samedi 6 février 2010

L'ordre de l'article 254 (3) du Code criminel - Droit à l'avocat, ordre de souffler vs délai

R. c. Clément, 2008 QCCQ 3540 (CanLII)

[67] Tout d'abord, notons qu'il existe aux paragraphes 2 et 3 de l'article 254 deux types d'ordre dont les délais d'exécution sont qualifiés différemment.

[68] En effet, le paragraphe 2 relié à l'ordre de souffler dans l'A.D.A. exige de l'agent de la paix, contraignant l'accusé et le détenant pour fins d'enquête, qu'il agisse «immédiatement», sur-le-champ; tandis qu'au paragraphe 3, l'ordre fondé sur des motifs raisonnables et probables de la commission d'une infraction reliée à la conduite avec facultés affaiblies exige que l'agent agisse «immédiatement ou dès que possible».

[69] Le législateur n'a prévu aucune limite de temps et les tribunaux pour leur part ont évité de le faire puisque chaque affaire sera analysée. Cependant, un délai paraissant long pourra être accepté s'il est justifié. Un conducteur blessé, une consultation médicale, l'attente d'une remorqueuse, la nécessité de procéder à plusieurs interceptions pourront influer sur l'aspect raisonnable du délai. (Cf. R. c. Petit 2005 QCCA 687 (CanLII), [2005] R.J.Q. 2463 C.A.Q. (permission d'appel refusée [2005] C.S.R.C. no. 448), R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), [2002] 166 C.C.C.(3d) 65 (C.A. Ont.) et R. c. Carey [2006] O.J. no. 3821)

[70] Rappelons que le but de ce régime législatif s'inscrit dans le fléau social que constitue la circulation des conducteurs en état d'ébriété sur les routes publiques. Il faut donc d'une part voir à ce que les droits fondamentaux des conducteurs fautifs soit respectés, entre autres, celui de pouvoir consulter un avocat et de ne pas être mobilisé contre lui-même, mais aussi éviter le rejet de la preuve recueillie pour une cause de technicité.

[71] Ainsi, reprenons les propos de la Cour Suprême du Canada dans R. c. Deruelle 1992 CanLII 73 (C.S.C.), [1992] 2 R.C.S. 663 par. 32:

«Il y a lieu d'interpréter le par. 254(3) comme exigeant simplement que l'agent de la paix ait des motifs de croire qu'un suspect a commis une infraction de conduite avec facultés affaiblies dans les deux heures précédentes. L'ordre fondé sur ces motifs de croire doit être donné immédiatement ou dès que possible, mais il se peut que le délai de deux heures soit alors expiré. La formation des motifs de croire et l'ordre en résultant n'ont pas à coïncider. Le langage du paragraphe ne décrit pas un événement unique, mais il se divise plutôt en deux modes temporels. L'emploi du présent et du passé pour désigner la formation des motifs de croire ("a des motifs … de croire qu'une personne est en train de commettre, ou a commis au cours des deux heures précédentes") doit être mis en parallèle avec l'emploi du présent et du futur pour désigner le moment de donner l'ordre ("peut lui ordonner immédiatement ou dès que possible").»

[72] L'arrêt R. c. Cuerrier no. 760-01-032290-055, C.Q., Hon. Richard Marleau, 9 février 2007, cité par la défense représente une excellente analyse d'une abondante jurisprudence ayant examiné divers délais. Sans les reprendre tous, soulignons que l'omission de justifier la longueur du délai entraînera le rejet des résultats contenus dans le certificat du technicien qualifié.

[73] Ainsi, dans la présente affaire, comme nous le concluions précédemment, la mise en état d'arrestation et l'ordre de souffler ont eu lieu à 23h57 et le premier échantillon fourni à 00h35. Les trente huit (38) minutes ont été justifiées par l'obligation présumée de retourner au véhicule de l'accusé (pour y quérir son veston à –10°C!), le transport au poste de police, l'exercice du droit à l'avocat et les explications sur le déroulement de la prise d'échantillons d'haleine.

[74] L'accusé, comme c'est son droit, a choisi de ne pas présenter de défense, alors il n'a donc soulevé aucune circonstance où les agents auraient écoulé injustement du temps, de là notre conclusion que l'ordre et l'exécution de l'ordre ont été faits «dès que possible».

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