samedi 13 mars 2010

Arrestation sur un terrain privé

R. c. Tremblay, 2007 QCCQ 12658 (CanLII)

[29] Le policier agissait dans le cadre du Code de la sécurité routière et a intercepté le véhicule afin de remettre au conducteur un constat d'infraction pour crissement de pneus. Le policier avait des motifs raisonnables de croire que l'accusé avait commis une infraction au C.S.R. et l’article 72 du Code de procédure pénale lui permettait d’exiger qu’il décline son identité afin que soit dressé un constat d’infraction.

[30] «Si le législateur a voulu donner ce pouvoir aux agents de la paix, il a sûrement voulu donner à ces derniers le pouvoir d’intercepter un contrevenant, puisqu’ils sont en droit d’exiger qu’il fournisse nom et adresse.» «Ce n’est pas parce que celui-ci se trouve sur un terrain privé, alors que le policier vient de le voir conduire sur un chemin public, que ce dernier ne saurait se prévaloir des dispositions des articles 636 et 636.1 du C.S.R.» et du Code de procédure pénale.

[31] L’agent Launière avait donc parfaitement le droit d’interpeller l’accusé sur un terrain privé, d’autant plus que son intervention s’est déroulée dans le cadre d’une prise en chasse même si les gyrophares n’ont pas été actionnés. Le recours aux équipements disponibles dans les autos-patrouille n'est pas une exigence formelle pour invoquer la doctrine de prise en chasse.

[32] D’ailleurs, les auteurs Béliveau et Vauclair dans leur « Traité général de preuve et de procédures pénales » 13e édition 2006, mentionnent aux pages 584 et 585 que la Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Macooh, [1993] 2 R.C.S. p. 802, a reconnu un pouvoir général d'intrusion dans une résidence dans le cadre d'une prise en chasse, indiquant que cela ne contrevenait pas à la Charte. L'accusé avait grillé un feu rouge et, poursuivi par la police, il s'était réfugié dans un logement. Après avoir frappé à la porte et s'être identifié, le policier est entré de force et a procédé à l'arrestation de Macooh. Lors du procès, ce dernier a soutenu que la règle de l'arrêt Landry ne s'appliquait pas aux infractions provinciales. Le juge en chef Lamer a décidé que cette question ne se posait pas. Il a disposé du litige en indiquant que «[m]ême sans mandat d'arrestation, il existe, en cas de prise en chasse, un droit d'entrer dans des locaux résidentiels aux fins de procéder à une arrestation tant à l'égard des infractions provinciales que des actes criminels, dans la mesure, cependant, où les circonstances justifient une arrestation sans mandat ». [par. 1262]

[33] Dans l’arrêt Macooh, la Cour suprême a également traité du concept de prise en chasse selon la common law et a adopté l'approche proposée par R.E. Salhany dans Canadian Criminal Procedure, 5e éd. Agora, Ont. Canada Law Book, 1989 à la p. 44, pour déterminer ce qui constitue une prise en chasse :

[ TRADUCTION ] Généralement, l'essence de la prise en chasse est qu'elle doit être continue et effectuée avec diligence raisonnable, de façon à ce que la poursuite et la capture, avec la perpétration de l'infraction, puissent être considérées comme faisant partie d'une seule opération.

[34] Ce principe a été cité avec approbation par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick dans l'arrêt R. c. Caissie 1999 CanLII 13122 (NB C.A.), (1999) CanLII 13122 (N.B. C.A.) par. 13.

[35] La Cour d’appel de l’Ontario a également statué que «[L]’arrestation en vertu du Code de la route d’un automobiliste qui a omis de signaler un virage est légale et le test subséquent de dépistage effectué dans le garage souterrain de l’accusé, après que les policiers eurent remarqué une odeur d’alcool dans son haleine, est admissible de même que l’alcootest effectué au poste de police qui conduisit à sa condamnation pour avoir conduit avec un taux d’alcool supérieur à la limite permise : R. c. Clarke, 2005 CanLII 15452 (ON C.A.), (2005) 196 C.C.C. (3d) 426, 30 C.R. (6th) 390 (Ont. C.A.), permission d’appel à la Cour suprême du Canada refusée, (2005) 199 C.C.C. (3d) vi». Quant à l'entrée des policiers dans le garage de l'accusé lorsqu'il a omis d'arrêter son véhicule dans la rue, le juge Sharpe énonçait:

In the circumstances of this case, if the police were entitled to demand that he stop his vehicle on the street, they were entitled to pursue it into his garage when he failed to comply with their demand: (citations omises).[par. 29]

[36] Dans le présent dossier, la preuve est nettement suffisante pour conclure que le policier pourchassait le conducteur afin de lui délivrer un constat d'infraction. Cette poursuite était continue et effectuée avec diligence raisonnable de façon à ce que la poursuite et la capture, avec la perpétration de l'infraction, puissent être considérées comme faisant partie d'une seule opération et ce, conformément aux principes énoncés dans les arrêts Macooh , Caissie et Clarke précités.

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