vendredi 13 août 2010

En matière de suggestions communes, il ressort de la jurisprudence que le juge doit suivre trois règles avant de pouvoir s'en écarter - Revue de la jurisprudence et de la doctrine par la Cour d'appel sur cette question

Bergeron c. R., 2010 QCCA 1205 (CanLII)

[18] En matière de suggestions communes, il ressort de la jurisprudence que le juge doit suivre trois règles avant de pouvoir s'en écarter :

i. Il doit s'assurer auprès de l'accusé que son plaidoyer de culpabilité est volontaire et sans équivoque;

ii. Il doit faire savoir aux avocats la réticence qu'il éprouve envers la suggestion soumise et permettre à ceux-ci d'y répondre;

iii. Il doit finalement être d'avis que la sentence suggérée est déraisonnable ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice.

[19] En l'espèce, la juge de première instance a suivi les deux premières règles. Ce que l'appelant lui reproche, c'est d'avoir estimé que la suggestion commune, en ce qui concerne le fait de purger dans la collectivité la peine de prison de deux ans moins un jour, était déraisonnable.

[20] L'arrêt Verdi-Douglas nous donne un bon aperçu de l'importance des suggestions communes et des principes qui doivent guider les juges :

38. I think it important to emphasize that the joint submission in this case was the object of lengthy and detailed negotiations over a considerable period of time by experienced and conscientious counsel on both sides, with the participation of the police officers in charge of the investigation, and clearly contingent on a plea of guilty by the appellant.

[…]

42. Canadian appellate courts have expressed in different ways the standard for determining when trial judges may properly reject joint submissions on sentence accompanied by negotiated admissions of guilt.

43. Whatever the language used, the standard is meant to be an exacting one. Appellate courts, increasingly in recent years, have stated time and again that trial judges should not reject jointly proposed sentences unless they are "unreasonable", "contrary to the public interest", "unfit", or "would bring the administration of justice into disrepute".

[…]

51. In my view, a reasonable joint submission cannot be said to "bring the administration of justice into disrepute". An unreasonable joint submission, on the other hand, is surely "contrary to the public interest". Accordingly, though it is purposively framed in striking and evocative terms, I do not believe that the Ontario standard departs substantially from the test of reasonableness articulated by other courts, including our own. Their shared conceptual foundation is that the interests of justice are well served by the acceptance of a joint submission on sentence accompanied by a negotiated plea of guilty - provided, of course, that the sentence jointly proposed falls within the acceptable range and the plea is warranted by the facts admitted.

52. Moreover, I agree with the Martin Report, cited earlier, that the reasonableness of a sentence must necessarily be evaluated in the light of the evidence, submissions and reports placed on the record before the sentencing judge (subject, of course, to amplification of that record on appeal in accordance with the applicable statutory provisions and the governing case law). I believe as well that sentencing judges are bound to ensure, by putting the appropriate questions directly to the accused, that the negotiated guilty plea is voluntary and unambiguous. A full record in both respects will be essential to meaningful appellate review in those cases, fortunately rare, where an appeal is found to be warranted.

[21] Notre Cour considère également qu'il incombe aux avocats de démontrer le bien-fondé de leur suggestion:

[7] Il faut prendre en compte qu'il appartient aux avocats de fournir au juge suffisamment de détails permettant de justifier leur suggestion. En l'espèce les raisons données sont minimales et n'ont certainement pas convaincu le juge de se rallier à la suggestion.

[22] Finalement, dans l'arrêt Poulin c. R., il est noté l'importance des suggestions communes dans le processus judiciaire, ainsi que l'obligation du juge de prendre en considération l'expérience des avocats en présence et le temps qu'ils ont mis à négocier l'entente commune:

[39] Commentant l’état de la jurisprudence, Pierre Béliveau et Martin Vauclair écrivent dans Traité général de preuve et procédure pénales, 16e éd., Éd. Yvon Blais, 2009, à la page 782 :

1955. La jurisprudence récente s’est montrée de plus en plus exigeante à cet égard, allant jusqu’à une quasi-reconnaissance juridique de cette pratique. D’ailleurs, dans l’arrêt Cerasuolo, la Cour d’appel de l’Ontario a pris acte que la négociation de plaidoyer est une démarche qui amène l’accusé à renoncer à son droit à un procès par jury et à la présomption d’innocence. Le juge Finlayson a qualifié de louable cette initiative qui réduit la durée du processus judiciaire. La défense doit donc avoir l’assurance que le juge y donnera suite dans la plupart des cas. Il a précisé que cette approche n’interfère pas avec l’indépendance judiciaire si le juge explique qu’il suivra la recommandation commune si elle ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et qu’elle ne déconsidère pas l’administration de la justice. Dans l’arrêt Druken, la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador est allée jusqu’à reconnaître qu’il est normal que la peine retenue soit, tout en étant un minimum acceptable, plus clémente que celle normalement attribuée, afin qu’elle constitue une légitime incitation de plaidoyer de culpabilité de l’accusé.

[40] François Dadour dans De la détermination de la peine : principes et applications, Lexis Nexis, 2007, à la page 38, souligne l’importance de certains facteurs qui militent contre un rejet d’une suggestion commune :

Le fait que la suggestion commune soit présentée par des avocats d’expérience est également un facteur qui doit être pris en compte. Il en va de même quant au fait que les négociations entre les parties aient été longues et détaillées. Un facteur qui apparaît essentiel à la juste considération des suggestions communes de la part du juge d’instance est que les parties ont une connaissance plus exhaustive des faits et des circonstances de l’accusé que ne peut en avoir le juge

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