ss. (Q.B. Alb.)), que l'autre personne impliquée soit un piéton, le passager d'un autre véhicule ou le passager du véhicule de l'accusé (Mihalick c. R., (1991) 28 M.V.R. (2d) 114, par. 24-25 (C.A. C.-B.)) ou que des dommages résultent de l'événement ou non (Chase c. R., 2006 BCCA 275 (CanLII), (2006) 209 C.C.C. (3d) 43, par. 38 et ss. (C.A. C.-B.)).

[78] On ne peut conclure de l'arrêt Hill de la Cour suprême ([1975] 2 R.C.S. 403) qu'il exige qu'un préjudice ait été causé, puisque l'opinion de la majorité prend pour acquise l'existence d'un tel préjudice (par. 7). De plus, cette décision porte sur l'article 143A du Highway Traffic Act, et non sur l'article 252 du Code criminel.

[79] Lors des plaidoiries, la défense a invoqué la décision R. c. Rivest, REJB 1999-13105 rendue par l'honorable juge Bellavance de la Cour supérieure. Plus particulièrement, la défense souligne le principe selon lequel la poursuite est liée par le dossier qu'elle présente à la Cour et auquel l'accusé doit répondre. Les autorités les plus connues relatives à ce principe sont les arrêts Wynnychuk, [1962] 37 C.R. 216, 218 (C.A. Alb.) et Pendleton, reflex, [1982] 1 C.C.C. (3d) 228, 232 (C.A. Ont.).

[80] Selon ce principe, lorsque la poursuite a complété sa preuve, sa thèse quant à l'affaire est exposée. C’est à celle-ci que l’accusé doit répondre. Le Tribunal ne peut trouver l'accusé coupable d'une autre infraction, ou même d'une infraction similaire à celle reprochée, sur une base différente de la thèse de la poursuite en raison du témoignage de l'accusé ou de la preuve présentée en défense (voir aussi les autres décisions citées par l'honorable juge Bellavance : Drakes c. R., (1991) 33 M.V.R. (2d) 214, par. 37 (C.A.Q.) et Guindon c. R., C.S., no 760-36-000022-940, 21 décembre 1994, j. Boilard,).

[81] Ce principe ne prive cependant pas la poursuite de faire la preuve que l’enquête policière à l’origine des accusations a évoluée, alors qu'une infraction était d'abord suspectée, mais qu’elle a ultérieurement conduit à l'obtention de la preuve de la commission d'une autre infraction, plutôt ou en sus de l’infraction originellement suspectée, ou d'une infraction commise par une autre personne que celle originellement soupçonnée.

[82] Le principe des arrêts Pendleton et Wynnychuk, précités, ne neutralise pas non plus l'application de la règle des infractions incluses, si la preuve présentée originellement par la poursuite, sa thèse, peut mener à l'application de cette règle.

[83] Le principe de ces arrêts empêche plutôt que l'accusé soit trouvé coupable d'une infraction commise dans des circonstances que ne lui reproche pas la poursuite. Elle a pour but d'éviter que le témoignage de l'accusé ne puisse être utilisé contre lui pour conclure à sa culpabilité sur une base et dans des circonstances différentes de celles reprochées par la poursuite. La décision Rivest, précitée, est particulièrement explicite à ce sujet.

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