vendredi 21 mai 2010

Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable VS l'inexécution d'un mandat d'arrestation ou l'absence de démarche policière en temps utile

R. c. Bérubé, 2010 QCCQ 3412 (CanLII)

[43] D’une part, le requérant fait défaut de se présenter à sa comparution le 29 juin 2007. Les délais lui sont imputables à première vue entre le 29 juin 2007 et le moment de son arrestation en mars 2009.

[44] D’autre part, même s’il a été négligent dans la manipulation et la conservation de sa citation à comparaître et négligent dans l’écoute de sa lecture par l’agent au poste, on ne peut conclure qu’il a délibérément refusé de se présenter à sa comparution ou qu’il tentait de fuir la justice. On peut inférer cette conclusion de sa conduite lorsqu’il a reçu sa sommation pour la Cour municipale de Chambly : il a agi avec diligence et a plaidé coupable en janvier 2008. Il s’est aussi préoccupé avec son avocat de savoir si les accusations de facultés affaiblies étaient portées à cette même Cour.

[45] Évidemment, une simple vérification au Palais de justice du district où l’arrestation a eu lieu aurait permis entre juin 2007 et janvier 2008 (alors que son dossier est actif avec son avocat) de découvrir qu’un mandat d’arrestation existait quant aux autres accusations. On s’explique bien mal que la poursuite ou la liaison à la Cour municipale de Chambly n’ait pu mieux renseigner le requérant ou son avocat. De plus, porter des accusations distinctes dans deux juridictions pour des infractions découlant de la même transaction criminelle n’aidait pas à dissiper la confusion. Il était sans doute imprudent et irréaliste de croire que seule une accusation de conduite pendant interdiction découlerait de son arrestation et le requérant a cru s’en tirer à bon compte.

[46] Cela dit, déterminer et qualifier la conduite du requérant revêt sa part d’importance quant à imputer ce délai.

[47] Si l’absence à la comparution ou aux étapes ultérieures résulte d’une conduite délibérée du requérant ou de négligence manifeste de sa part, ces facteurs pourront avoir préséance sur l’inaction des policiers à exécuter le mandat d’arrestation sur de longues périodes par la suite. Dans notre cas, il revenait au requérant de conserver la citation, de s’y soumettre et comparaître. Sa responsabilité est entière.

[48] Mais cette responsabilité est atténuée par sa conduite subséquente dès mai 2007 alors qu’il doit comparaître à Chambly. Il s’est préoccupé de son dossier, des accusations de facultés affaiblies et de savoir s’il devait comparaître à ce sujet.

[49] On pourrait presque par analogie comparer sa situation à celle de l’accusé libéré sur promesse qui doit attendre une sommation. Dans ces cas, l’inaction des policiers à signifier les accusations pourra devenir déterminante dans le calcul du délai.

[50] La preuve révèle que le requérant n’a pas changé d’adresse entre son arrestation et juillet 2008. Il habitera toujours à Chambly à une autre adresse de juillet 2008 à juillet 2009. Il a effectué ses changements d’adresse. Il a travaillé chez le même employeur. Il était donc facilement localisable, sans compter qu’il a un dossier actif à la Cour de l’endroit jusqu’en janvier 2008.

[51] La preuve est inexistante quant aux efforts déployés par la police pour exécuter le mandat d’arrestation durant cette période.

[52] Dans une affaire fort semblable à la nôtre, le juge Dubois de notre Cour dans F.C.-B. c. R était confronté aux faits suivants.

[53] L’accusé, adolescent, se fait interpeller le 20 mars 2003 par des policiers pour différentes accusations suite à une fête dans une résidence privée qui tourne mal. Il sera interrogé sur place dans l’auto-patrouille et libéré sur promesse. Les parents ne sont pas avisés par la police, c’est le jeune qui le fera le lendemain. À leur insu, une dénonciation et un mandat d’arrestation sont émis le 7 août 2003. La famille continue d’habiter au même endroit. Le 11 juin 2005, le jeune est passager dans une voiture et une vérification de routine amène son arrestation. Il est libéré et doit comparaître le 18 juillet 2005. Il subit son procès le 31 octobre 2005.

[54] Il s’était donc écoulé 31 mois entre l’infraction et le procès dont 22 mois entre le mandat d’arrestation et son exécution. Les parties avaient convenu de soumettre ce dernier délai seulement au juge pour déterminer le bien-fondé de la requête et du préjudice de l’accusé.

[55] Comme ici, on n’a pas été en mesure d’expliquer pourquoi le mandat n’avait pas été exécuté auparavant. Le juge a qualifié ce délai d’excessif, inexplicable et injustifié, parlant même de délai d’inexécution et l’a imputé à la poursuite.

[56] Dans une autre affaire, alors que des policiers sont venus témoigner des raisons ayant pu justifier un délai de 13 mois entre l’émission du mandat et son exécution, le juge Bellavance de la Cour supérieure s’exprimait ainsi :

« Il faut souligner le peu d’importance, pour ne pas dire la déconsidération, dont font preuve les autorités policières face aux ordres du pouvoir judiciaire en prenant plus d’un an, et ce, de façon constante pour exécuter ce type de mandat émis par un juge de paix (paragr. 80).

Je suggère toutefois que dans le calcul global des délais, qu’une période maximale de 60 jours après l’émission du mandat et ce, pour une première tentative d’exécution, puisse être considérée acceptable comme délai inhérent pour l’exécution de la procédure. À mon avis, le surplus pourrait alors être considéré comme un délai institutionnel à la charge du ministère public » (paragr. 81).

[57] Dans une autre affaire émanant de notre Cour, le juge Sansfaçon devait évaluer des délais d’appel à la Cour d’appel (appel des requérants) et l’appel subséquent à la Cour suprême (appel de la poursuite). Il conclut en disant, « je considérerai que ces deux actes se neutralisent mutuellement et je n’en tiendrai compte ni en faveur des requérants ni en leur défaveur » (paragr. 116).

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